Contre la gauche postmoderne et ses avatars. Pour le communisme, dans le prolétariat, par le combat de classe !

Contre la gauche postmoderne et ses avatars. Pour le communisme, dans le prolétariat, par le combat de classe !

 

Contre la gauche postmoderne et ses avatars. Pour le communisme, dans le prolétariat, par le combat de classe !

 

Il n’est pas de notre habitude de discuter “des idées” de manière abstraite, autrement dit, lorsqu’elles ne sont pas l’expression d’une certaine réalité de la lutte de classe et à fortiori si nous n’y sommes pas impliqués d’une façon ou d’une autre. Le jeu de la “critique de la critique”, nous le laissons à d’autres. Pour autant, nous ferons cette fois une entorse à la règle, très brièvement d’ailleurs et en manière d’inventaire. La raison en est simple et relève du constat. Depuis quelques années, sur différents terrains où nous sommes intervenus, lors de débats auxquels nous avons participé, nous avons été frappés de constater le degré de pénétration de la rhétorique postmoderne et de ses avatars dans des milieux qui entendent mettre à bas le capitalisme. Jusqu’ici, ces désagréments s’effaçaient sitôt la reprise de mobilisations sociales d’ampleur. D’abord parce que, comme par hasard, elles ne mobilisent pas les mêmes catégories sociales, les mêmes acteurs, et surtout car elles offrent le privilège de replacer, pour un temps au moins, la question de classe et les rapports d’exploitation au coeur de la lutte, au coeur de la vie tout simplement. Force est de constater qu’en leur absence prolongée, les “questions de société”, le “sociétal” comme on dit dans nos milieux, vampirisent insidieusement les modestes espaces de la contestation qui subsistent encore.

La suite est à lire ici

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Quand le racisme ordinaire ne passe plus, l’État le rend exceptionnel !

Quand le racisme ordinaire ne passe plus, l’État le rend exceptionnel !

 

La couleur de peau ou l’accent louche ont permis jusqu’à présent d’identifier le danger intérieur. Au point que les classes dominantes  comme les individus “décomplexés” n’hésitent plus à ethniciser les problèmes sociaux comme les résistances qui en découlent. La  question du terrorisme fournit l’opportunité de cibler les classes dangereuses en jouant sur le triptyque Islam/islamisme/islamophobie. Derrière ces concepts ambigus à dessein se dissimulent assez mal une nouvelle forme de racisme d’origine comme de classe qu’il importe de débusquer.

Les trois textes suivants offrent quelques analyses utiles pour en débrouiller l’instrumentalisation politique, au-delà des discours convenus.

Dossier à consulter ici.

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Une fois encore le travail tue à Arcélor-Dunkerque

Une fois encore le travail tue à Arcélor-Dunkerque

 

Nous dénoncions dans le n°30 de La Mouette Enragée les conditions de travail plus que dangereuses qui existaient alors dans l’entreprise. Notre article avait pour base une rencontre avec des camarades du SLT (Syndicat de Lutte des Travailleurs) qui avait toujours dénoncé les accidents du travail conduisant régulièrement à des morts.

A l’époque le « score » était édifiant : depuis l’ouverture jusqu’en 2010, on a dénombré 210 morts. Ce ne sont pas là évidemment les chiffres des patrons. En effet, ne sont pas considérés comme morts sur leur lieu de travail ceux qui décèdent dans l’ambulance ou ceux qui ne sont pas des salariés de Mittal. Les sous-traitants ne sont pas des salariés comme les autres.

Le décompte macabre n’est malheureusement pas terminé : le 26 décembre dernier un salarié de 36 ans trouvait la mort. Fait qui devient rarissime selon la direction puisqu’il faudrait, selon eux, remonter à 5 ans pour le dernier accident mortel. Ce dimanche 12 avril un intérimaire perdait la vie sur le site de Grande-Synthe (1). Le mépris de la vie des travailleurs est toujours présent à Dunkerque comme ailleurs.

Que fait le groupe Mittal pendant ce temps-là ?

Dans un communiqué de presse du1er août 2014 (2), la société de M. Lakshmi N. Mittal, se targue que le taux de fréquence des accidents du travail est en baisse au deuxième trimestre 2014 par rapport au deuxième trimestre 2013 ! Certes ces deux accidents mortels n’avaient pas encore eu lieu… Sinon les résultats sont meilleurs : la dette baisse, les bénéfices augmentent.

Et les salariés ?

Qu’ils ne s’inquiètent pas les syndicats s’occupent d’eux. La CGT revient bien sûr en page d’accueil de son blog sur le drame qui s’est produit (4). Mais qu’on ne s’y trompe pas, la sécurité n’était pas au centre des débats du dernier CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). En effet, les élus de la centrale se félicitent dans un tract de la réfection des … réfectoires. Même si cela à son importance on est loin des considérations de mise en danger de la vie que représente le travail à Sollac.
Deux accidents mortels en à peine 4 mois et des bénéfices en hausse. C’est bien une bonne application du capitalisme. Plus de rendement pour plus de bénéfices au mépris de la vie humaine. Cela ne date malheureusement pas d’hier et n’est pas prêt d’arrêter.
Notes :
(1) Information émanant du site de la Voix du Nord :  http://france3-regions.francetvinfo.fr/nord-pas-de-calais/2015/04/13/grande-synthe-deces-d-un-interimaire-de-21-ans-sur-le-site-arcelormittal-703359.html
(2) à lire ici : http://corporate.arcelormittal.com/~/media/Files/A/ArcelorMittal/investors/results/previous-results/ER-Q214-FR.pdf

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Sortie du numéro d’avril de Courant Alternatif

Sortie du numéro d’avril de Courant Alternatif

Le numéro d’avril du mensuel de Courant Alternatif a été réalisé à Boulogne-sur-mer par les camarades de la Mouette Enragées, des membres de l’Organisation Communiste Libertaire et des sympathisant-es.

Courant Alternatif-Boulogne-sur-mer. (1)

Le sommaire ainsi que trois articles extraits de ce numéro sont à consulter librement sur le site de l’O.C.L  http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1667

Pour en savoir plus sur l’histoire du journal Courant Alternatif, se reporter sur le site de l’OCL à la rubrique : “Il était une fois Courant Courant Alternatif”. http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article10

Pour en savoir plus sur le fonctionnement du journal Courant Alternatif, consulter sur le site de l’OCL la rubrique : “Les commissions journal”.   http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article2

 

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A propos de Kobane, de Murray Bookchin et du “Municipalisme libertaire” …

A propos de Kobane, de Murray Bookchin et du “Municipalisme libertaire” …

 

     Voici, en partie, l’état de notre réflexion à propos de la résistance qu’opposent des combattants de différentes nationalités aux islamistes de Daesh au nord de la Syrie, dans la ville assiégée de Kobane. A la suite, nous vous conseillons l’écoute de l’émission de radio, “Vive la sociale” sur Fréquence Paris Plurielle qui revient sur le parcours et les thèses politiques de Murray Bookchin, penseur libertaire qui, nous dit-on, aurait conduit à la métamorphose politique du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan. Enfin nous proposons à la lecture un texte de l’Organisation Communiste Libertaire critique à l’égard des thèses de Bookchin en particulier de son fameux “Municipalisme Libertaire”. Pour faciliter la lecture et la diffusion du texte, il est téléchargeable en pdf ici

