Un parc d’éoliennes dans la Manche : le secteur de l’énergie pense large

Un parc d’éoliennes dans la Manche : le secteur de l’énergie pense large

 

   Alors que le programme nucléaire français reste le fer de lance de la production énergétique nationale,  le capitalisme, privé comme d’État, dans sa frénésie de « green washing » lui adjoint désormais des alternatives prétendues écologiques. C’est le cas des aménagements de parcs éoliens. Dans le détroit du Pas-de-Calais, un parc offshore est en projet. Sans doute pour l’air frais et iodé que les éoliennes brasseront au cas où la centrale de Gravelines prendrait un coup de chaud…

 

Si depuis plusieurs années nous voyons fleurir ces moulins à vent moderne, dans les campagnes de la région, une nouvelle idée a germé chez des élus Boulonnais : semer des éoliennes en mer. Si le projet est évidemment soutenu par les verts, le PS, par l’intermédiaire de sa figure boulonnaise Frédéric Cuvillier, est évidemment en première ligne de ses adhérents, arguant comme d’accoutumée dans ce genre de projet, des emplois et de la redynamisation du port moribond de Boulogne. Que l’on aperçoive ou non un jour ces éoliennes au large de la cote d’Opale, est une chose, mais il est surtout important d’analyser le pourquoi de ce type de projet, et surtout ce qui se cache derrière. Car oui, l’emblème des énergies renouvelables et des bourgeois-écolo est bien un dispositif-clef du système capitaliste et de l’économie verte !

 

L’éolien : du vent au profit de l’atome  

 

Installer des champs d’éoliennes offshore n’est pas une idée nouvelle. Chez nos voisins européens, certains n’en sont plus a leurs coups d’essais. Les Danois, par exemple, ont créé leur première ferme en 1991, suivis rapidement par les Allemands, les Belges et surtout les Britanniques dans les années 2000. La grande Bretagne compte aujourd’hui plus de 1600 machines offshore en activité. En comparaison, la France est loin derrière et possède actuellement deux éoliennes offshore en activité et à but expérimental. Ces dernières ont été construites par Alstom et sont exploitées par EDF. L’une se trouve au large de Marseille[1] alors que la seconde est en Loire Atlantique sur le symbolique site du Carnet[2], où eut lieu à la fin des années 90 une lutte importante contre l’implantation d’une centrale nucléaire. Cette dernière éolienne, au doux nom de Haliade 150[3] est par ailleurs la plus grande du monde avec ses 176 mètres de haut. Le président de région Loire Atlantique, Jacques Auxiette, grand défenseur des plans d’aménagement ubuesques du territoire (comme l’Aéroport de NDDL) est bien évidemment un soutien de taille pour les promoteurs de ce projet.

Outre le côté symbolique, il est clair que l’industrie de l’éolien offshore (comme terrestre d’ailleurs) est intimement liée à celle du nucléaire. S’il faut des preuves, les industriels positionnés sur ce secteur éolien sont tout simplement les même que ceux installés dans les secteurs du nucléaire. Nous venons d’évoquer EDF et Alstom, mais Siemens et Areva, sont eux aussi de la partie, que ce soit en France ou ailleurs.

Areva symbole français du nucléaire industriel a même créé une filiale spécialisée dans l’éolien offshore, la compagnie Adwen[4]. Cette dernière revendique de nombreux projets en Allemagne, ainsi que les fermes éoliennes offshore à l’étude au large de St-Brieuc, du Tréport et de Noirmoutier.

Si le lien entre les industriels du nucléaire et de l’éolien n’est plus à démontrer, il ne fait pas de doute que cette industrie du vent, sous son costume d’énergie verte, n’a absolument pas vocation à remplacer le nucléaire, comme nous le vendent certains de ses défenseurs (EELV en particulier), mais bien de s’y associer pour réduire la part du nucléaire dans la production électrique nationale. Cette industrie faussement verte n’a donc pour objectif que d’augmenter la production électrique globale et de pérenniser l’industrie du nucléaire.

 

Toujours plus grandes, toujours plus puissantes (source : France énergies marines)

 

Privatisation, aménagement et exploitation des mers

 

Les mers et les océans sont depuis toujours une source d’apport financier pour les capitalistes. La pêche industrielle, le transport maritime, l’industrie du tourisme ont déjà montré leurs grandes possibilités en termes de revenu financier. L’extension récente du domaine maritime national va également dans ce sens (voir encart). Aujourd’hui, au coté des ressources en hydrocarbure, c’est la production d’électricité qui prend la première place des projets d’aménagement maritime. Et la presse bourgeoise ne s’y trompe pas ! En effet, pas une semaine dans le Boulonnais, sans que la Voix du Nord publie un article au sujet de l’éolien offshore au large de la Côte d’Opale. Au niveau national, les journaux locaux font souvent de ce sujet leurs gros titres. Lors des dernières assises de la mer à Marseille, les 3 et 4 novembre derniers, les représentants de l’État et les industriels se sont rassemblés, devant la presse, pour parler de l’économie maritime et de « croissance bleue ». Une conférence animée par des dirigeants de Alstom, EDF, Engie, DCNS et le Pôle Mer Bretagne avait même pour sujet « Énergies marines renouvelables : quelles perspectives et à quel prix ? ».

Le message est clair. Les politiques publiques en termes d’aménagement du territoire apportent aux industriels un soutien sans faille pour développer la production d’énergie « bleue », et ce en mettant à disposition du secteur privé les organismes scientifiques publics (voir encart).

Dans le Boulonnais la frénésie générale de l’aménagement du territoire suit l’élan national. Et c’est d’autant plus flagrant à Boulogne ! Dans une région ou la paupérisation augmente proportionnellement à la désindustrialisation massive, la mer reste un terrain parfait d’accumulation de capital. Les décideurs et patrons locaux sont prêts à tout pour montrer leurs capacités à tourner la page du passé industriel, à proposer des projets « pour l’avenir ». La création d’emploi est d’ailleurs l’argument principal pour faire valider le financement de ce type de plan.

Ajouter à cela, le fait que surfer sur l’image « maritime » de la ville est primordial pour les élus du Boulonnais et l’environnement marin n’a qu’à bien se tenir. De gros fonds public sont fréquemment débloqués pour capter des marchés et financer des projets privés ou semi-privés liés à l’environnement maritime et l’aménagement de la mer. On pense bien sûr à l’agrandissement du Centre national de la mer, Nausicaà[5] ; la création d’un hub-port ultramoderne il y a quelques années et inexploité aujourd’hui et demain très probablement le financement de l’éolien offshore. Il va de soi que les industriels régionaux répondent à la main tendue par la Région et les municipalités concernées et se pressent pour profiter de cette manne financière juteuse, entrant ainsi en concurrence avec les multinationales de l’énergie.

 

Petite guerre entre amis : la pêche qui trinque

 

Si ce projet d’éolien offshore est soutenu par Frédéric Cuvillier et sa majorité PS, la fronde s’élève chez ses amis des villes voisines. Danielle Fasquelle et Bruno Cousein, maires UMP du Touquet et Berck s’opposent farouchement à ce projet. Soyons clair, ce n’est pas l’aménagement du milieu maritime et la privatisation du territoire qui leur pose problème, ni même le projet en lui-même, mais bien que l’implantation du parc se fera devant les fenêtres des riches cadres et retraités qui peuplent ces deux stations balnéaires. Les arguments sont d’une part que l’installation d’éoliennes en face de leurs côtes, pour des raisons panoramiques et touristiques, serait néfaste mais ce qu’ils ne goûtent guère plus, c’est que le conseil municipal de Boulogne a voté une motion de soutien au projet, afin que Boulogne devienne centre d’entretien des éoliennes. Cette fausse petite guerre de pouvoir pousse même Danielle Fasquelle à soutenir les pêcheurs locaux, qui par la voix du comité régional des pêches (CRPMEM), y sont opposés eux aussi à cause de son implantation sur des zones poissonneuses.

En effet, si tout le monde s’accorde sur l’intérêt de ce projet d’éoliennes offshore, le principal perdant, s’il se réalise, serait bien la petite pêche locale. La privatisation des mers par les professionnels de l’énergie entre en concurrence directe avec les pêcheurs, qui exploitent globalement les mêmes zones. La désindustrialisation du port de Boulogne menée par la gauche et le patronat de l’industrie depuis plus d’une décennie passe à une vitesse supérieure. La petite pêche déjà démolie par le capital au profit de grandes firmes multinationales de l’exploitation halieutique et de la transformation, va donc se voir aussi privée de ses zones de pêche locale.

Par ailleurs, n’oublions pas qu’un projet de longue date du patronat boulonnais est de développer l’aquaculture en lieu et place de l’ancienne industrie métallurgique. On peut donc aussi penser que l’anéantissement de la petite pêche locale par sa mise en concurrence géographique avec l’éolien offshore, serait du pain béni pour les soutiens locaux à l’aquaculture. La pêche disparaîtrait ainsi pour laisser place à l’aquaculture, et artificialiser donc encore un peu plus notre environnement et notre alimentation.

On notera que du côté des pêcheurs, la résistance est bien molle ! Ce qui pourrait sembler étonnant au vu des transformations de leur profession décidées par les patrons locaux. À ce rythme, la pêche artisanale ne sera plus qu’un folklore local d’ici quelques années, comme l’est aujourd’hui la pêche traditionnelle au flobart. Un autre dessein municipal vise à agrandir le port de plaisance et développer le tourisme, là encore aux dépens de la pêche. Les pêcheurs y voient la mort programmée de leur profession. La faiblesse de la lutte s’explique peut-être par la présence d’Olivier Leprêtre à la tête de CRPMEM. Le petit patron de pêche étaplois est un proche de Frédéric Cuvillier[6], et n’a donc pas intérêt à s’opposer aux projets mégalomanes boulonnais…

 


Encart

En 2002, le secrétariat général de la mer recommande de développement de l’éolien offshore au niveau national. Un Grenelle de l’environnement et deux élections présidentielles plus tard, France Energie Marine voit le jour. Installé à Brest, ville réputée pour son passé maritime et son présent actif dans l’étude de l’environnement marin, son but est à l’origine de créer des liens entres le secteur public (scientifiques, services déconcentré de l’Etat, universitaires) et les industriels de l’énergie (RTE, EDF, Areva, etc.) afin de développer les parcs éoliens offshores au niveau national et d’étudier d’autres sources d’énergies possible comme l’éolien farshore, l’hydroliens, etc.

En clair il s’agit de mettre les organes scientifiques publics aux services des industriels de l’économie maritime. Depuis sa création ce groupement a permis le développement de nombreux partenariats public-privé et donc de financer la recherche industrielle du secteur, avec des financements publics. Et pour donner une image sociale à cette initiative, le recours à des étudiants pour mener une partie de ces études, dans le cadre de sujets de thèses cofinancés, est monnaie courante. Ces étudiants sont une main d’œuvre corvéable, dévouée et surtout bon marché.