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     A la faveur des événements en Syrie et en Irak, les textes et la figure de Murray Bookchin reviennent sous les feux d’une certaine actualité militante. Avant d’en venir à l’émission de radio consacrée à la pensée de cet écrivain, nous tenons à préciser que les interrogations qui travaillent actuellement le milieu libertaire à propos de la mutation idéologique des appareils politico-militaires kurdes, PKK en tête, ne constituent pas pour nous le coeur de la question. Si en apparence le PKK et ses satellites semblent avoir changé, du moins de discours, cela s’explique d’abord à nos yeux par la contrainte qui s’impose à eux en matière de rapport de force tant international que régional et à la redistribution des cartes sur fond de rivalités inter-impérialistes. Nous n’entrerons pas ici dans le détail des choses mais le portrait dressé depuis peu d’un “Öcalan nouveau” qui aurait troqué les oeuvres de Lénine contre un nouvel horizon démocratique réécrit sous les augures de Murray bookchin relève pour nous de la fable. Le PKK fut et demeure avant tout une organisation verticale aujourd’hui conduite de réviser à la baisse ses ambitions premières. A une autre époque déjà, le recyclage idéologique de peu ou prou la même génération de léninistes en “indigénistes-altermondialistes” dans les montagnes du sud-est mexicain avait mis en émoi toute une partie de la gauche occidentale (1). Constatons que deux décennies plus tard, le soutien au “zapatisme kurde” relève d’un phénomène assez comparable. Déjà certains s’enflamment et affirment que le “nouveau” PKK aurait déclenché rien de moins qu’une “révolution sociale” au Kurdistan et qu’il serait nécessaire à cette heure de remettre la critique à plus tard au moment où la solidarité concrète et matérielle l’exige avant toute autre chose (2). Les quelques témoignages qui nous parviennent pour l’instant de la Rojava évoquent davantage un mouvement régional et progressiste de démocratisation inter-culturelle que le pouvoir des travailleurs abolissant l’économie … ce qui pour tout dire, nous semblerait plutôt logique compte tenu du contexte économique, social et de l’histoire de la région (3). 


 

 

Notre solidarité avec Kobanê

 

    Pour autant, nous nous affirmons totalement solidaires de la résistance armée que mènent ensemble les femmes et les hommes de différentes nationalités contre les islamistes de Daesh. Pour le moment, l’urgence militaire conditionne, au delà même de ce qui se déroule dans le Rojava, les perspectives qui s’offriront ou non à l’ensemble des prolétaires du Moyen Orient, quand bien même cette lutte n’ait pas encore trouvé d’expression en terme de classe et sans doute n’en trouvera-t-elle pas dans l’immédiat. On parle beaucoup à son sujet de la place qu’y occupent les femmes. L’ importante propagande médiatique déployée à cet effet ne saurait nous faire oublier que dans le cadre particulier de ces luttes de libération nationale, les femmes ont souvent occupé un rôle important qu’on leur a dénié par la suite. L’exemple algérien n’est qu’un parmi d’autres (4). Que ce soit en Asie ou en Amérique latine, dans les zones rurales en particulier, les groupes de lutte armée ont parfois constitué l’un des recours qui s’offrait aux femmes afin d’échapper à une vie d’oppression au sein des structures sociales traditionnelles. Il en va toujours de même aujourd’hui et en particulier au sein de la société kurde. Une fois encore, avec toute les réserves qu’imposent l’insuffisante information dont nous disposons, il nous apparaît que la place que tente de s’octroyer la femme dans ces sociétés constitue un, si ce n’est, le point nodal de ce qui se déroule là-bas actuellement (5). Bien davantage peut-être que la réalisation d’une énième mouture d’un “socialisme régional” que feignent d’y déceler certains (6)… Car comme le notait à l’époque J.F.Lyotard dans un numéro de la revue “Socialisme ou barbarie” : “Quand un peuple colonisé abandonne les armes de la critique pour la critique des armes, il ne se contente pas de changer de stratégie. Il détruit, lui même et immédiatement, la société dans laquelle il vivait en ce sens que sa rébellion anéantit les rapports sociaux constitutifs de cette société (…) S’agissant d’une famille très patriarcale, le fait et déjà remarquable. Mais il l’est plus encore quand ce sont les filles qui échappent à la tutelle de la famille. ” (7).

 

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 A propos de Murray Bookchin et de l’émission de radio qui lui a été consacrée.

 

    Cette émission de radio “Vive la Sociale” (8), nous offre l’opportunité de souligner une fois encore ce qui nous sépare précisément de la pensée de Murray Bookchin, à savoir que contrairement à lui, nous ne sommes pas des “déçus de la classe ouvrière”, bien au contraire (9). Nous aussi il nous arrive de nous pencher avec curiosité sur les expérimentations locales qu’il affectionnait et d’y trouver parfois un certain intérêt. Sans verser dans un ouvriérisme étroit et en admettant que la théorie du prolétariat ne fut jusqu’à aujourd’hui qu’une hypothèse, elle demeure la seule réponse concrète et internationale-(iste) à la hauteur des enjeux qui se dressent devant nous aujourd’hui. Nous ne braderons pas ce que nous enseignent bientôt deux siècles d’expériences faites d’échecs et de victoires du prolétariat révolutionnaire pour l’ombre des alternatives gradualistes et localistes aussi “conviviales” soient-elles … (10)

 

    Nous reproduisons à la suite quelques passages de l’émission qui reprennent justement les critiques que nous adressons à Bookchin :

 

   Nicole souligne à propos de Bookchin qu’ il y a dans ses écrits : “une critique qui se dit anticapitaliste (…) mais d’une part j’ai le sentiment que l’idée du fonctionnement du capitalisme concret se perd, que l’on est plutôt dans le discours dénonciateur que dans la compréhension même (…) et que l’idée de ré-appropriation n’est pas du tout perçue comme phénomène révolutionnaire à mettre en oeuvre pour pouvoir effectivement se ré-approprier notamment les moyens de production et redéfinir la façon dont on produit. Il s’agit plus d’une “expérimentation locale qui, quelque part, a perdu de vue l’idée que l’on peut changer les règles qui régissent cette société.

 

   Toujours à propos de ces expérimentations locales, Nicole poursuit : “ de fait c’est un monde qui ne se pose pas et peut difficilement se poser la question du rapport dans le travail et en particulier dans les lieux de production, dans les usines. Diffuser ce genre d’expérimentation ne va jamais affronter ce genre de problème parce que de toute manière c’est d’un autre registre. Et c’est dommage car la question du renversement du capitalisme ne peut pas se poser indépendamment de la question de la destruction des moyens de production, de repenser d’autre moyens de produire, de repenser le travail, etc …

 

   Daniel à son tour : “autant le projet de société libérée tel que le définit Bookchin peut être convaincant par toutes les réponses qu’il apporte aux problèmes des rapports entre les êtres humains, qu’entre les humains et la nature, autant son projet de “municipalisme libertaire” comme mode de transformation de la société actuelle, de lutte, de militantisme, est assez problématique (…) quand il dit “il faut dans les villes, partout, créer des assemblées, avec ce programme de “petit à petit, on va noyauter … on va même participer aux élections municipales … là, si on veut parler de réformisme …” Pour Bookchin, il ne faut surtout pas vivre dans le mythe du grand jour, du changement révolutionnaire soudain et total …”

 

L’illusion d’un “Municipalisme Libertaire”

 

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   Ce sont ces limites que pointe l’Organisation Communiste Libertaire dans une critique des thèses de Bookchin notamment en regard de sa “démarche menant à une société nouvelle faite de petits pas (très formels d’ailleurs) se déroule sans affrontements avec les tenants du régime parlementaire, comme si tout pouvait se passer en douceur, sans révolution (mot que BOOKCHIN a banni de son répertoire). Ce n’est pas très sérieux, on nage en plein idyllisme, un peu à la mode Proudhon.”(11)

 

Pour la solidarité financière :

Sur le site : http://rojavasolidarite.noblogs.org/souscription/

– Par virement à : Société d’entraide libertaire

IBAN : FR76 1027 8085 9000 0205 7210 175 BIC : CMCIFR2A

Par chèque : à l’ordre de SEL, mention “Kurdistan” au dos, à expédier à :

CESL, BP 121, 25014 Besançon Cedex

 

 

 

Groupe Communiste Anarchiste de Boulogne-sur-mer.