 

Notes :

[1]            http://www.polemermediterranee.com/DAS-Projets/Ressources-energetiques-et-minieres-marines/Energies-marines-renouvelables/VERTIWIND

[2]          http://www.20minutes.fr/nantes/901149-20120320-eolienne-geante-inauguree-carnet

[3]           http://www.alstom.com/fr/products-services/product-catalogue/production-electricite/energies-renouvelables/eolien/eoliennes-offshore/plateforme-eoliennes-offshore-haliade/

[4]           http://www.adwenoffshore.com/projects/

[5]             http://www.lesechos.fr/27/06/2014/LesEchos/21717-109-ECH_a-boulogne-sur-mer–nausicaa-se-dote-du-plus-grand-aquarium-d-europe.htm

[6]         http://www.lavoixdunord.fr/region/boulogne-olivier-lepretre-et-delphine-roncin-decores-ia31b49030n2510076

 

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La vidéosurveillance au service de la production capitaliste de l’espace et de la reproduction sociale.

La vidéosurveillance au service de la production capitaliste de l’espace et de la reproduction sociale.

L’aménagement capitaliste de l’espace s’accompagne d’un ordonnancement social dont profitent d’abord ses maîtres d’oeuvres : les architectes, les hommes politiques, les patrons de l’industrie sécuritaire, ceux du bâtiment et des travaux publics. Les caméras de surveillances ne sont pas, comme le déclarent ses promoteurs, le moyen de prévenir quelque danger que ce soit. Après les multiples attentats commis ces dernières années dans des métropoles européennes pourtant ultra-surveillées, qui pourrait encore le soutenir … Faut-il en conclure qu’elles ne servent à rien ? Pas tout à fait …

 

L’implantation récente à Boulogne-sur-mer de l’entreprise Sopra-Stéria signe l’une des premières consécration du schéma économique promu par la gauche locale, celui de la ville intelligente (1). Le concept de ville digitale est l’une de ces marottes qu’agitent les élus locaux soucieux de coller à leur époque saturée d’illusions virtuelles(2). En combinant la restructuration de l’espace à l’implantation de nouvelles activités liées au numérique, la gentrification se réalise ici par petites touches encore imperceptibles. C’est ainsi que depuis peu, une population d’ingénieurs s’est établie professionnellement au coeur d’un quartier ouvrier en voie d’effacement. La promesse offerte à ces techniciens d’un cadre de vie établi à la mesure et les prix avantageux de l’immobilier les ont convaincu de quitter les affres de la métropole lilloise pour les charmes ventés de la Côte d’Opale.

Cette séquence inaugure la pénétration du mode actuel d’accumulation du capital basé sur la délocalisation, la flexibilité et l’immatérialité dans une ville en voie de désindustrialisation. Elle révèle par là même l’ordre social local à venir. En se donnant à voir sous l’angle de la reproduction des rapports sociaux, l’agglomération boulonnaise illustre à son échelle ce qu’Henri Lefebvre décrivait comme : “ l’aménagement de l’espace auquel incombe la reproduction des rapports de production, la reproduction des moyens de production (la force de travail, l’outillage, les matières premières, etc …) mais aussi “l’organisation de “l’environnement”, des entreprises, c’est à dire de la société entière …” (3)

Cette production capitaliste de l’espace ré-introduit la dichotomie sociale aux conditions de la période. Elle polarise à l’une de ses extrémités les centres de décisions et de la production dont les limites sont parfois indistinctes(4) et de l’autre les zones de relégations dont il s’agira de rendre les contours tout aussi indiscernables. L’opacité est l’aboutissement recherché d’une politique de dépossession et d’évincement qui se grime des atours de la mixité sociale. Pour la mener à bien, l’Etat s’est doté d’instruments de contrôle et de stratégies sécuritaires élaborés par quelques spécialistes appointés à la demande : chercheurs en sciences du comportement, architectes, urbanistes et autres “criminologues”, chargés tour à tour de répertorier des catégories sociales jugées indésirables et /ou antagoniques : le pauvre, le vagabond, le jeune, l’immigré, la prostituée, le chômeur, le contestataire, etc … et à la suite de pacifier socialement l’espace en le re-configurant.

 

 

Une réhabilitation sous surveillance

A Boulogne-sur-mer, la vidéosurveillance s’est introduite dans le débats sous l’égide de Office Public de l’Habitat dans le cadre d’un programme de l’ANRU, au sein d’une Zone de Sécurité Prioritaire en voie de “résidentialisation”, autrement dit de privatisation partielle de l’espace public(5). Elle est ensuite devenue l’enjeu de surenchères entre factions politiciennes rivales avant de se propager et venir trôner au dessus des axes commerciaux de la cité.
Comme d’autres dispositifs mis en place localement, la vidéosurveillance donne de la visibilité à la théorie de “l’espace défendable” largement reprise et interprétée des travaux de l’architecte américain Oscar Newman. Ignorant semble-t-il l’organisation en classes de la société capitaliste comme des rapports de domination qu’elle engendre, ses épigones postulent que certains espaces seraient par essence criminogènes. Ils préconisent donc un agencement spatial qui en abolirait comme par enchantement les effets supposés et redoutés. Elémentaire …
Empruntant ce sillage, d’autres travaillent d’arrache pied à cultiver et diffuser un climat de crainte partout dans la société à mesure que le capital mène à bien sa contre-révolution libérale. Que ce soit sur les lieux de travail où dans les quartiers, là où un sentiment d’impuissance et de vulnérabilité submerge les victimes des restructurations capitalistes, une rhétorique sécuritaire se déploie et alimente un marché de la peur en pleine expansion. Ce mécanisme ne peut fonctionner qu’en obtenant l’adhésion en partie au moins d’une fraction contre une autre des populations ciblées et afin d’y parvenir, d’importants moyens sont activement déployés. L’un des artisans de cette politique n’est autre qu’ Alain Bauer le chantre de l’idéologie sécuritaire auprès du Parti Socialiste qui ne rechigne jamais à offrir ses services à la droite quand celle-ci les lui réclame. Il est par ailleurs le président de la Commission Nationale de la Vidéosurveillance et proche de l’Association Nationale de la Vidéoprotection (l’AN2V). Ce lobby financé par une centaine de patrons du secteur a obtenu le soutient officiel du ministère de l’intérieur. La vidéosurveillance est évidemment un business extrêmement lucratif dont Bauer et ses amis profitent pleinement et plus encore depuis que 60 % des fonds interministériels pour la prévention de la délinquance, soit 30 millions d’euros financent directement les entreprises du secteur (6).

 

 

un réseau européen au service de juteux marchés locaux

Sur le marché international, le taux de croissance de l’activité s’élève à 24 % l’an et devrait rapporter 43 milliards de dollars en 2019 s’il se maintient à son niveau actuel.

En Europe, le patronat de l’industrie sécuritaire entend bien profiter des relations étroites qu’il a noué depuis quelques temps au sein du Conseil de l’Union Européenne. Un groupe de travail baptisé Réseau Européen des Services Technologiques de Police (ENLETS) s’y est constitué afin d’obtenir le financement et la réalisation de projets technologiques qui équiperont ensuite les forces de police des 28 Etats membres. Parmi les objectifs du programme dont s’est doté ce réseau figure celui “d’améliorer la qualité de la surveillance vidéo en utilisant des standards de haute qualité. Les enjeux principaux concernant la vie privée et la transparence”(7). De manière concrète, il s’agira de fabriquer des caméras qui répondent aux besoins inventoriés en amont par les différents services de police. Afin de réaliser les recherches qui déboucheront sur ces fameux standards technologiques, le groupe ENLETS a perçu la somme de 587 000 euros en 2012 et ambitionne dans un avenir proche d’obtenir un budget d’un montant d’un million d’euros (8).

En France, 150 entreprises se partagent le marché de la vidéosurveillance et engrangent 2 milliards d’euros de bénéfices à l’année. Comme nous l’avons vu, les finances publiques y pourvoient largement. Le coût estimé de l’installation d’une caméra est d’environ 20 000 € auxquels il faut ajouter le coût de l’étude préalable à son installation d’un montant de 5 000 à 10 000 €, enfin, la maintenance représente 10 % de l’investissement de départ. Depuis la publication d’un rapport adressé en 2008 au sénat, l’Etat encourage les partenariats entre “les collectivités, les services de police et de gendarmerie, les commerçants, les bailleurs sociaux, les transporteurs” afin de développer les systèmes de surveillance au niveau des bassins de vie(9). Une compétence passée depuis aux établissements de coopération intercommunale qui a permis à la Communauté d’Agglomération du Boulonnais de voter la mise en place de caméras sur la zone industrielle de l’ Inquéterie pour un montant de plus de 100 000 euros. On imagine que l’installation de la fibre optique dans l’agglomération boulonnaise sera de l’occasion d’opportunités financières supplémentaires offertes aux sociétés du secteur jamais à cours d’innovations. Ainsi on apprend que sans même l’intervention de l’homme, des caméras dites “intelligentes” permettraient dans un avenir proche d’identifier des personnes ou des comportements jugés suspects. Rassurons nous car la réalité est souvent plus prosaïque et la finalité vénale. Ces bijoux de technologie seraient efficaces avant tout dans l’enregistrement des plaques minéralogiques et la distribution de contraventions aux automobilistes, ce qui n’en doutons pas, ne manquera pas d’intéresser les édiles …(10)

 

 

un outil essentiellement normatif

Il y a une quarantaine d’années, Henri Lefebvre, encore lui, affirmait dans son livre “La survie du capitalisme” que ceux qui possèdent les forces productives maîtrisent l’espace et le produisent. Rien n’est plus vrai à l’heure actuelle où l’aménagement du territoire est devenu un enjeu incontournable de la lutte entre les classes. Pour l’Etat et la bourgeoisie, l’intention est de privatiser l’espace public autant qu’il leur sera possible de le faire, de réduire l’individu à la fonction de consommateur d’accès à un espace marchandisé et sous contrôle, tout en tenant éloigné-e celui ou celle qui ne se conformera pas à cette injonction. Cette privatisation de l’espace public produit en parallèle de la norme et du contrôle, elle génère à l’occasion de la violence institutionnelle. La vidéosurveillance participe de cette régulation sociale, c’est à dire qu’elle règle, selon les termes même de la définition, le mouvement de catégories sociales déterminées en cherchant à adapter leur comportement au résultat à obtenir. Elle est un rouage du mécanisme disciplinaire qui agit sur la réalité socio-territoriale de l’espace public. Il suffit de s’en rapporter aux propos d’un responsable de la police locale s’exprimant sur le sujet pour le comprendre : “la vidéosurveillance a un effet direct sur les nuisances dont sont responsables certaines fractions de la population : “ jeunes, marginaux, sans-somicile-fixe, squatter …” – autrement dit, les pauvres(11). Le conseiller municipal en charge à la mairie de Boulogne-sur-mer de la “Tranquillité publique” insiste, lui, sur le rôle dissuasif des caméras. Convaincu que “les boulonnais sont de plus en plus demandeur”, elles sont un moyen dit-il, d’empêcher, sans préciser lesquels, “certains rassemblements en centre-ville”. Enfin, les commerçants -qui profitent sur-le-champ du dispositif- déclarent que les caméras les rassurent. De quoi les tranquillisent-elles au juste, si ce n’est de l’éviction des indésirables alors que de l’aveu même de la police :”en terme d’élucidation d’enquête, les résultats sont minimes pour ne pas dire quasiment nuls.”

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Notes :

(1)Sopra-Stéria est une entreprise qui offre des “services numériques”, notamment en matière de “Cybersécurité”. A propos du concept de “Smart-City” -la ville intelligente- lire ce texte de la revue en ligne “Lundi Matin” : https://lundi.am/La-conspiration-Episode-8
Un modèle économique qui comme son prédécesseur, de type fordiste, ne s’embarrasse aucunement de satisfaire les besoins sociaux des populations. Le maire de Boulogne-sur-mer est explicite sur le sujet : “ Nous sommes dans l’invention de l’inconnu (!) ces entreprises partent au départ d’une idée géniale qui se transforme par la suite en outils économique”.

Lire dans la presse bourgeoise : “3 millions d’emplois menacés en France à cause du numérique” in la revue du digital. http://www.larevuedudigital.com/2014/10/28/3-millions-demplois-menaces-en-france-a-cause-du-numerique/ et sur le site “Spartacus 1918” : La révolution digitale en marche : http://spartacus1918.canalblog.com/archives/2015/06/19/32193348.html
Henri Lefebvre. “La survie du capitalisme. La reproduction des rapports de production”. Ed. Anthropos. 2002. Troisième édition.
L’entreprise Sopra-Stéria dépose ses valises à Boulogne-sur-mer à la demande d’un ex-ministre, député et maire ; l’alliance du pouvoir d’Etat et de l’industrie sécuritaire.
La “ résidentialisation ” cette privatisation partielle de l’espace public a pour effet d’éliminer ou, au moins, de restreindre l’espace véritablement commun (cours, pelouses, terrains libres…)
Il est piquant d’apprendre que Alain Bauer, ami de longue date de M.Valls est actuellement visé par une enquête du parquet national financier. Bauer aurait usé de ses relations pour bénéficier de contrats d’un montant de 200 000 euros contractés auprès de la Caisse des dépôts au profit de la société AB Conseil dont il est le patron …
http://www.statewatch.org/news/2014/jan/enlets-wp-2020.htm
Des rapports entre l’Union européenne et l’industrie de la sécurité au beau fixe. In : http://securiteinterieurefr.blogspot.fr/2014/02/des-rapports-entre-lunion-europeenne-et.html
http://www.senat.fr/rap/r08-131/r08-131_mono.htm
http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2012/02/07/La-videosurveillance-intelligente-nouvelle-etape-dans-le-business-de-la-securite
“Deux chercheurs anglais nous renseignent sur le regard des opérateurs : 93% des sujets surveillés sont de sexe masculin , 86% ont moins de trente ans, 68% sont des personnes de couleur”. In : The maximum surveillance society. C. Norris, G. Armstrong

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Encadré 1 :

Qui sont ceux et celles qui nous surveillent ?

Pour le savoir, nous vous conseillons la lecture de ces quelques textes qui nous révèlent une réalité façonnée par les préjugés sociaux et raciaux, l’ennui et l’obsession …
Surveiller à distance. Une ethnographie des opérateurs municipaux de vidéosurveillance
Tanguy Le Goff, Virginie Malochet, Tiphaine Jagu
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00742822/document
Le blues du vidéosurveillant
Jérôme Thorel
http://www.slate.fr/story/45969/videosurveillance
Vidéosurveillance : Qui Vous Surveille ?
http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/2011/11/videosurveillance-une-ethnographie.html

 

Encadré 2:

Moins de caméras en Angleterre ?

Après des années ininterrompues d’implantations de caméras, le Royaume-Uni donne le sentiment de faire marche arrière en regard du bilan coût/résultats. A y regarder de plus près, c’est d’abord la baisse des budgets, voire, la suppression des financements publiques qui expliquent ce recul qu’il s’agit de nuancer. Dans un contexte d’austérité budgétaire on assiste plutôt à la privatisation des dispositifs, à leur transfert entre les mains d’entreprises commerciales qu’à leur disparition.
Désormais, des sociétés privées incitent les habitants à se surveiller entre eux par l’intermédiaire de leur écran de télévision. La pratique du “neighbourwatch”profite des outils mis à la disposition d’un marché naissant et prometteur. Les habitants de certains quartiers peuvent dorénavant scruter les allers et venues de leur voisinage simplement en s’abonnant aux chaînes de télé en circuit fermé qui leur offrent ce service.
Encadré 3 :

Bibliographie indicative :

La survie du capitalisme.
La reproduction des rapports de production.
Henri Lefebvre. Ed. Anthropos. 2002. Troisième édition

Une violence éminemment contemporaine.
Essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle
et l’effacement des classes populaires.
Jean Pierre Garnier. ED. Agone. 2010

Un espace indéfendable.
L’aménagement urbain à l’heure sécuritaire
Jean Pierre Garnier. Ed Le monde à l’envers. 2012

Métromarxisme
Andy Merrifield. Ed Entremonde. Fevrier 2016.

De Godzilla aux classes dangereuses
Alfredo Fernandes, Claude Guillon, Charles Reeve, Barthélémy Schwartz
Ed. Ab Irato.2007.

Contrôle urbain.
L’écologie de la peur
Mike davis. Ed. Ab Irato. 1998.

Les marchands de peur :
la bande à Bauer et l’idéologie sécuritaire
Mathieu Rigouste. Ed. Libertalia. 2011.

Des films à voir :

Paris grand capital : film de François Lathuillière (1h20), raconte la rénovation urbaine qui transforme les villes populaires de la « ceinture rouge » parisienne (Pantin, Ivry, Saint-Ouen, Saint-Denis, etc.) pour faire place aux riches au nom de la « mixité sociale »

La fête est finie : film de Nicolas Burlaud (1h12) s’intéresse à la manière dont le statut de « Capitale Européenne de la culture » en 2013 a été utilisé à Marseille comme un prétexte pour la « reconquête du centre-ville » par les acteurs économiques (promoteurs, fonds de pension et grandes entreprises). Partout en Europe, sous les assauts répétés des politiques d’aménagement, la ville se lisse, s’embourgeoise, s’uniformise. Cette transformation se fait au prix d’une exclusion des classes populaires, repoussées toujours plus loin des centres-villes.

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Lille, capitale du capital régional

Lille, capitale du capital régional

 

Alors que le Boulonnais devient un des versants maritime de la métropolisation de la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qu’en est-il de la situation dans la capitale donneuse d’ordres ? Alors que la plupart des villes voient leur population stagner ou diminuer, celle de Lille et de son agglomération augmente renforçant ainsi la concentration des personnes et des activités. Lille est devenue la turbine tertiaire tant espérée par Pierre Mauroy et s’insère pleinement dans l’économie européenne qui dans un mouvement centripète et concurrentiel reconcentre le capital. Mais cette vitrine régionale a un prix : elle relègue toujours un peu plus les classes populaires à la périphérie tandis que de nouveaux chantiers fleurissent dans le centre-ville pour attirer des classes moyennes solvables !

Une métropolisation à l’ombre des deux beffrois

Après avoir été un centre capitalistique important à partir du milieu du XIXe jusque les années 1970 avec d’innombrables filatures et de grands « châteaux industriels » comme la Lainière de Roubaix ou l’usine Fives-Cail de Fives qui employaient des milliers de personnes, Lille a connu plusieurs décennies de crise économique et urbaine. Les industries restructurées et délocalisées, il a fallu pour la bourgeoisie locale trouver de nouveaux débouchés que la métropolisation allait lui offrir. À la genèse de ce processus vont se retrouver, pour la première fois, les édiles socialistes et les patrons nordistes. Les deux beffrois vont se réconcilier (celui de la mairie et celui de la chambre de commerce et d’industrie). Pierre Mauroy et Bruno Bonduelle, le patron de la célèbre marque, mettent fin aux guerres politiques et s’entendent pour lancer la fameuse « turbine tertiaire » où chacun va avoir besoin de l’autre. L’un pour des orientations politiques et fiscales favorables aux entreprises ainsi que la mise en place d’infrastructures géantes ; l’autre pour le financement, la construction et le fonctionnement de ces projets. Pour ancrer ce dialogue, le comité Grand Lille est créé en 1993 (depuis, il s’appelle Lille’s agency) et réunit les décideurs politiques et les grands chefs d’entreprises nordistes comme Jean-François Dutilleul, patron du grand groupe BTP éponyme, les affaires peuvent tourner tranquillement (1). Enfin, la régionalisation amorcée en 1981-1982 joue également un rôle important car Lille devient un centre décisionnel avec de nouveaux pouvoirs en terme d’aménagement du territoire, il suffit de voir aujourd’hui les projets portés par Daniel Percheron (et aujourd’hui Xavier Bertrand) comme le Canal Seine-Nord ou le RER bassin-miner/Lille.