 

—————————————–

 

(1): “Au delà des passe-montagne du sud-Est mexicain”. Sylvie Deneuve, Marc Geoffroy, Charles Reeve. Editions Ab irato, 1996. Epuisé, le lire sur le net :https://sites.google.com/site/comuneiro/home/ezln/reeve;

 

(2): “The new PKK: unleashing a social revolution in Kurdistan”: http://roarmag.org/2014/08/pkk-kurdish-struggle-autonomy/. Dans sa version en langue française : “Le nouveau PKK a déclenché une révolution sociale au Kurdistan” :http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1574

 

(3): Interview du ministre de l’économie du canton d’Efrin : News from the Revolution in Rojava and Wider Kurdistan (https://rojavareport.wordpress.com/2014/12/22/efrin-economy-minister-rojava-challenging-norms-of-class-gender-and-power/). Il expose un plan d’économie mixte où la propriété privée des moyens de production n’est nullement remis en cause. Nous pouvons fournir une version du texte en langue française sur demande.

 

(4) Un texte de Maxine Molyneux sur la place des femmes dans les dynamiques révolutionnaires au travers du cas particulier de la lutte au Nicaragua : “Mobilisation sans émancipation ? Participation des femmes, Etat et révolution au Nicaragua“. Il est consultable sur le net : http://graduateinstitute.ch/files/live/sites/iheid/files/sites/genre/shared/Genre_docs/2341_CahiersGenreEtDéveloppement/CGD1_Molyneux.pdf

 

(5): Emission de radio “Vive la Sociale”, consacrée aux “Femmes au Kurdistan”. Deux membres du groupe féministe “Solidarité femmes Kobané” (https://www.facebook.com/pages/Solidarité-Femmes-Kobanê/871721932861622) qui se sont rendues en novembre dans le Kurdistan turc témoignent : http://vivelasociale.org/images/emission-radio-vive-la-sociale/2014/14-12-04-vls-feminstes-kurdistan-2.mp3

 

(6): “(le kurdistan syrien) a compris la nécessité de construire une nouvelle société socialiste, féministe et écologiste. La Révolution au Rojava et le concept de « Confédération Démocratique au Moyen-Orient » d’Öcalan, inspiré par les les pensées communistes libertaires, sont une solution pour le Moyen-Orient.”

Extrait du texte “Révolution au Rojava”, à lire sur le site “Rebellyon.info” : http://rebellyon.info/Revolution-au-Rojava.html

 

(7): “Le contenu social de la lutte algérienne”. J.F. Lyotard. in Socialisme ou Barbarie.p 246. Ed. Acratie. 2007.

 

(8): Emission de radio “Vive la Sociale” consacrée à Murray Bookchin : http://vivelasociale.org/images/emission-radio-vive-la-sociale/2014/14-11-20-vls-bookchin-2.mp3

 

(9): Déjà dans le livre “Fortune de mer…” nous avions consacré le chapitre VII à la critique des “alternatives” . A la page 85 du livre nous avions rapidement évoqué ce qui nous distinguait de M.Bookchin et de sa “déception” à l’égard du prolétariat.

 

(10) Sachant qu’ ”alternative” et “révolution” ne s’excluent pas de fait, que les éléments s’articulent parfois dans le temps et l’espace de manière complexe.

 

(11): “L’illusion d’un municipalisme libertaire” : http://kropot.free.fr/OCL-Municipalisme.htm

 

 

 

 

Encadré : La solidarité lilloise aux Kurdes de Kobané et d’ailleurs

 

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   Face à l’urgence de la situation courant octobre dans la Rojava, des mobilisations et des discussions ont eu lieu à Lille en particulier à l’Insoumise, bouquinerie occupée qui offre un espace politique autonome et libertaire. Le samedi 11 octobre, Nicolas Dessaux, animateur de Solidarité Irak (1) est venu présenter les résistances populaires contre l’Etat Islamique en Irak mais aussi en Syrie. Il a insisté sur le projet pan-islamique de l’EI dans la région mais aussi sur les dangers que présentent cet état aux définitions encore floues pour les mouvements sociaux et surtout les mouvements féministes du Moyen-Orient qui se battent contre un patriarcat qu’on veut leur imposer. Suite à cette discussion, une action de solidarité a été menée sur la Grand’Place de Lille, le mardi 14 octobre pour appeler à la solidarité révolutionnaire avec Kobané tout en dénonçant l’attitude de la Turquie (soutenue par les occidentaux et notamment la France) qui fermait la frontière pour empêcher la venue des renforts. Un tractage a eu lieu et une quarantaine de personnes se sont réunies. Des propositions pour former un collectif de soutien à la lutte des Kurdes dans la Rojava ont été faîtes mais cela n’a pas abouti du fait de certaines réticences pour un soutien aveugle à ce qui se passe là-bas mais aussi par manque de temps et de volonté. Enfin, l’Insoumise s’est associée à la tournée française de Muayad Ahmed, secrétaire général du Comité Central du Parti Communiste-ouvrier d’Irak, et Yanar Mohammed, membre du PCO d’Irak et présidente de l’OLFI (Organisation pour la Liberté des Femmes en Irak) qui sont venus le 8 novembre pour débattre de la situation et présenter les différentes perspectives politiques qui peuvent s’offrir au Kurdistan. ll est regrettable d’observer que depuis ce dernier événement aucune apparition publique et politique n’est à signaler. Pourquoi donc, alors que ce sujet reste toujours d’actualité?

 

(1) http://www.solidariteirak.org: site d’informations sur ce qui se passe en Irak et en particulier au Kurdistan animé par des membres d’ICO (Initiative Communiste Ouvrière) et du parti communiste-ouvrier du Kurdistan. Nicolas Dessaux est aussi l’auteur d’un livre sur le même sujet : «Résistances irakiennes : contre l’occupation, l’islamisme et le capitalisme». Cette tournée française a été organisée par : Initiative Communiste-Ouvrière, Réseau Communiste Antigestionnaire, Solidarité Irak, Table Rase, Union Pour le Communisme ainsi que des individus. Voir aussi une vidéo de cette tournée : https://www.youtube.com/watch?v=nExMdihF9VQ

 
 
 
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Mouvement social en Belgique : « Si on arrête la lutte et/ou on perd, c’est le recul du mouvement ouvrier pour les 20 ans à venir, ce sera aussi 20 ans de réaction et de fascisme »

Mouvement social en Belgique : « Si on arrête la lutte et/ou on perd, c’est le recul du mouvement ouvrier pour les 20 ans à venir, ce sera aussi 20 ans de réaction et de fascisme »

 

 

  Le mouvement ouvrier belge est à la croisée des chemins car il doit faire face à un plan d’austérité massif et sans précédent mené par le gouvernement libéral de Charles Michel. De nombreux reculs sociaux sont prévus notamment le recul de l’âge de la retraite et le gel des salaires. Les syndicats très puissants, qui syndiquent environ deux tiers1des salariés, se mobilisent et se sont unis dans un front commun d’action. Lundi 15 décembre, le pays était complétement paralysé par une grève générale. Alors que la trêve des confiseurs semble être décrétée jusque début janvier, la base militante veut rester active et interpelle les syndicats qui veulent temporiser: « Attention, vous ouvrez le four, le gâteau va retomber, on est chaud nous ! ». Article aussi disponible en pdf, ici