Ainsi, dans les années 90, de grands projets urbains sortent de terre dont les principaux se situent dans le quartier d’Euralille (inauguré en grande pompe courant 1994) : la gare Lille-Europe qui devient un point de passage du TGV Nord-européen, le centre d’affaires au dessus, le centre commercial attenant et un peu plus loin le Zenith-Grand Palais. Tous les équipements sont présents pour faire de Lille une métropole et attirer de nouvelles activités dans le tertiaire supérieur (assurance, banque, informatique, etc). Depuis les années 2000, l’extension Euralille 2 voit le jour, sont construits : le conseil régional, le nouveau quartier de Bois Habité inauguré en 2012 et enfin la réhabilitation toujours en cours de la porte de Valenciennes. Les HLM disparaissent pour laisser la place à 1000 nouveaux logements en mixité avec des bureaux et des équipements type crèche, etc. Dernier grand projet en date, Euralille 3000, lancé par Martine Aubry qui annonce vouloir redynamiser le quartier de la gare et construire la friche de la gare Saint-Sauveur. Actuellement, seule une partie de cette ancienne gare de triage est utilisée comme café/salle de concert mais les architectes ont déjà prévu de réhabiliter le reste des halles pour en faire des bureaux et des ateliers d’artistes, quant à la friche de 23 ha, ils veulent y construire un nouveau quartier en îlot comprenant 30 à 60 logements chacun. Le but affiché : attirer 6000 habitants et 2500 travailleurs mais pas n’importe lesquels ! (2)

 

 

Changer la ville et sa population

L’équation pourrait se réduire à la sacro-sainte loi économique de l’offre et de la demande où les entrepreneurs urbains font tout pour offrir un nouveau cadre de vie « agréable » et « convivial » à une population de classe moyenne venue travailler dans le tertiaire supérieur et friande de cette novlangue du « habiter ensemble » (mais pas trop quand même!). En cela, le pari a été réussi car Lille ne fait plus partie de ces villes perdantes post-industrielles et elle est devenue une ville dynamique notamment grâce à l’action de la culture mais là encore, pas n’importe laquelle : celle sponsorisée par Martine Aubry, épaulée par son maître de cérémonie Didier Fusiller qui a fait ses armes à Maubeuge, autre ville perdante mais qui n’a pas eu le même succès que la capitale des Flandres. Le grand événement tant attendu pour célébrer la métropole va venir en 2004 avec Lille : capitale européenne de la culture qui est un succès car depuis, le couvert est remis environ tous les 3 ans avec Lille 3000 : un comité devenu permanent qui organise les différentes thématiques. Il y a eu Bombaysers de Lille en 2006, Lille XXL en 2009, Lille Fantastic en 2012 et aujourd’hui Lille Renaissance. A chaque fois, une nouvelle marque culturelle est inventée pour susciter le « désir de ville » chez les visiteurs.
Cette offensive culturelle et urbaine entraîne nécessairement des mouvements, des glissements de population. Ce ne sont plus les ouvrier-ères qui font la ville et sa convivialité mais les cadres et les professions intermédiaires vulgairement appelés les bobos. En 1999, peu avant le premier mandat de Martine Aubry, les classes moyennes supérieures représentaient 21% de la population lilloise de plus de quinze ans. Dix ans plus tard, elles ont vu leur poids fortement augmenter à 31%. À l’inverse, les classes populaires sont passées de 26% à 24%. Il y a aujourd’hui à Lille 10 000 cadres de plus que d’ouvriers et quasiment autant de cadres que d’employés (3). La gentrification (autrement dit l’embourgeoisement) a commencé dans le vieux Lille et se diffuse maintenant vers le sud dans les quartiers de Fives, Moulins et Wazemmes. Au centre de ce processus, on retrouve la société publique locale d’aménagement (SPLA) « La fabrique des quartiers » créée en 2010 par la LMCU devenue MEL (communauté métropolitaine de Lille) et les villes de Lille, Roubaix, Tourcoing. Elle est chargée de « requalifier » le bâti ancien et de faire le pont entre les collectivités territoriales et les propriétaires car 70% du parc immobilier est privé. Ainsi la métropole et la ville de Lille leur ont offert pendant 8 ans, sous forme de concession, le marché de la réhabilitation. En plus de la rénovation, la Fabrique des quartiers fait faire construire des îlots en plein milieu de Moulins ou de Fives, le tout sous la promesse de sécurité (des caméras ou des voisins vigilants?) et de mixité sociale qui s’avère, en réalité, être un argument pour chasser les indésirables de ces quartiers destinés à accueillir une population plus solvable. In fine, Lille devient une ville chère, le prix du loyer au mètre carré est de 13,5€ en 2013, ce qui en fait la deuxième ville de province la plus chère après Nice.

 

 

 

Le droit à la ville vs la ville capitaliste

Par « indésirables », les gestionnaires publics et privés de l’immobilier désignent celles et ceux qui ne participent pas à la métropolisation autrement dit les classes populaires reléguées dans le précariat et le chômage qui n’apportent rien au capitalisme urbain. Ces populations sont alors déplacées et enclavées dans les périphéries immédiates comme à Lille-Sud derrière le périphérique ou plus lointaines vers Roubaix-Tourcoing, sans oublier les campagnes périurbaines. Face à cette accusation, les politiques s’empressent de brandir la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) qui fixe à 20% la part de logement social dans une ville. A Lille, le taux officiel est même de 30% car un règlement local impose une « servitude de mixité sociale » qui veut que pour toute opération neuve construisant plus de 17 logements, 30% des logements doivent être sociaux (accession sociale, logements locatifs sociaux). Mais, dans les faits, le dispositif est souvent contourné comme par exemple dans le nouveau quartier de Bois Habité: sur les 140 logements sociaux que comptent le quartier, 55 sont des Prêts locatifs sociaux (PLS) accessibles pour 80% de la population, par exemple pour une personne seule dont les revenus n’excèdent pas 2100 euros par mois. Bien que catégorisés comme HLM, on peine à percevoir ce qu’il y a de social dans les PLS. Les 85 autres logements – véritablement – sociaux sont des Prêts locatifs à usage social (PLUS). De ce point de vue, la part de social au Bois Habité n’excède pas les 14%. Et surtout, aucun Prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), réservé aux populations les plus précaires, n’est répertorié dans le quartier. En réalité, le nombre de logements sociaux diminuent. En 1999, Lille comporte 21 344 logements HLM, soit 23,6% de l’offre totale. En 2010, la ville compte 25 339 logements HLM, soit 21,8% de l’offre. On est loin du seuil des 25%.

Face à ces privations et privatisations du centre-ville, des résistances naissent pour réclamer le droit à la ville pour tous, c’est à dire le droit à l’accès à une centralité (logement + commerce) et une sociabilité (les bars, la culture en général). Cette résistance est, avant tout, diffuse car certains quartiers restent aux mains des habitants qui continuent à occuper l’espace comme à Wazemmes vers la rue des Postes ou encore le quartier de Moulins dont l’arrivée de science-Po et de la faculté de droit n’ont pas réussi à gentrifier le quartier. Pour tenter de discipliner ces lieux et leur population, la police est alors envoyée et Moulins est devenue une ZSP (zone de sécurité prioritaire). Les portes de la ville (porte de Douai, Arras et Faubourg de Béthune) restent également populaires à l’exception de la porte de Valenciennes où 380 logements sociaux ont été démolis pour en reconstruire seulement 200.

 

 

 

Il existe aussi des luttes plus frontales comme celle autour de l’îlot Pépinière qui est un terrain de 20 ha jusque là boisé (le dernier bail agricole de la ville) mais en proie à un projet métropolitain qui prévoit la construction de ces sinistres îlots car le quartier est placé juste derrière la gare Lille-Europe. Des expropriations ont commencé mais un collectif d’habitants et de militants notamment ceux de l’atelier populaire d’urbanisme (APU) de Fives-Hellemmes s’est formé et a lancé des recours en justice tandis que les réunions publiques, où les décideurs et les architectes tentent de convaincre les riverains , ont été quelque peu chahutées. En attendant la décision de justice (qui sera sans surprise) des maisons restent occupées. Enfin, il ne faut pas oublier la lutte des squatteur-euses qui continuent à occuper des lieux laissés à l’abandon au nom de la spéculation immobilière. Le dernier grand squat a tenu plusieurs mois quasiment en face du conseil régional mais a été fermé en mai dernier à grand renfort de policiers, des occupants ont été jugés (4) et le lieu est depuis muré. Reste l’Insoumise, une bouquinerie occupée depuis plus de 3 ans qui continue à accueillir une bibliothèque et des discussions politiques en plein milieu du quartier de Moulins. Réoccuper la ville est et sera un des enjeux des luttes sociales et politiques à venir, ne serait-ce que dans la réappropriation des espaces mais aussi dans le blocage des flux de capitaux vivants ou non qui transitent par les métropoles, qui en attendant se bunkerisent avec le tout-sécuritaire (vidéo-surveillance, flics militarisés, etc)

Lille le 01/02/2016

Notes :
(1)Pour plus d’infos, lire avec intérêt les articles de la Brique sur l’urbanisation et notamment http://labrique.net/index.php/thematiques/enquetes-et-infos/104-les-patrons-de-la-metropole-lilloise
(2)On pourrait citer aussi le projet Fives-Cail où en lieu et place de l’ancienne usine géante de Fives (à l’origine de la fortune de ce groupe maintenant mondialisé) vont être construit des logements et des équipements en vue d’attirer un certain type de population.
(3) Chiffres cités par la Brique, décembre 2013
(4) Pour plus d’infos, voir ici https://fr.squat.net/2015/05/29/lille-la-mangouste-saison-2-episode-6-le-proces/

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Du SCoT au PLUI : demandez le programme

Du SCoT au PLUI : demandez le programme

 

Dans le dernier numéro de La Mouette enragée nous vous présentions le Schéma de Cohésion Territorial (SCoT) du Boulonnais. Ce document est une sorte de feuille de route pour la décennie à venir. Il concerne les habitants de la Communauté de Communes de Desvres Samer (CCDS) et de la Communauté d’Agglomération du Boulonnais (CAB).
Dans ce numéro nous nous concentrerons plus sur la CAB et son Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) aujourd’hui rétorqué.

 

Quelques éléments de clarification

C’est quoi un PLUi ?

Le PLUi définit les règles indiquant quelles formes doivent prendre les constructions, quelles zones doivent rester naturelles, quelles zones sont réservées pour les constructions futures, etc. Il doit notamment exposer clairement le projet global d’urbanisme ou projet d’aménagement et de développement durables (PADD) qui résume les intentions générales de la collectivité quant à l’évolution de l’agglomération. (1)
En tant que document officiel il doit contenir un certain nombre de pièces :

  • un rapport de présentation, qui explique les choix effectués notamment en matière de consommation d’espace ;
  • un  PADD qui expose le projet d’urbanisme et définit notamment les orientations générales d’aménagement, d’urbanisme, d’habitat, de déplacements, d’équipement, de protection des espaces et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ;
  • des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) qui, dans le respect du PADD, comprennent des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports et les déplacements ; – un règlement, qui délimite les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières, et fixe les règles générales d’urbanisation ;
  • des annexes.

Il doit respecter certains documents, entre autres :

  • le ScoT ;
  • les « schémas de cohérence écologique » (trames vertes et bleues) et « plans territoriaux pour le climat » ;
  • la loi littorale dans le cas présent.

Construire, construire et encore construire

Cela semble être le leitmotiv des élus, quels qu’ils soient. En effet, comme c’était le cas dans le ScoT, l’objectif ici est de produire des logements. Mais pourquoi ? Quand on regarde les analyses démographiques, le Boulonnais perd sa population alors pourquoi construire plus ? Nos élus y ont réfléchi : en construisant de nouveaux logements, ils pensent attirer une nouvelle population. Comme si leur existence allait faire venir des personnes dans des villes où il n’y pour ainsi dire pas d’emploi. En outre, une partie de ces logements existe puisqu’on comptait en 2013 12,3 % de logements vacants à Boulogne même. Mais las le but est bien de produire, que ce soit en réhabilitant des habitations insalubres, en construisant ou en libérant les logements vacants. Ainsi ce sont pas moins de 4 365 nouveaux logements qui sont prévus pour les 10 prochaines années dont 13,5 % de résidences secondaires ! (2) Et oui, on n’oublie surtout pas les touristes… Mais pendant ce temps la population boulonnaise subit la politique de réhabilitation urbaine en cours et qui a vocation à se poursuivre. Sous couvert de rénovation ou réhabilitation de logements sociaux, on casse des quartiers, on détruit des liens. Qu’on ne s’y trompe pas la répartition des logements prévoit la plus grande mixité en obligeant les futurs programmes à mélanger les offres. Ainsi les logements sociaux côtoieront les habitations mises à la vente. Les vieilles antiennes ont la vie dure.
On a ici surtout l’impression que le but est moins de créer des logements pour y faire vivre des gens que de faire vivre des patrons du BTP en construisant toujours plus. Mais qu’on ne s’y trompe pas la population boulonnaise n’aura pas pour autant du travail. En effet, les entreprises sélectionnées dans les derniers marchés publics sont loin d’être locales : Vinci, Bouygues, etc. (3).