 

 

Une mobilisation massive

 

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La Belgique est un train de vivre un mouvement social de grande ampleur, mené avec autant d’enthousiasme du côté flamand et du côté francophone. Le 6 novembre entre 110 000 et 120 000 personnes ont manifesté à Bruxelles (en proportion, la population française étant environ 6 fois plus nombreuse qu’en Belgique, c’est comme une manifestation de 700 000 personnes à Paris). Et encore, beaucoup de personnes n’ont tout simplement pas pu se rendre à cette manifestation car elles n’ont pas pu monter dans les trains, tant ils étaient bondés. Dans les semaines qui ont suivi, 3 grèves tournantes ont porté chacune sur un tiers du pays à la fois, chacun de ces tiers comprenant une partie flamande et une partie francophone. Ces grèves tournantes ont été très suivies et accompagnées de très nombreux blocages et piquets de grève – toutes les zones industrielles de la région de Bruxelles, par exemple, ont été bloquées toute la journée. Enfin, le 15 décembre a été une journée de grève générale dans tout le pays, bloquant entièrement l’économie (zones industrielles et commerciales), les transports (aucun train, aucun avion) et l’administration. L’ampleur de ce mouvement s’explique par l’ampleur de l’attaque sociale menée par le gouvernement fédéral.

 

 

Combattre l’austérité et les gouvernements libéraux

 

Les travailleurs belges sont face au rouleau-compresseur libéral-européen qui a déjà écrasé les droits sociaux en Grèce, Espagne, France, etc. Tandis que la commission européenne somme le gouvernement belge « d’équilibrer son budget »,le gouvernement Michel, en place depuis le 11 octobre 2014, en profite pour annoncer un plan d’économies de 11 milliards d’euros en 5 ans avec deux mesures « phares »: le recul de l’age légal de la retraite (qui passerait de 65 à 67 ans) et l’arrêt de l’indexation des salaires sur l’inflation ce qui correspond à un gel des salaires. Ce plan d’économies prévoit aussi des réformes dans le système d’allocations chômage qui seront revues à la baisse ainsi qu’une dérégulation des contrats de travail qui va accentuer la précarité notamment chez les « jobistes » étudiants qui seront sous contrat horaire et non plus journalier2.

 

Ce plan d’attaque massif est rendu possible par la nature même du gouvernement fédéral Michel3 qui regroupe en son sein les libéraux francophones (le Mouvement Réformateur) et trois partis flamands : le CD&V, parti démocrate chrétien flamand ; l’Open VLD, parti libéral flamand mais surtout le parti nationaliste flamand NV-A (la nouvelle alliance flamande) grand vainqueur des élections législatives de mai 2014 et qui possède les ministères de l’intérieur, des finances, de la défense et de la migration. Mais des militants syndicaux rencontrés précisent bien que les mesures de ce plan d’austérité ont été amorcées par le précédent gouvernement, celui du socialiste Di Rupo qui regroupait les 3 partis traditionnellement au pouvoir depuis des dizaines d’années : les socialistes francophones et flamands, les démocrates chrétiens et les libéraux flamands et francophones4. C’est donc toute la classe politique en place qui est montrée du doigt et fait rare dans l’histoire belge, des syndicats prennent leur distance avec les partis politiques notamment le PS francophone comme c’est le cas à Charleroi où la FGTB locale a officiellement rompu ses rapports avec le PS et les écolos pour s’orienter vers la constitution d’une sorte de Front de gauche à la belge (voir suite).

 

 

Le Front commun syndical, une tradition de concertation mais…

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La Belgique est l’un des pays européens avec le plus fort taux de syndicalisation puisque près de 70% de la population active est syndiquée dans les deux grands syndicats belges : la FGTB (fédération générale du travail en Belgique) reconnaissable à sa couleur rouge dans les manifs et les piquets de grève était jusque là liée au parti socialiste ; la CSC (confédération des syndicats chrétiens de Belgique) en vert est plus proche des partis démocrates-chrétiens. Volontairement, nous écartons les bleus de la CGSLB qui est la centrale des syndicats libéraux, on s’en doute, les moins combattifs et qui ont d’ailleurs le moins d’adhérents.

 

Cette puissance syndicale s’explique par l’histoire sociale et politique belge où le patronat, face aux insurrections ouvrières d’après guerre et à la menace communiste, a décidé de s’appuyer sur un syndicalisme puissant, capable de cadrer la force de travail et avec qui, il pouvait se concerter dans un certain compromis social. Ainsi, si on est syndiqué, c’est le syndicat qui verse l’allocation chômage (il existe aussi un Pôle emploi gérée par l’Etat qu’on appelle la CAPAC, mais le suivi est moins bien assuré). Les syndicats sont aussi très présents dans les mutuelles et les conseils d’administration publique et privée ce qui génère une certaine forme de clientélisme. Enfin, lors des grèves, les syndicats via une caisse payent les grévistes (à hauteur d’une trentaine d’euros). Le syndicalisme belge est donc une formidable machine à cogestion mais aussi à mobilisation qu’on peut rapprocher du modèle anglo-saxon et des syndicats allemands ou anglais.

 

Fidèle à cet héritage, le mouvement actuel est totalement encadré par les 3 syndicats (FGTB, CSC et CGSLB) qui ont constitué un front commun et un plan d’action très précis en trois étapes (voir plus haut). Tout d’abord, la manifestation monstre du 6 novembre à Bruxelles puis les grèves tournantes chaque lundi du 24 novembre au 1er décembre et enfin la grève générale du lundi 15 décembre. Ce plan d’action a été un succès,certains parlent d’une mobilisation sans précédent en Belgique et à Charleroi chaque syndicat s’est congratulé de cette réussite politique. De politique, il en est justement question quand la FGTB Charleroi-Sud Hainaut annonce prendre ses distances avec les partis notamment socialistes. Ayant enteriné la fin du compromis social et le tournant libéral du PS, un nouveau courant syndical semble se développer. Depuis le 1er mai 2012, la FGTB Charleroi-Sud Hainaut appelle à la constitution d’une « nouvelle force politique à gauche digne ce nom5» en prenant l’exemple du Front de gauche français. La main est tendue désormais vers l’extrême gauche belge : le PTB (parti des travailleurs belges),le PC, la LCR (qui se sont rassemblés lors des dernières élections dans le PTB-GO = gauche ouverte) et le PSL (parti socialiste en lutte). Un programme anticapitaliste d’urgence a même été rédigé pour fédérer ces différentes forces.

 

En face le gouvernement Michel et la FEB (Fédération des entreprises belges = le medef belge) jouent l’enfumage médiatique en opposant le droit de grève au droit du travail et en reprochant aux syndicats cette grève « politique » visant à renverser le gouvernement de droite pour faire revenir les socialistes et les démocrates chrétiens au pouvoir. Pour l’instant, les centrales ont déclaré une trêve jusqu’au 13 janvier et, déjà, suite à la grève du 15 décembre des négociations se sont tenues et ont abouti à un accord, signé par les centrales, portant seulement sur l’âge de départ à la retraite pour les « métiers lourds » (en France, on dirait les métiers à forte pénibilité). Les centrales disent que ceci ne signifie pas la fin du mouvement mais qu’en sera-t-il dans les faits le 13 janvier et après ?

 

 

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D’un côté, les chefs syndicaux de la région de Charleroi s’entendent pour temporiser et cadrer le mouvement: « nous entreprenons un marathon pas un sprint (…) il faut inscrire le mouvement dans la durée et donc mesurer nos forces (…) cela prend du temps de construire le paquebot de la mobilisation pour qu’il devienne un navire de guerre, (…) il ne faut pas s’isoler dans la radicalité, etc. ». A partir du 13 janvier, le 2eme plan d’action doit commencer mais reste encore à élaborer prévoyant des mobilisations et des actions jusque février-mars. Politiquement, les syndicats ont posé quatre « balises » sur lesquelles portent leurs revendications.

  • Réinstaurer la concertation sociale en rétablissant l’indexation des salaires sur l’inflation et ainsi conserver le pouvoir d’achat.
  • Défendre et pérenniser la sécurité sociale et le chômage par un plan de refinancement en appliquant le taux d’imposition de base sur les bénéfices des entreprises (33% au lieu de 5-10% actuellement à cause des abattements fiscaux notamment).
  • Lutter contre l’austérité en défendant les emplois et les services publics.
  • L’instauration d’une nouvelle fiscalité sur le capital (la taxshift) qui viserait par exemple le patrimoine, les revenus du capital ou encore les revenus immobiliers .

 

De l’autre côté, des militants syndicaux dont de nombreux permanents réclament plus de combativité. Tout le monde souligne l’énergie de la base qui veut en découdre et poursuivre les grèves et les actions juste après la trêve de fin d’année. Il ne faut pas refaire tomber la mobilisation et le nouveau plan d’action est jugé trop tardif car pour le moment, rien n’est vraiment prévu pour Janvier. Aussi, il est question de mettre en place de vraies assemblées générales des travailleurs et non plus des assemblées de délégués et de permanents syndicaux comme il est normalement de coutume dans le syndicalisme belge. En creusant un peu plus, on remarque que cette volonté de luttes plus offensives ,qui s’exprime aussi à l’intérieur des syndicats est portée par une nouvelle génération de militants/ délégués syndicaux. Sur les blocages, se trouvaient de nombreux jeunes pour qui c’est le premier mouvement social tandis que les dernières élections sociales ont profondément rajeuni le syndicalisme de terrain. A Charleroi, cette nouvelle docker.jpgradicalité est palpable comme ailleurs en Belgique notamment à Anvers et Gand où les dockers tiennent le haut du pavé face à la police ou à la NV-A (les seuls affrontements avec la police ont eu A Charleroi comme ailleurs, une base qui pousslieu à Anvers devant le siège de la NV-A car le chef du parti nationaliste flamand Bart De Wever est aussi le maire de la ville). Les mêmes dockers qui, le 6 novembre lors de la manifestation bruxelloise, ont assuré la conflictualité face à la police et dont quelques uns ont été arrêtés et ont subi la répression judiciaire (des TIG ont été prononcés à leur encontre).

 

 

Quelles perspectives ? Syndicalisme de service ou grève illimitée ?

 

Au premier abord, il semble que les centrales tiennent fermement les rênes du mouvement. Mais, d’une part, le rassemblement syndical (comprenant les employés de la CSC et la FGTB de Charleroi et SUD-Hainaut) pousse pour refuser une concertation dont le contenu serait réduit à pas grand-chose et créer, en amplifiant le mouvement syndical actuel et en l’inscrivant dans la durée après la trêve, une lame de fond qui viendrait à bout du plan d’austérité et forcerait à une autre politique (portée par la formation d’un front de gauche belge ?). Et d’autre part, si on est à l’écoute de ce qui se dit sur le terrain, c’est beaucoup moins évident que les centrales syndicales pourront contrôler longtemps la situation. Sur les piquets de grève, ici et là, on parle « d’aller au finish » (c’est à dire de grève illimitée). Des délégués, en réunion à Charleroi, disent que leur base n’acceptera que fort difficilement la trêve, ou s’insurgent contre le fait qu’on ne demande jamais aux syndiqués de se prononcer sur la fin d’une grève ou sa prolongation : ce sont les responsables syndicaux qui décident encore de la poursuite d’un mouvement

 

De plus, le rapport de force est d’autant plus tendu que la NV-A, jeune parti aux dents longues est prêt à ne rien lâcher. Si l’épreuve de force tourne en la faveur du patronat et du gouvernement, ceux-ci ont là une occasion d’abattre le syndicalisme pour des années et de le cantonner à un syndicalisme de service. Le patronat a peut-être la possibilité de réduire à néant le mouvement ouvrier belge, d’où l’importance de ce mouvement.

 

En France, il est important d’apporter notre solidarité. Car au delà de la Belgique et du combat primordial des travailleurs belges contre cette nouvelle attaque du patronat, ce mouvement est au cœur (géographique et stratégique!) du processus d’austérité mis en place dans toute l’Europe par Bruxelles et les gouvernements. C’est aussi mettre en œuvre et en pratique un internationalisme entre prolétaires pour que la base s’organise et gagne cette lutte de classe.

 

Des camarades  lillois solidaires

 

 

Notes :

1Selon les chiffres, le taux de syndicalisation en Belgique se situe entre 60 et 70%. Quasiment 100% des ouvriers sont syndiqués contre 50% des employés et des cadres. Ce différentiel s’explique par la plus forte menace de licenciements chez les ouvriers or les syndicats gèrent en grande partie le système de chômage en Belgique. Pour rappel, en France, la syndicalisation est en dessous de 8%.

2Actuellement, les étudiants peuvent travailler 50 jours par an sous cotisations sociales du patron réduites. L’accord gouvernemental prévoit de le compter désormais en heure. Conséquences : création d’une main d’œuvre flexible et peu « coûteuse » qui sera mise en concurrence avec les autres travailleurs. Cela se rapproche aussi du «  contrat zéro heure » mis en place en Angleterre

3La Belgique possède au total 4 gouvernements et parlements : le gouvernement flamand, le gouvernement wallon, le gouvernement de Bruxelles et enfin le gouvernement fédéral qui garde le pouvoir sur la sécurité sociale, les impôts, la justice, les affaires étrangères et la défense. Le reste est réparti entre les régions flamandes et wallones.

4Ne pas mélanger wallon/flamand et francophone/flamand. Pour ce qui nous intéresse, il faut retenir que chaque parti et syndicat francophone a sa déclinaison côté flamand comme par exemple la FGTB qui s’appelle l’ABVV (Algemeen belgisch vakverbond) en Flandres. Il s’agit sensibement de la même ligne politique.

Publié dans Solidarité internationale | Commentaires fermés sur Mouvement social en Belgique : « Si on arrête la lutte et/ou on perd, c’est le recul du mouvement ouvrier pour les 20 ans à venir, ce sera aussi 20 ans de réaction et de fascisme »

Les rénovations urbaines des quartiers Transition/Chemin vert et Damrémont ou comment organiser le tri social et contrôler/chasser les classes populaires.

Les rénovations urbaines des quartiers Transition/Chemin vert et Damrémont ou comment organiser le tri social et contrôler/chasser les classes populaires.

 

Boulogne-sur-Mer se targue d’être un laboratoire de la rénovation urbaine avec d’importants travaux réalisés dans les quartiers Transition/Chemin vert mais aussi des travaux à prévoir dans le quartier de Damrémont . Sous couvert de venir en aide aux classes populaires en réhabilitant le bâti, les aménageurs et les bailleurs sociaux organisent en réalité un tri social entre « bons » et « mauvais » pauvres qui sont alors évincés de la ville et de ses services pour se retrouver de plus en plus dans les périphéries, loin du « droit à la ville »

 

La rénovation urbaine à Boulogne-sur-Mer

 

Avec la seconde guerre mondiale, la majeure partie de Boulogne-sur-mer est détruite par les bombardements, seule la vieille ville a été épargnée. Il est alors urgent de reconstruire et de reloger les 7 000 personnes qui ont perdu leur logement notamment sur Capécure qui était un quartier habité avant-guerre. La reconstruction va se faire à partir de 1947 selon le Plan Vivien (du nom de l’architecte en charge du projet). Réalisations phares de ce plan : les quatre tours Vivien, qui forment une barrière de béton face au quai Gambetta. Les quartiers Transition et Chemin vert (nom qui témoigne de l’ancienne présence de champs et de fermes) sont construits. Au début, ce sont de simples baraquements en bois puis on construit des grands ensembles à partir des années 50. Ces plans urbains séparent la zone résidentielle (plutôt sur la rive droite de la Liane) et la zone portuaire qui correspond globalement au quartier de marée Capécure (rive gauche de la Liane). Seule exception, le quartier Damrémont et sa grande tour bleutée qui a donné son nom au quartier.