Le PLUi ne passe pas

Une fois validé par le conseil communautaire, le PLUi doit être approuvé par la préfecture. Et quand ça commence mal, ça ne finit pas toujours bien. En effet, certaines communes de la CAB n’ont pas validé le PLUi. Il s’agit d’Echinghen (conseil municipal du 19/06/2015) et Equihen (conseil municipal du 22/06/2015). Le conseil municipal d’Outreau l’a validé mais en demandant des ajustements. Ces réticences d’édiles ont toutes le même but : pouvoir toujours construire où ils veulent et comme il veulent. En effet, le PLUi serait pour eux par trop restrictif en matière de zones constructibles. Pourtant on ne peut pas dire qu’il y va par le dos de la cuillère en termes d’utilisation du foncier pour la construction de nouveaux bâtiments. Ce ne sont pas moins de 300 ha qui sont concernés pour les dix prochaines années. (4) Malgré cette opposition le PLUi a été validé par le conseil communautaire et déposé en préfecture du Pas-de-Calais pour avis. Cette dernière, par le biais de l’autorité environnementale du 19/08/2015 demande aux élus locaux de revoir leur copie. (5) En effet, le document ne respecte pas certains textes supérieurs. C’est le cas notamment du ScoT : il prévoit plus de construction et sur des surfaces plus importantes que ce que ce précédent document prévoyait. (6) De plus, le PLUi prévoit de rendre constructibles des terrains contigus à des zones environnementales protégées. En outre, le PLUi souligne des problèmes de qualité d’alimentation en eau sur le territoire déjà à l’heure actuelle, il est certain que ces problèmes s’aggraveront avec l’augmentation de la population. Enfin, le document n’est pas compatible avec la charte du parc naturel régional, entre autres documents.
C’est donc sur la base d’un document désormais caduc que nous avons travaillé. Néanmoins la plus grande partie de ses objectifs resteront sans aucun doute dans le prochain PLUi,

 


Notes :
(1) cf : http://www.actu environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/plan_local_d_urbanisme_plu.php4
(2) Le Scot prévoyait la construction sur le territoire de la CAB de 4170 logements dont seulemnt 8,5 % de résidences secondaires.
(3) Article de la Voix du Nord du 5 juin 2015
(4) Les chiffres varient de 303,2 à 313ha selon la page du document où on les trouve !
(5) Avis à consulter ici : http://www.nord-pas-de-calais.developpement durable.gouv.fr/IMG/pdf/19082015_plui_boulonnais_decision.pdf
(6) Le ScoT prévoyait une consommation de 9,4 ha maximum par an, le PLUi en prévoit 12 par an,

 

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Air France, Goodyear, Notre Dame des Landes … Une justice de classe au service de l’État et du patronat

Air France, Goodyear, Notre Dame des Landes … Une justice de classe au service de l’État et du patronat

 

Air France, Goodyear, Notre Dame des Landes ... Une justice de classe au service de l'État et du patronat

 

– D’un côté 2900 suppressions de postes, de l’autre la réaction légitime des travailleurs et deux chemises déchirées.

– D’un côté 1173 suppressions de postes, de l’autre une action ouvrière classique et deux cadres qui repartent comme ils sont venus.

– D’un côté la confiscation de terres au profit de quelques groupes capitalistes, de l’autre d’importantes manifestations de paysans, d’habitants et de nombreuses actions collectives …

A lire ici le tract que nous avons distribué mardi 26 janvier 2016 lors de la manifestation à Boulogne-sur-mer.

 

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L’Etat d’urgence en question

L’Etat d’urgence en question

 

L’Etat d’urgence en question

Le 13 Novembre, une série d’attentat causant de nombreux morts et blessés a eu lieu a Paris. Suite a cela, le président de la république a décidé,dans un premier temps,l’instauration, pour 12 jours, de l’état d’urgence. Il souhaite le faire passer a 3 mois et modifier la constitution,en passant par une consultation des deux assemblées. Dans l’actualité des luttes, nous souhaitions avoir un décryptage de cette notion d’état d’urgence. C’est Laurence Blisson, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature qui nous fait un petit historique de ce dispositif et de ses conséquence pour les libertés.

A écouter ici.

 

L’état d’urgence : les conséquences

Laurence Blisson, juge dʼapplication des peines, secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature, sʼexprime pendant 27 mn sur les dérives induites par lʼétat dʼurgence.

A écouter ici.

 

Les violences policières se multiplient sous l’Etat d’urgence, la presse bourgeoise les recense :

Pour information, quelques titres de la presse bourgeoise et citoyenniste comme “Le Monde” ou “La quadrature du net” recensent depuis quelques jours les abus et autres dérapages qu’accumule la police dans le cadre de ses interventions sous l’état d’urgence. Des interventions qui pour la plupart d’entre-elles n’ont aucun lien direct avec les affaires de terrorisme …

 

La quadrature du net, ici.

Le Monde, ici.

Médiapart, ici.

 

Témoignage d’un assigné à résidence et Fiches « S »

Sur Radio-Primitive, lors de l’émission des camarades de l’OCL de Reims :

en première partie, le témoignage d’un assigné à résidence dans le cadre de la COP 21 et en seconde partie, ce qu’il faut savoir des fiches « S », des fiches européennes …

A écouter ici.

 

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VPC – Logistique

VPC – Logistique

Le suivi de la lutte à La Redoute et le bilan de la réunion des travailleurs d’Amazon à Poznan.

Tout est à redouter !

Les choses se précisent pour l’ancien leader nordiste de la vente par correspondance. La direction bloque désormais les départs volontaires et réaménage le temps et les postes de travail tandis que le nouveau site logistique ultra-modernisé de la Martinoire se construit, blesse déjà et fait craindre le pire pour les nouvelles conditions de travail dans le secteur !

Plus personne ne part  ! L’arnaque du PSE (1)

Début septembre, les syndicats CGT et FO ont déposé aux Prud’hommes de Roubaix, 15 dossiers de salarié-es pour «  défaut d’accord  », une trentaine d’autres devraient suivre. Ce désaccord porte sur les modalités d’application du PSE qui prévoit la suppression de 1 178 postes jusque 2017, soit par des départs anticipés ou non à la retraite, soit par des départs dits volontaires vers des reclassements. Or aujourd’hui, les quotas ont été atteints et pour ceux qui veulent encore quitter le navire, ce n’est plus possible. Ces refus touchent surtout les ouvriers de la logistique et la relation-clients. De quoi dégoûté Ali qui comme les autres  : «  voulait gagner 1 ou 2 ans de salaire pour après faire une formation  » financée par la fiducie (2) . Car après, le futur semble bien bouché pour les reconversions, 40% de ceux qui sont partis volontairement sont au chômage, les autres ont trouvé dans l’aide à la personne, l’aide maternelle ou encore dans la manutention.

On ferme les robinets d’un côté et de l’autre, la direction recrute des gros bonnets dans la pub, l’internet et bien sûr les ressources humaines pour finir de faire le ménage. A l’image de Pascal Lafon, nouveau RH aux dents longues puisqu’il était avant chez Rabot-Dutilleul (grosse boîte de bâtiment dans le Nord), Bricoman et les boulangeries Paul. Ce dernier (3) se ferait un fixe de 130-180 000 euros, de quoi dégoûter encore un peu plus. Avec le recul, tout cela a été parfaitement orchestré. Aux lendemains des grèves de 2014, la direction a joué profil bas et a laissé partir beaucoup de salarié-es, aujourd’hui elle bloque les départs et se permet de réaménager les postes de travail à sa guise, en attendant les licenciements proprement dits en 2017 ou même avant. A la logistique, il ne doit rester que 550 salarié-es, il y en a encore environ 700…

Loi de la jungle dans la vente à distance

De l’aveu de ceux qui y travaillent, les stocks se remplissent sans qu’il y ait de grosses ventes et les dernières soldes ont été calamiteuses pour la Redoute. Preuve en est que le secteur de l’anciennement vente par correspondance disparaît pour laisser place à un nouveau modèle  : celui de la vente à distance par internet et de la livraison chrono en moins de 24h. A voir la fortune exponentielle de Jeff Bezos, le PDG d’Amazon (47 milliards de dollars tout de même), le secteur semble se porter à merveille mais c’est pour mieux cacher sa crise structurelle. Avec ou sans internet, les stocks grossissent et la consommation n’arrive plus à tout absorber à cause de la baisse des pouvoirs d’achat, les marges diminuent et il faut alors prendre là où l’on peut encore prendre  : sur le travail. C’est ce qui se passe dans les hangars de Amazon où les conditions de travail sont dantesques comme le montre de nombreux témoignages (4). La Redoute, elle, veut tout automatiser même les déplacements pour rattraper la concurrence mais ce n’est qu’une fuite en avant de plus … et un recul considérable pour les conditions de travail. Cela commence par des ouvriers polonais qui ont été appelés pour construire cette nouvelle Martinoire, travaillant au rabais, l’un d’entre eux a été grièvement blessé en faisant une chute.

Bien heureusement des résistances existent notamment par les voies syndicales comme à la Redoute mais aussi par le biais d’une initiative internationale menée par le syndicat polonais Inicjatywa Pracownicza, très présent dans l’entreprise Amazon à Poznan qui a appelé mi-septembre à une rencontre avec des camarades allemands et français d’autres sites. Le compte-rendu de cette réunion n’est pas encore publiée mais l’appel (reproduit ci-joint) laisse l’espoir d’une résurgence de la lutte dans le domaine de la logistique (5).

Notes  :
(1) Plan de «  sauvegarde  » ou plutôt de suppression de l’emploi. Il a été signé, il y a plus d’un an par la traîtrise de la CFDT centrale alors qu’une lutte importante de la base avait lieu notamment grâce à l’action des Redoutables, pour plus d’infos, voir CA de mai 2014 + émissions radio de l’Egregore consacrées à ce sujet.
(2) C’est une caisse de 180 millions d’euros que Pinault (ancien propriétaire de la Redoute) a laissé pour organiser la restructuration de la logistique (nouvelle Martinoire) et pour financer les départs volontaires avec un plan de formation et une prime de 20 000 euros. Quelques millions pour se laver les mains  !
(3) Selon les bruits de couloirs qui se rapprochent souvent de la réalité
(4) Lire, En Amazonie: infiltré dans le « meilleur des mondes » de JB Mallet, Fayard, 2013
(5) Soulignons les actions du syndicat Verdi en Allemagne qui ont bloqué plusieurs fois des hangars Amazon.