 

A partir des années 80, les quartiers Chemin Vert/Transition et Damrémont se délabrent, les équipements collectifs deviennent obsolètes. Surtout, la crise que commence à connaître le secteur de la pêche se fait sentir : le chômage augmente, les processus d’exclusion sociale se renforcent. Au milieu des années 90, le Chemin Vert est classé en ZUS (zone urbaine sensible). Guy Lengagne, le maire de l’époque, lance les premières discussions sur la rénovation des quartiers boulonnais. Un concours d’architecte est lancé et remporté par Roland Castro (1), architecte-urbaniste parisien qui avec Frédéric Cuvillier (devenu maire) et Philippe Van de Maele (directeur de l’ANRU) vont lancer le projet ANRU (2).

La convention ANRU est signée en 2004 et prévoit des travaux sur 10 ans centrés dans un premier temps sur les quartiers Transition/Chemin vert. Le quartier Damrémont est prévu par la suite. Coût approximatif de ces dix années de travaux : environ 157 millions d’euros (3). Les financeurs sont l’ANRU (à hauteur de 38 millions d’euros), la commune, Habitat du Littoral (le bailleur social) et le Conseil régional. Sur les 1 012 logements, 746 sont démolis, 781 reconstruits. On détruit les grands ensembles pour des logements semi-individuels (2 étages maximum). La place d’Argentine a la prétention d’être un nouveau centre du quartier. Une salle de spectacle (le Carré Sam) est installée ainsi que des caméras de « vidéo-tranquilité » (novlangue municipale) pour pacifier le quartier, en effet le Chemin vert est devenu avec Roubaix-Tourcoing une ZSP (zone de sécurité prioritaire). Touche finale, Transition se dote d’une façade maritime composée de trois tours de 20 logements et d’une tour de bureaux qui comprendra un restaurant haut de gamme au rez-de-chaussée. Un début de gentrification (4) sur le plateau ? En tout cas, la mixité sociale est l’argument pour créer des têtes de pont sur des espaces à forte valeur immobilière car situés en front de mer.

 

Cette mixité sociale louée dans tous les discours est en réalité un subterfuge pour débarrasser ces nouveaux quartiers des « mauvais pauvres ». Avec le relogement des habitants-locataires qui dépend entièrement de la décision des bailleurs sociaux (ici Habitat du Littoral), un tri social est effectué. Les voisinages (souvent familiaux) sont éparpillés tandis que les populations les plus stigmatisées (problèmes familiaux et sociaux) sont éloignées et logées dans des quartiers périphériques à Outreau, Saint-Martin-Boulogne ou encore dans le quartier de Damrémont.

 

L’exemple du quartier de Damrémont : vers une périphérisation des pauvres

 

Le quartier Damrémont est un ensemble de barres et de tours datant de la reconstruction de Boulogne-sur-Mer où résident environ 1 700 personnes. C’est le dernier vestige de l’ancien quartier de Capécure où logeait avant la seconde guerre mondiale plus de 10 000 habitants qui pour la plupart ont été relogés vers Transition/Chemin Vert. A l’origine, ce quartier est destiné aux cadres de Capécure c’est à dire essentiellement des contre-maîtres et des chefs d’équipe, la tour Damrémont est même habitée par des enseignants et des classes moyennes. Mais cet espace reste une enclave, il est coincé entre la Liane qui marque une césure avec le centre-ville (pourtant proche à vol d’oiseau) et un embranchement de l’A16 qui amène les camions vers les usines de Capécure. De plus, l’architecture même du quartier composée de 5 places successives quasiment fermées sur elles-même renforce cet isolement et cet entre-soi. Seuls quelques équipements publics (centre social, crèche, etc) et quelques commerces rappellent « l’urbanité » de ce quartier enclavé.

 

Aujourd’hui, Damrémont est marqué par la précarité. Fin 2009, 23,9 % des ménages sont concernés par une allocation chômage (contre 19,3 % pour l’agglomération boulonnaise) et 25 % des personnes vivent avec un bas revenu (moins de 845 euros par mois, sous le seuil de pauvreté !). 83 % des actifs sont ouvriers ou employés. Enfin, 91,4 % des ménages sont locataires et dépendent pour la plupart de Habitat du Littoral, le bailleur social. On retrouve là des caractéristiques des quartiers populaires boulonnais tels que Transition/Chemin vert. Mais, on l’a vu, ces « zones urbaines sensibles » deviennent des zones urbaines à rénover et à déménager.

 

Avec la rénovation de Transition, de nouveaux habitants arrivent à Damrémont. En effet,la convention ANRU ne prévoit que 50 % de relogement sur place. Des conflits naissent alors entre anciens et nouveaux habitants, conflits qui recouvrent de multiples aspects et représentations qui reposent sur le chômage ou l’origine ethnique (racisme). Les nouveaux arrivés subissent  une double peine, celle de l’exclusion géographique car ils ne sont plus dans leur quartier, loin des repères mais surtout loin des anciennes solidarités et aussi celle de exclusion sociale dans un quartier déjà fortement touché par le chômage et où ils sont facilement stigmatisées par des habitants méfiants et parfois hostiles. D’anciens habitants souvent perdus et aigris au milieu des grands changements socio-économiques qui ne reconnaissent plus leur quartier avec les anciennes solidarités et qui s’en plaignent le plus, en particulier aux gardiens d’immeubles.

 

Cette exclusion/stigmatisation est instrumentalisée par le bailleur social (Habitat du Littoral) propriétaire de la plupart des logements du Chemin vert et de Damrémont. Cette structure, présidée par des élus, organise un véritable tri social à partir de listes réalisées, entre autres, par les gardiens d’immeuble dans lesquelles sont enregistrées les moindres incivilités ou problèmes de voisinage. Il ne reste plus qu’au bailleur social à écarter du nouveau quartier,les « familles àproblème » et de les reloger à Damrémont (5) dans l’attente d’un autre transfert car les destructions de tours et de barres sont déjà prévues dans le quartier (notamment la barre entre les deux tours). Que deviendront alors les nouveaux-anciens habitants relégués toujours un peu plus loin de la ville ?

 

« Ne nous laissons pas ANRUler »

 

C’est un des slogans de l’association ANRU-Marseille (Arnaque Nationale et Résistance Urbaine) (6) qui réunit des habitants de la cité phocéenne qui s’opposent aux relogements arbitraires dictés par l’ANRU (Agence Nationale de la Rénovation Urbaine). Dans leur communiqué, les habitants du quartier Busserine (quartier Nord de Marseille) dénoncent : « une concertation inexistante, des habitants qui se sentent chassés dun quartier quils ont vu émerger et qui les a vu grandir, des loyers qui augmentent lors des relogements après des années de mépris des bailleurs qui se sont succédés sur notre territoire, la situation ne fait quempirer pour une grande partie des 300 familles en train d’être délogées, alors même quun tel projet, financé par largent public, devrait améliorer le quotidien de toutes et tous. » Au centre des revendications, les habitants réclament une charte du relogement avec entre autre la promesse de ne pas voir les loyers augmenter. Mais en face, la machine ANRU semble inébranlable et prête à casser toutes les solidarités.