Rencontre internationale des travailleurs d’Amazon
(Poznan, du 11 au 13 septembre 2015)
Déclaration finale

Le texte de l’appel est à télécharger ici
Des travailleurs d’Amazon de Pologne et d’Allemagne se sont réunis pendant trois jours à Poznan (Pologne) avec d’autres camarades sympathisants. C’est la deuxième fois que nous nous rencontrons ainsi, après la première réunion à Bad Hersfeld (Allemagne) au printemps dernier. Ces réunions sont organisées par les travailleurs d’Amazon eux-mêmes, indépendamment de nos syndicats respectifs. Nous sommes un réseau de solidarité qui vise à répondre à la stratégie d’Amazon et à coordonner la lutte pour nos intérêts communs.

Cette fois, nous avons distribué des tracts devant l’entrepôt d’Amazon à Poznan-Sady, nous avons tenu une réunion publique pour expliquer la situation dans l’entreprise Amazon à Poznan, Bad Hersfeld et Brieselang et nous avons organisé un rassemblement et une conférence de presse avec les médias. Ensuite, nous nous sommes réunis en assemblée de travailleurs et avons discuté de la situation dans les différents entrepôts d’Amazon et de nos efforts communs visant à améliorer les conditions de travail dans le futur.

Nos échanges ont révélé que, dans les différents pays, les travailleurs d’Amazon sont confrontés aux mêmes problèmes (bas salaires, réglementation grandissante, pressions au travail élevées conduisant à des problèmes de santé, pratiques typiques d’Amazon d’embauches et de licenciement, etc.). Lorsqu’elle est confrontée aux revendications des travailleurs, Amazon utilise des stratégies semblables dans tous les pays, par exemple en menaçant les travailleurs de licenciement, en mettant la pression sur les militants syndicaux, en négociant sans aucune volonté de céder, etc.

Pour tous ceux qui ont participé à la réunion, il était clair que nous devons donner une réponse collective – entre les différents entrepôts dans les différents pays – afin d’imposer des améliorations et plus. Dans l’avenir, Amazon ne doit plus pouvoir jouer avec nous, les uns contre les autres, parce que nous unissons nos forces et établissons des liens à la base, de travailleur à travailleur.

Cet échange d’expériences au moyen de rencontres entre travailleurs d’Amazon peut motiver, mobiliser et renforcer l’autonomie des travailleurs à travers les frontières, même de ceux qui ne peuvent pas (encore) y participer. Un exemple est le ralentissement du rythme de travail auto-organisé dans l’entrepôt de Poznan contre les heures supplémentaires, exprimant le mécontentement des travailleurs vis-à-vis de leurs conditions de travail et qui a été aussi un clair geste de solidarité avec la grève des travailleurs d’Amazon en Allemagne, qui a eu lieu le même jour à la fin du mois de juin.

Nous sommes aussi déterminés à faire face à la répression menée par Amazon. Des travailleurs d’Amazon en Italie devaient assister à la réunion, mais l’un d’entre eux a été licencié peu de temps avant notre rencontre. Ils ont donc dû rester pour faire face à cette attaque et n’ont pas pu venir. Nous exprimons notre solidarité avec ces travailleurs et nous sommes heureux de savoir qu’ils sont déterminés à participer aux futures rencontres et actions communes.

Pour la prochaine rencontre, qui sera annoncée en temps voulu sur https://amworkers.wordpress.com, nous n’invitons pas seulement les travailleurs d’Italie, mais aussi ceux du nouvel entrepôt Amazon qui a ouvert près de Prague (République tchèque) et ceux qui travaillent dans les autres entrepôts d’Amazon dans toute l’Europe.

À Poznan, tous les participants ont réaffirmé leur intention d’organiser de futures luttes communes transfrontalières. C’est seulement si notre combat est organisé par les travailleurs eux-mêmes, enraciné dans chaque entrepôt et coordonné avec les autres, avec une stratégie claire et imprévisible pour Amazon, que nous avons une chance de gagner !

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Solidarité avec les salariés d’Air France

Solidarité avec les salariés d’Air France

 

A Air France, riposte contre les licenciements et la répression

Nous vous proposons l’écoute de l’émission de radio « Vive la sociale » dans laquelle interviennent deux employés d’Air France, militants de Sud Aérien qui reviennent sur l’épisode de la chemise déchirée pour nous faire comprendre le contexte de ce que le pouvoir qualifie de « violences inacceptables ».

A écouter ici.

 

La solidarité à Boulogne-sur-mer le samedi 17 octobre

Un rassemblement s’est tenu le samedi 17 octobre au matin dans le centre ville de Boulogne-sur-mer. A l’appel de l’UL Solidaire une dizaine de personnes ont distribué quelques 600 tracts sur fond de sono et avec quelques chemises accrochées au mobilier urbain …

Le tract distribué est à lire ici.

Le compte rendu établi dans la presse bourgeoise locale est à lire ici.

Le soir, différents tracts ont été distribués lors d’un concert durant lequel des musiciens ont pris la parole pour appeler à la solidarité avec les travailleurs en lutte d’Air France.

 

Voici le tract en solidarité avec les travailleurs d’Air France distribué lors de la manifestation de 8 octobre à Boulogne-sur-mer. N’hésitez pas à faire circuler.

 

Les travailleurs et les travailleuses d’Air France

nous ont montré que la peur peut changer de camp !

 

Tout d’abord nous adressons un grand bravo aux travailleurs et travailleuses d’Air France ! Quelle joie ce fut de voir, ne serait-ce que durant quelques instants, la peur changer de camp. Ceux qui maintiennent des millions d’entre nous, chômeurs ou travailleurs dans l’incertitude du lendemain, qui par leur management criminel en poussent des milliers d’autres à la maladie et au suicide ont ressenti pour la première fois de leur existence l’angoisse dans laquelle ils tiennent du haut de leur pouvoir usurpé celles et ceux qui n’ont que leur force de travail à marchander.

Les rapports sociaux de classe s’incarnent bien dans des individus contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire et ces individus ne doivent pas s’étonner de ce qui peut leur arriver quand, soudain, les règles du jeu s’inversent … Nous ne sommes pas surpris non plus de la réaction des syndicalistes collabos qui à leur tour condamnent l’action des salariés d’Air France alors que pour un certain nombre d’entre-eux la répression s’annonce. Nous ne nous étonnerons guère plus de l’attitude et des déclarations des socialistes, à la botte du MEDEF comme il se doit, quant aux larbins de la presse bourgeoise et des médias ils furent à la hauteur de leur bassesse ordinaire.

 

Solidarité avec les travailleurs et travailleuses d’Air France

Groupe Communiste Anarchiste de Boulogne-sur-mer

La Mouette Enragée B.P 403 62206 Boulogne-sur-mer cedex.

lamouette.enragee@wanadoo.fr

Tract à télécharger ici.

 

Solidarité avec les salariés d'Air France
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Capitalisme et bizness maritime : le durable prend l’eau !

Capitalisme et bizness maritime : le durable prend l’eau !

 

 Le capitalisme bâtit ses fortunes, à l’instar des petits ruisseaux et grandes rivières, en creusant son lit dans les territoires qu’il traverse, entamant les reliefs jusqu’à l’usure. […] Déjà la fonte de la calotte glaciaire ouvre d’âpres bagarres pour le contrôle du passage du nord-ouest, tout autant que pour les gisements des terres qui vont devenir accessibles. ”  (1)

Ces lignes sont tirées de l’épilogue de l’ouvrage Fortunes de Mer que nous publiions en 2010 aux éditions Acratie.

Le capitalisme n’a pas attendu le dégel et le monde marchand, happé par sa course exponentielle, avance à la techno-machette au Moyen Orient et en Amérique Centrale. Des grands projets toujours encensés lors de leur avènement et assez peu discutés avant et au cours de leur réalisation.

 

Le texte est à télécharger ici.

 

Suez : le capitalisme double la mise

Ainsi, ce 6 août 2015, Hollande était en bonne place pour l’inauguration du doublement du canal de Suez, plus symboliquement en mémoire de Ferdinand de Lesseps qu’en référence à l’intervention militaire franco-britannique de 1956 contre la nationalisation du canal par Nasser. Trois Rafales et une frégate auront entériné l’a(r)mitié dûment contractualisée entre la France et l’Egypte. L’ensemble de la presse a déjà fait état de la cérémonie, des chiffres et des déclarations relatives à ce projet (forcément!) “pharaonique”.

On peut d’emblée se poser la question de l’achèvement à marche forcée – l’inauguration était initialement prévue en 2017 – et des conséquences pour les ouvriers du chantier et la population locale. Pour les délais, la réponse est simple : il ne s’agit que de la concurrence en économie de marché basique; une tentative de rogner sur le canal de Panama avant le… doublement de ce dernier, en profitant de la capacité actuelle de Suez à accueillir les cargos géants. Aussi le chantier a-t-il fonctionné jour et nuit, augmentant les risques et contraignant la main d’œuvre à des conditions de travail extrêmes. Officiellement, on compte trois morts en septembre 2014 (contre 100 000 lors de la percée du premier canal !) et le nombre de blessés reste inconnu. Des milliers d’habitants ont reçu un avis d’expulsion dix jours seulement avant la démolition de leur maison et de leurs champs et ne reçurent aucune compensation. (2) Malgré les déclarations officielles, le peuple Égyptien a commencé à subir avant même de pouvoir profiter (3) des retombées de l’opération.

Autre motif à la nécessité de faire fissa : la situation intérieure décourage le touriste, première ressource jusqu’alors de l’Égypte.

Car, au-delà de ces enjeux économiques évidents, des problèmes intérieurs, stratégiques et géopolitiques dominent en la circonstance les choix politiques du militaire Al Sissi. La menace du groupe islamiste du Sinaï est omniprésente; un tir de roquette sur une frégate qui naviguait à proximité de la côte. Aussi le canal sera-t-il un point crucial surmilitarisé – à l’instar des eaux somaliennes quand les actes de piraterie étaient réguliers – et l’“État islamiste “a menacé d’exécuter un otage croate travaillant pour une compagnie française. Le canal et toutes les infrastructures du pays, comme l’État et la population sont sous le contrôle direct de l’armée. Sur le plan intérieur, le projet aura également permis de rassurer et d’obtenir l’adhésion des “simples citoyens”, vraisemblablement en partie des classes moyennes (le salaire minimum des Égyptiens est de 120 euros; plus de la moitié des jeunes “vit” avec environ deux dollars par jour). De nombreux petits porteurs se sont rendus dans les banques, incités par les médias, pour acheter les certificats d’investissement. Les 6 milliards d’euros nécessaires ont été trouvés en dix jours. La propagande patriotique, la main de fer du pouvoir militaire et l’absence d’information ne permet pas de dire si quelque type de résistance a pu se produire.