 

A Boulogne-sur-Mer, nous sommes loin de cet exemple marseillais. Quand il découvre le quartier du Chemin-vert, Roland Castro, responsable de l’architecture du projet ANRU, déclare : « ce fut un choc. Jamais nous n’avions rencontré un quartier où le sentiment d’impuissance semblait si totalement incrusté. Pas même de révolte. Un accablement général » (7)… Le jugement de cet ex-mao parisien apparaît extérieur car il existe, dans les quartiers populaires boulonnais, un réel attachement aux lieux avec des solidarités qui s’y forgent. Ce sentiment d’appartenance est un héritage d’une culture locale et ouvrière issue du milieu de la pêche. Cela à deux conséquences pour le quartier : tout d’abord, tout le monde se connaît au Chemin Vert car bien souvent des familles entières habitent le « Plateau », d’ailleurs les habitants se disent avant tout du Chemin vert plutôt que de Boulogne. Mais cet héritage s’est aussi construit à l’ombre du paternalisme qui caractérise ce monde de la pêche où tout est très hiérarchisé et imposé, ce qui entraîne un certain fatalisme et potentiellement l’absence de réponses collectives face à la rénovation urbaine du quartier et son tri social.

 

Finalement, la rénovation/exclusion urbaine est la conséquence spatiale de la décomposition sociale, elle-même causée par la crise du capitalisme. A Boulogne-sur-Mer, c’est la débâcle de la pêche qui explique ces processus de précarisation puis de marginalisation. Avec les relogements arbitraires, ce sont les solidarités qui sont cassées,volontairement ! Les liens communautaires disparaissent, la force de résistance avec… Pire, des conflits entre anciens/nouveaux/jeunes habitants apparaissent. Les plus anciens se sentent déboussolés car avec l’effondrement de l’industrie, la culture ouvrière a disparu avec ses valeurs : le travail, le respect, la solidarité. A l’inverse, les « jeunes » n’ont plus aucun espoir ni aucun repères. Les agents d’Habitat du Littoral n’ont plus qu’à jouer à la police en enregistrant les plaintes ou les dégradations qui entraîneront la périphérisation toujours plus forte des « familles à problèmes » qui seront à long terme chassées de la ville.

 

Et pourtant, chaque habitant peut réclamer son « droit à la ville » (8). Ce droit est un enjeu et un terrain de lutte entre le capital qui dicte un nouvel aménagement de l’espace et les classes laborieuses qui, si elles ne font rien, vont être de plus en plus dissoutes et précarisées par ces travaux. C’est un droit individuel bien sûr, droit d’accès aux ressources offertes à la ville (commerce, culture, sociabilité, etc) mais aussi un droit collectif, celui de changer et d’aménager la ville selon les besoins et les désirs de tous contre la privatisation des espaces au nom des intérêts immobiliers. Enfin, c’est une revendication à mettre en avant pour lutter contre l’éviction des classes populaires vers les périphéries où la mort sociale les attend car dans les campagnes aussi le capitalisme a dépouillé les sociabilités.

 

(1) Mao en 1968, Roland Castro s’engage dans les années 70 notamment lors du conflit de l’Alma-Gare à Roubaix où il défendait le droit à la ville. Comme d’autres, il se recycle au PS où il devient le référent de la politique de la ville sous Mitterrand. A lire aussi « Castro ou l’architecte du roi », http://agone.org/doc/agone/hocquenghem/castro.pdf

(2) Voir encadré sur l’ANRU, agence nationale de la rénovation urbaine.

(3) Chiffres issus du PNRU, 31 mai 2014.

(4) Un quartier se gentrifie lorsqu’une nouvelle population de classe supérieure s’installe et s’approprie un quartier au détriment de l’ancienne population qui est chassée par la hausse de l’immobilier. Lire aussi les travaux d’Anne Clerval.

(5) Propos tenus par un cadre d’Habitat du Littoral en charge de la rénovation urbaine.

(6) Voir http://anrumarseille.wordpress.com/

(7) Traits urbains (revue d’architecte),avril 2007.

(8) Voir les travaux d’Henri Lefebvre et David Harvey sur cette question.

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Pôle de métropolisation, projet « Axe-Liane”, opération “Façade Maritime »… L’ aménagement du territoire, ou … « Pour qui coule le béton ? »

Pôle de métropolisation, projet « Axe-Liane”, opération “Façade Maritime »… L’ aménagement du territoire, ou … « Pour qui coule le béton ? »

 

A leurs époques respectives, Rosa Luxemburg et Henri Lefebvre pensaient chacun à leur manière que le capitalisme ne se survivait que grâce à la production de lespace. Aujourdhui encore, David Harvey défend cette thèse. Celle dune forme renouvelée dimpérialisme qui trouve des débouchés temporaires à la crise de suraccumulation du capital dans l aménagement « spacio-temporaire » (1). Il est incontestable que depuis les mégapoles internationales jusquaux abords des agglomérations les plus anonymes, la fièvre urbanistique est virulente. Et en période de crise, ses effets sur les catégories sociales impliquées se montrent le plus souvent dissolvants, voire funestes. Mais qui décide et qui profite réellement de ces projets ? Afin dy voir plus clair, nous vous proposons un rapide tour de la question à partir des plans daménagement que lon déroule actuellement sous nos yeux

 1 – Genèse dune phénomène.

Le terme de « capitalisme foncier » caractérise assez bien le modèle de développement apparu d’abord aux États-Unis dans les années 60, puis en Europe. Il se propagera par la suite au delà de ces frontières, essentiellement en réponse à la crise de valorisation que rencontre le modèle fordiste dès les années 70. A cette période, les capitalistes sont confrontés à une profonde crise de l’accumulation. Occasionnée notamment par les offensives ouvrières des années 60/70, ils y répondront en restructurant et délocalisant l’appareil de production dans des pays à bas coût de main d’œuvre. Cette riposte leur permettra, du reste, de réaliser un joli doublé.

 

Tout d’abord, en anéantissant dans les forteresses industrielles les formes traditionnelles et intégrées du vieux mouvement ouvrier. Et en portant, au passage, un coup décisif à l’insubordination des jeunes prolétaires américains, italiens, anglais… bien moins disposés à perdre leur vie à l’usine que ne le furent, à leurs yeux, leurs aînés. Puis ensuite, en récupérant ces immenses territoires industriels et leurs périphéries laissés vacants. Au besoin, en repoussant plus loin encore les populations anéanties socialement qui hantaient encore ces espaces dorénavant promus à de juteuses entreprises spéculatives…

 

Les premiers artisans de ce phénomène d’urbanisation du capital seront les promoteurs financiers secondés par les banques. Dès cette époque, ils envisagent l’immobilier comme le ressort d’une croissance qu’ils rêvent de facture post-industrielle. Du moins, pour ce qui concerne le cœur historique du capitalisme mondial, l’Europe de l’Ouest et les États-Unis. Une première précaution sera d’envisager les pratiques mises en œuvre dans ce but, plutôt comme un ensemble de tendances, que comme un tout parfaitement homogène. Comme nous allons le voir, au fil du temps, les processus se sont sophistiqués, l’éventail des acteurs s’est élargi. La forme que revêt actuellement, la « métropolisation », n’est pas un aboutissement. C’est une étape d’un processus global que le géographe David Harvey définit comme une dynamique de concentration démographique et géographique répondant au besoin du capitalisme d’écouler le surproduit qu’il génère. Autrement dit, il s’agit d’un mode de production capitaliste de la ville et de l’espace qui reconfigure les rapports de classe sur un territoire donné. Il en accentue la spécialisation et pousse à la tertiarisation des activités.