Un petit rappel historique est ici nécessaire : démarré sous Moubarak, le chantier n’a évidemment pas échappé à la “Révolution” et quelques 6 000 ouvriers se mirent en grève dans les arsenaux de Port-Saïd, à l’entrée nord du canal de Suez, ainsi que chez plusieurs sociétés privées travaillant sur cet axe stratégique du commerce mondial, pour de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire, ainsi que la démission du directeur opérationnel du canal. La grève coûtera environ 200 millions d’euros au gouvernement en manque à gagner – si la circulation est toujours ouverte sur le canal, (4) une autorité militaire spéciale est en charge de sa sécurité (ainsi que de l’oléoduc Sumed) – et l’Asie comme l’Occident commencent à s’inquiéter des conséquences sur le trafic et le prix des hydrocarbures. Des navires US seront même envoyés sur zone.

Aujourd’hui, l’opération de doublement du canal de Suez est donc vouée à conforter le pouvoir d’Al Sissi, à générer du profit et à renforcer ses liens militaires et économiques avec l’Occident. Le tout sur fond de paternalisme et de sentiment nationaliste, prétextes à élimination de toute forme d’opposition – amalgame oblige – avec le soutien bienveillant et les intérêts bien compris des États et compagnies occidentaux.

Rien ne vaut le béton et les dollars pour camoufler une “instabilité politique” mâtinée de totalitarisme.

Mon canal au Panama

L’élargissement du canal de Panama repose logiquement sur des considérations du même ordre : une nécessité d’augmenter le passage du Pacifique à l’Atlantique pour répondre aux besoins des pays producteurs asiatiques de faire circuler leurs porte-conteneurs et supertankers, dont le gigantisme ne cesse de croître. (5) les travaux démarrent donc en 2007 et devaient s’achever en 2014. Le 23 avril 2014. Le syndicat de la construction, Suntracs, réclame des augmentations de salaires de 20%, considérées comme excessives par les entrepreneurs.

Mais, à la différence de l’Égypte, la situation politique du Panama reste sûre puisque finlandisée par les États-Unis. (6) Les travailleurs du chantier panaméen moins soumis au “patriotisme”, ont, dès 2012 obtenu par la grève une augmentation de 12 (pour le personnel non qualifiés) à 15% (pour les OQ) et obtenu le paiement d’arriérés de salaires ainsi que des heures sup’ (7), ce qui avait représenté selon l’Autorité du canal de Panama un surcoût de 35 millions de dollars.

Aussi, le chantier panaméen est assujetti au jeu des intérêts multiples propre aux accords entre groupes capitalistes.

Si une partie des retards est comme de juste imputée aux grévistes, les économies classiques propres au BTP ont pesé : Une partie du retard accusé est due à une querelle sur la qualité du ciment que le consortium prévoyait d’utiliser, de mauvaise qualité (pour la construction d’écluses) selon l’autorité du canal. C’est un conflit financier entre l’ACP et le consortium chargé des travaux, Groupe Unis pour le canal (GUPC) (8), qui avait ralenti puis arrêté le chantier pendant deux semaines, tant que le surcoût estimé à 1,2 milliards d’euros ne lui serait pas alloués.

Une fois encore, la lutte interne entre entités capitalistes aura généré chaos économique et attaques contre les salariés. Démontrant pour le coup les motivations à se lancer dans de grands projets aux bénéfices matériel et politique à sens unique.

 

Nicaragua, Nicaragüita (9)

Le Nicaragua rêve éveillé de son canal depuis l’arrivée des conquistadors afin d’éviter le Cap Horn. Nous n’entrerons pas dans sa longue et tumultueuse histoire, (10) mais le projet actuel n’est pas le simple fruit d’une volonté de concurrence avec le canal de Panama, même si celle-ci est réelle.

Les options politiques actuelles du président Ortega , ouvertement débarrassé de son passé révolutionnaire marxiste-léniniste – un de ses candidat a à la vice-présidence était un ex Contras – cherchent à donner une image plus présentable de son parti ( le Fsln : Front sandiniste de libération nationale), allant jusqu’à s’allier aux chrétiens les plus radicaux.

Ortega, d’abord opposé au projet s’est plié à la “réal-économie”, le Nicaragua étant l’un des pays les plus pauvres du monde. Mais l’antagonisme avec les États-Unis demeure; le projet de construction du Grand canal du Nicaragua n’a fait l’objet d’aucun appel d’offres international. Le gouvernement nicaraguayen se tourne alors vers l’encore prometteuse République populaire de Chine, et la gestion du projet est confiée pour une centaine d’années au consortium “Hong Kong Nicaragua Development Group”, dirigé par un multimilliardaire chinois – personne ne sait qui est derrière ce consortium chinois, qui sont les investisseurs publics ou privés, et même si ce projet est viable -. L’accord, comme le stipule le site de HKND “accorde les droits exclusifs au Groupe HKND pour planifier, concevoir, construire et ensuite pour exploiter et gérer le Grand Canal du Nicaragua et d’autres projets connexes, y compris les ports, une zone de libre-échange, un aéroport international et d’autres projets d’infrastructures”. Le projet est estimé à 50 milliards de dollars. HKND qui investira cette somme a obtenu du gouvernement nicaraguayen une concession de 50 ans, renouvelable une fois. Ça c’est du PPP ! (ndla)

Concernant l’exploitation du canal, le contrat stipule également que HKND versera 10 millions de dollars par an pendant dix ans à l’État et lui cédera 1 % des revenus du canal, mais que HKND conservera le droit de vendre sa participation du Canal à qui elle l’entend. – et donc à quelqu’ennemi héréditaire -; les tarifs de passage seront à la discrétion du concessionnaire.

Par ailleurs, Le chantier menace de déplacer 30 000 paysans et indigènes ramas et nahuas qui vivent sur le tracé.

C’est pourquoi cet énorme chantier, censé faire la fortune du pays et le bonheur du peuple, soulève de très vives réactions et de nombreux mouvements de contestation. Une cinquantaine depuis l’ouverture du chantier. Celle du 13 juin dernier à Juigalpa, une ville du centre du pays, aurait rassemblé plus de 15 000 participants (chiffre non confirmé par les autorités) pour exiger l’arrêt immédiat des travaux, accusant le président Ortega de “vendre la patrie”, de détruire l’environnement, et demandant le départ des Chinois impliqués dans ce projet. (11)

La durée du mandat étant généralement de cinq ans en Chine et Li Jinping ayant été élu en 2013, on ne sait s’il paradera à l’ouverture du canal nicaraguayen en 2020…

 

We dig a port, cavamos un puerto… Nous aussi, creusons un port !

Il suffit de regarder une mappemonde et d’être un consommateur un minimum informé pour comprendre que les enjeux colossaux du trafic maritime sont primordiaux pour la France, qu’on sait portée sur les “Grands projets”. Pour le coup c’est à quelque 4200 miles à l’ouest que l’hexagone se jette à l’eau pour sauter dans le train des grands canaux : à la Guadeloupe évidemment ! Et de s’agiter dès février 2014…

En effet, l’ouverture proche du canal de Panama élargi et, plus hypothétique, de celui du Nicaragua ont déjà ébranlé la machinerie du BTP à la Jamaïque et à Cuba.

À la Jamaïque, c’est au consortium CMA CGM et Terminal link (12) qu’ a été confié le chantier d’élargissement du terminal conteneur de Kingston. La concession, d’une durée de 30 ans, va voir le nouveau gestionnaire investir pour développer les capacités du terminal. En plus des infrastructures et de l’outillage, d’importants travaux de dragage sont prévus dans le chenal d’accès au port de Kingston et dans le bassin bordant le KCT (Kingston containers terminal).

À Cuba, la fin de l’embargo et la promesse de reprise des échanges avec les USA suffisent à entreprendre la construction d’un “Méga Hub” à 45 km à l’ouest de La Havane. L’aménagement de ce port est le fruit d’une collaboration entre le Brésil (groupe Odebrecht ) et Cuba. Si le gouvernement castriste dénie tout concours implicite des États-Unis , “ en 2009 déjà, dans une des notes confidentielles dévoilées par Wikileaks, le chargé d’affaires américain à Brasilia transmettait à Washington l’insistance des Brésiliens à voir reprendre ces relations interrompues il y a cinquante ans. « Leur projet d’aider Cuba à construire un port en eaux profondes à Mariel n’a de sens que si Cuba et les États-Unis développent une relation commerciale. »”. C’était donc forcément par voie de mer que Cuba devait réintégrer le marché mondial en “s’adaptant” comme il se doit : pour attirer les investissements étrangers , la zone franche est dotée de règles spécifiques, avec une loi spécialement adoptée pour les faciliter, des me­sures spécifiques en matière d’imposition ou encore de réglementation du travail. (13)

Et il est à prévoir une ruée sur l’eau dans toute la caraïbe, dès lors qu’un port en eaux profondes est avéré dragable et les plates-formes extensibles (les ports mexicains de Lázaro Cárdenas et Manzanillo ou encore Cartagena en Colombie par exemple)…

La France, donc, se dotera de son hub à Jarry en Guadeloupe – tout en concédant l’aménagement de la Pointe aux Grives en Martinique ! (14) -. Là encore les travaux dragage se font jour et nuit, 7 jours sur 7. Les “gens de mer” et au premier rang les pêcheurs locaux sont entrés d’emblée en contestation. Leur crainte première : la pollution générée par les 7 millions de mètres cubes à draguer dont seuls 630 000 m³ doivent être réutilisés en remblai, tout le reste devant être « clapé », autrement dit rejeté en mer à 10 kilomètres de la côte (15). À peine consultés – “c’est en catimini et en plein carnaval (février mars 2013) que l’État a lancé une consultation publique autour du projet de grand port de Guadeloupe” – les pêcheurs ne se considèrent en rien représentés : “Le fameux comité de pilotage (qui ne s’est jamais réuni) ne regroupe quasiment que des structures contrôlées par les services de l’État qui ne représentent guère les intérêts des travailleurs, ni ceux du Peuple ni ceux de la Guadeloupe”.(16) Les pêcheurs dénoncent une volonté de faire de la Guadeloupe une zone franche sans droit des travailleurs, sans production locale ; une véritable colonie de consommation. Ils craignent donc leur disparition pure et simple ! Seules promesses annoncées pour l’heure : dédommagements et attention accrues sur les risques sanitaires et environnementaux. Avec ça…

 

Environronnement…

C’est un grand classique des grands projets : exploitation de la main d’œuvre plus ou moins dure selon le degré de résistance des travailleurs et du “Droits-de-l’Hommisme” des États ainsi que de leurs partenaires privés, déplacements de population, répression des opposants… Et toujours beaucoup d’argent pour fluidifier les relations.

Côté écologique : pollution, menaces d’extinction d’espèces, destructions de sites, au mieux artificialisation des biotopes… En l’occurrence mangroves, massifs coralliens et plaines herbacées marines seront au mieux “observées” voir déplacées (!), sans compter les dérèglements biologiques irréversibles que les espèces intrusives favorisent par la mise en communication de deux mers ou océans. S’ajoute le problème irrémédiable de la salinisation de la principale source d’eau douce d’Amérique latine : le lac Cocibolca.

Soyons rassurés : la course au gigantisme des profits et des structures qui les permettent seront à coup sûr tempérés par la COP21 autant que le nucléaire lors du Grenelle de l’environnement.

Et les mêmes novateurs éclairés paraderont en costard sous les flash au gré des inaugurations jusqu’en 2020. Et ils mettront une doudoune pour l’ouverture du passage du Nord-Ouest. Ça viendra vite.

 

GCA La Mouette enragée

Boulogne sur Mer, le 14 septembre 2015

 

 

Notes :

  1. Voir l’article de l’université de Laval sur les risques sociaux et environnementaux dans l’Arctique : http://archives.contact.ulaval.ca/articles/passage-ouvert-contestation-184.html
  2. lire intégralement l’article de Séverinne Evanno sur http://orientxxi.info/magazine/egypte-canal-de-suez-encore-un,0727
  3. Le canal n’a été fermé qu’à deux reprises : en 1956-57 et en entre 1967 et 1975.
  4. Le nouveau canal de Suez, principale voie de transit pour le commerce maritime mondial pourrait bientôt rapporter 13,2 milliards de dollars de droit de passage. L’estimation des autorités égyptiennes se base sur l’augmentation attendue du trafic sur le canal.
  5. L’élargissement du canal de Panama permettra le passage de navires transportant jusqu’à 12 000 conteneurs, soit le double de la charge actuelle. Parallèlement, déjà saturé, le passage augmenterait de 3% par an jusqu’en 2025.
  6. Les États-Unis ont mené la construction du canal de Panama, sur lequel ils se sont arrogés une concession léonine à partir de son inauguration en 1914 jusqu’à sa rétrocession en 1999. Un accord leur permet encore aujourd’hui d’intervenir si la neutralité de la voie est menacée. Pour rappel, l’intervention militaire US en 1989 pour destituer l’ancien agent de la CIA Norirga alors au pouvoir et devenant encombrant. Détail notable : “Le 29 décembre 1989 l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, par 75 voix contre 20 et 40 abstentions, une résolution condamnant l’intervention militaire des États-Unis au Panama. Sept jours plus tôt, le 22 décembre 1989, l’Organisation des États américains (OEA) a, elle aussi, condamné  l’opération « Just Cause ». Par une autre résolution, l’OAE a condamné la violation de l’immunité diplomatique des locaux de l’ambassade de Nicaragua à Panama-City. Cependant, il n’y a eu aucune résolution à caractère contraignant. Plusieurs jours d’âpres débats au Conseil de sécurité des Nations unis n’ont abouti à rien : la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont utilisé leur droit de veto en estimant que 35 000 soldats américains déployés dans la zone du canal du Panama.” Source : http://fr.sputniknews.com/french.ruvr.ru/radio_broadcast/54259610/64183725/
  7. «Les travaux sont totalement paralysés, tant du côté Pacifique que du côté Atlantique», a déclaré à l’AFP Saul Mendez, secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du secteur de la construction admet ( Si,si!) le site http://www.batiactu.com le 1è janvier 2O12.
  8. Le consortium international (GUPC) conduit par le géant du BTP espagnol Sacyr, également composé de la firme italienne Impregilo, de la belge Jan de Nul et de la panaméenne Constructora Urbana. Source : http://geopolis.francetvinfo.fr/panama-lelargissement-du-canal-centenaire-subit-des-retards-34597
  9. Nicaragua, Nicaragüita est certainement la chanson la plus connue du Nicaragua. créée par Carlos Arturo Mejía Godoy, membre de la première période sandiniste, après l’insurrection de 1979. Elle est un hymne à la liberté datant de cette période et, parallèlement, fait référence au Diriangen, un chef indien qui a lutté contre les conquistadores espagnols.
  10. Sommaire historique (politique intérieure récente) : Anastasio Somoza est l’homme fort du Nicaragua sur lequel il règne de façon autoritaire de 1936 à 1956. Ses fils Luis et Anastasio lui succèdent avant que les rebelles du Front sandiniste de libération (FSL), qui dénoncent la corruption du régime, ne s’emparent du pouvoir à la fin des années 1970. L’adoption d’un modèle de développement socialiste, en pleine crise économique, s’avère difficile. De plus, le sandiniste Daniel Ortega, qui est élu à la présidence, doit composer avec une guérilla armée qui reçoit l’appui des États-Unis. Des négociations permettront d’apaiser les tensions et, éventuellement, de mettre fin au conflit. La victoire de l’opposition dirigée par une femme, Violeta Chamorro, lors des élections de 1990, précède un virage vers le libéralisme économique qui ne suffit toutefois pas à résoudre tous les problèmes du pays. Malgré une plus grande stabilité politique, le Nicaragua demeure un des pays les plus pauvres des Amériques, une situation avec laquelle Ortega, qui n’adhère plus au marxisme, doit composer à son retour au pouvoir, en 2006.

Source : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMHistoriquePays?codePays=NIC

  1. Infos largement puisées dans : http://www.rfi.fr/hebdo/20150626-nicaragua-grand-canal-chinois-amerique-centrale-social-environnemen
  2. le Groupe CMA CGM possède deux opérateurs portuaires : Terminal Link et CMA Terminals, formé de CMA CGM (60%) et Terminal Link (40%), société détenue à 51% par l’armateur français et à 49% par China Merchant Holdings International. CMA CGM fournit son expertise dans les terminaux pour un service optimum, Terminal Link, est un opérateur portuaire qui grandit grâce à une stratégie de développement consistant à : Fournir des terminaux avec un service de haute qualité pour chaque compagnie de transport maritime ; Optimiser la valeur financière et la profitabilité de chaque terminal ; Maintenir un portefeuille client diversifié.
  3. Détail dans http://www.meretmarine.com/fr/content/cma-cgm-fait-de-kingston-son-hub-dans-les-caraibes
  4. Jean-Rémy Villageois estime que le Grand Port maritime de La Martinique et celui de la Guadeloupe ont tout intérêt à établir des relations de coopération. « On ne sera plus en attitude d’observation l’un vis-à-vis de l’autre », décrit-il. Il indique qu’en attendant que le décret de création d’un conseil interportuaire, soit publié, les partenaires peuvent commencer à travailler. http://www.lantenne.com/Deux-des-trois-volets-de-la-reforme-en-place-enMartinique_a8683.html Réaction de Ségolène Royal : « C’est quand même curieux, cet argent engagé en même temps sur les deux ports, ces dégâts environnementaux… Les transporteurs risquent de faire jouer la concurrence. Et l’a-t-elle accepté de cofinancer deux fois ? », ( Sur la première tranche de travaux de Jarry évaluée à 87,7 millions d’euros, jusqu’en 2016, l’Europe apporte 18,7 millions.
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/07/en-guadeloupe-conteneurs-contre-pecheurs_4589299_3244.html#XZz92T4E4q3saw0q.99
  5. Source : http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/07/en-guadeloupe-conteneurs-contre-pecheurs_4589299_3244.html
  6. Lire le courrier adressé à François Hollande par le LKP le 9 février 2015 sur http://ugtg.org/article_2188.html

 

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Troisième mort en huit mois sur le site sidérurgique d’Arcélor Dunkerque

Troisième mort en huit mois sur le site sidérurgique d’Arcélor Dunkerque

 

Décidément, rien ne change. Depuis sa création, plusieurs dizaines de travailleurs ont trouvé la mort sur le site sidérurgique de Dunkerque. Au cours de ces huit derniers mois, trois ouvriers ont encore perdu la vie à leur poste de travail. Le premier a été percuté par une chargeuse, le second écrasé par un wagon, le dernier a chuté le 13 juillet dans une coulée de fonte liquide. Cette énumération funèbre dément à elle seule la politique d’affichage de la direction de l’usine qui n’a jamais cessé d’affirmer qu’entre ses murs “la sécurité demeure centrale”.
Les restructurations engagées au tournant des années 80, ont fait du site Dunkerquois une usine compétitive selon les critères de la profitabilité capitaliste avec trois fois moins de salariés qu’il y en avait à l’époque(1). Les camarades du Syndicat de Lutte des Travailleurs d’Usinor-Dunkerque (2) expliquaient à cette période que les conséquences de cette politique étaient de deux ordres : “une multiplication d’accidents graves liés à la productivité et un autre aspect qui entre en ligne de compte dans le nombre d’accidents graves, c’est une certaine politique de la direction d’Usinor qui est de ne tenir aucun compte des mises en garde qui sont faites sur les problèmes de sécurité (3) … » Une réalité jamais démentie jusqu’à aujourd’hui puisque quelques semaines avant le dernier accident mortel en date, un intérimaire (4) avait déjà fait une chute tombant à côté d’une coulée du haut-fourneau nº 2. Le danger avait été identifié et avait fait l’objet d’un signalement après une enquête du CHSCT sans qu’aucune suite ne soit donnée.
Dernièrement des “records de production” ont été atteint à Dunkerque et la direction ambitionne déjà de réaliser une nouvelle performance en produisant 7 millions de tonnes d’acier à l’horizon de 2018. Pour parvenir à leurs fins les dirigeants successifs du site se sont appliqués tout au long de ces années à imposer aux salariés de nouvelles techniques de management toujours plus dissolvantes. Depuis les premiers “cercles de qualité” jusqu’à l’actuelle “implication de l’individu, le rendant responsable de sa sécurité et de celle des autres”, on réalise le terrain que la patronat n’a cessé de gagner en parvenant à imposer son idéologie à mesure qu’il supprimait toujours plus de travail vivant. La riposte syndicale est d’ailleurs assez éloquente, un membre de la CGT avouait dans la presse régionale : “ On se sent un peu impuissant”

Boulogne sur mer, le 20/07/2015.

 

Notes :

(1) En trente ans, l’effectif de l’usine est passé de 10 000 salariés à un peu plus de 3 000 aujourd’hui.
(2) http://lamouetteenragee.over-blog.com/article-au-pays-d-usinor-la-projection-et-le-debat-autour-de-l-experience-du-syndicat-de-lutte-des-travai-86223870.html
(3) http://lamouetteenragee.over-blog.com/article-projection-debat-au-pays-d-usinor-le-23-septembre-a-20h30-84086093.html
(4) Aujourd’hui 15 % des travailleurs d’Arcélor Dunkerque sont des intérimaires ou des salariés précaires.

 

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