 

Avec les banques et les marchés financiers à la manœuvre dans cette fabrication capitaliste de la ville, les rendements élevés et rapides escomptés sont au rendez-vous. Une flambée spéculative internationale parviendra, pour un temps au moins, à compenser le ralentissement entamé plusieurs décennies auparavant dans le secteur manufacturier. Les krachs boursiers des années 2000 révéleront la profondeur d’un phénomène d’accumulation colossal de capital fictif reposant essentiellement sur la maximisation de la rente foncière et immobilière. Le pari perdu d’une suraccumulation de capital supposée se diluer dans le « temps long » propre à l’activité du secteur immobilier ne servira naturellement pas de leçon. Depuis, les affaires ont repris comme si de rien n’était… (2)

La rente foncière, un outil de modélisation des villes et de spécialisation des espaces.

Une observation attentive effectuée lors d’une escapade dans n’importe quelle ville de n’importe quel pays de la vieille Europe, procurera ce sentiment d’un espace urbain re-dessiné partout à l’identique. Cette sensation de « pareil au même » ressentie le long des quais de Liverpool où de ceux de Bilbao, dévoile l’obéissance diligente aux standards de l’ordonnancement urbain. Bien évidemment, cette uniformisation n’est pas le fruit, à elle seule, de la morne fantaisie des promoteurs et des architectes. Elle est d’abord l’incarnation du produit de la rente foncière, la matérialisation du taux de sur-profit que ses destinataires envisagent d’engranger à chaque lancement d’un nouveau projet. Et des projets tous semblables les uns aux autre, les aménageurs en ont des cartons pleins…

 

La définition élémentaire de la rente foncière, telle qu’elle s’applique au secteur de l’agriculture, repose sur les différences observées entre les sols, leur fertilité et la distance qui les sépare des centres de la consommation (3). La rente foncière implique l’existence d’une classe de propriétaires, ou plutôt d’un rapport de propriété foncière. Le niveau de la rente dépend du prix de la production et du profit qu’il permet de réaliser à partir de celle-ci. En zone urbaine, des mécanismes identiques, quoi qu’un peu plus complexes, s’appliquent à sa réalisation. On y retrouve à l’œuvre un segment particulier de la bourgeoisie qui associe en règle générale : un promoteur immobilier passant commande d’un édifice à un entrepreneur du bâtiment afin de le revendre ou de le louer, à une clientèle bien spécifique.

 

Dès lors, on comprend comment la rente foncière aura pour effet de produire à la fois la spécialisation et la modélisation des espaces. A un certain type de sol, correspond un cadre bâti particulier, déterminé par la seule recherche du profit. On saisit d’autant mieux la raison pour laquelle les initiateurs des projets engagent partout une lutte intra-urbaine contre les habitants des quartiers populaires afin de s’approprier les territoires et détruire au passage certains modes de vie.

 

La règle en application veut que la « rente annuelle fixe le prix du sol ». Le taux de profit qu’elle promet de dégager influera donc sur la nature des investissements que choisiront de réaliser les promoteurs assistés en cela de leurs relais politiques locaux : immobilier d’affaire ou d’entreprise, logement de standing, infrastructures de transports, etc. Dans cette logique, à coût de production égal, le rapport au mètre carré bâti sera aisément supérieur selon qu’une population spécifique ou une activité de production ou de services valorise l’espace en question. Prosaïquement, l’immobilier sorti de terre dans un quartier où s’installe la bourgeoisie, là où s’élèvent les buildings commerciaux et serpente la voie rapide, généreront des sur-profits captés par les propriétaires fonciers sous la forme de prix du sol, dont le rapport à la vente ou à la location sera sans commune mesure avec ceux empochés dans les zones prolétarisées.

 

De cette division économique et sociale de l’espace et de la spécialisation des sols qui l’accompagne, découlera une évaluation des investissements réalisés. Les effets et les conséquences observées en un lieu précis serviront ensuite de modèle à des fins d’imitation et de reproduction du même schéma en d’autres lieux.

 

Il est particulièrement intéressant de constater sa diffusion par delà les limites urbaines. C’est ainsi que l’on observe à la lisière des villes, pousser des constructions à l’endroit même des terres initialement dévolues aux cultures agricoles. Ce phénomène termine d’épuiser ce qu’il reste de « campagne ». C’est en quelque sorte un fait inévitable puisque le rapport du sol à bâtir y est supérieur à celui des terres destinées à l’agriculture. Voilà la raison pour laquelle un cadre bâti de bon rapport mais de bien piètre acabit se substitue chaque année d’avantage aux terres arables, mitées telles de vieilles guenilles …

 

Quest ce que la politique de métropolisation ?

Ce rôle dominant des marchés dans le fonctionnement économique, politique et social des territoires s’incarne dans la politique de métropolisation. Un phénomène qui associe financiers, patrons et politiciens dans une démarche commune d’appropriation et de contrôle des espaces au cœur d’un capitalisme globalisé. La métropolisation témoigne d’une mise sous tension des territoires sous l’effet conjugué d’un mouvement simultané de concentration et de déterritorialisation des lieux de pouvoirs et de décisions. En réalisant en certains lieux stratégiques des « enclaves métropolitaines », la bourgeoisie re-dessine la ville à son profit en l’intégrant au réseau mondial des « pôles de mondialité » que sont, en Europe : Londres, Paris, Francfort, Milan ; en Amérique : New-york, Philadelphie, L.A, Mexico et en Asie : Tokyo et Pékin.

 

La métropolisation est l’allégorie urbaine d’un système qui désormais s’envisage lui même comme multipolaire. Un capitalisme qui accouche de cités idéales à ses yeux et reliées entre-elles : les « World-Cities ». Des métropoles érigées en pouvoirs économiques et politiques susceptibles de jouer d’influence auprès des puissants de ce monde, et pourquoi pas de se substituer à eux quand précisément se redéfinit le rôle de l’État. Des entités qui s’ autonomisent pendant qu’elles valorisent l’espace urbain, c’est à dire, qu’elles l’exploitent à part entière. Tout comme l’est n’importe qu’elle unité de production de biens manufacturés, la ville du réseau global est désormais soumise à la spécialisation, à la maximalisation de ses potentialités afin de rivaliser avec ses concurrentes et dégager de la sur-valeur. Cette compétition entraîne le développement d’une hiérarchie en cascade. Une multitude de régions et de villes subalternes n’attendent que de s’intégrer à un échelon intermédiaire de la chaîne, de se soumette au rayonnement de ces formes renouvelées des « Cités-Etats » de la Renaissance.

 

Le rôle de l’État : la décentralisation

Contrairement à ce qu’énonce la doxa libérale, le marché ne peut se réaliser de lui même. Il est tenu de recourir à l’État pour étendre le domaine de son action aux espaces qu’il aspire conquérir. C’est ainsi que dans les années 80, la France s’est engagée dans une politique de décentralisation. L’État a transféré d’avantage de pouvoirs aux régions et aux collectivités territoriales. En 2010, la loi a autorisé la fusion des communes et permit la création des métropoles. Celles-ci bénéficient depuis des mêmes pouvoirs que ceux qui étaient octroyés auparavant aux départements et aux régions. Ces décisions répondent à la volonté de l’Union européenne de privilégier les grandes régions comme centres de gravité économique et politique, de les faire coopérer tout en les mettant en concurrence entre elles, dans le cadre d’un maillage territorial à l’échelle du continent et au delà. Le plan établit par le président de la région Daniel Percheron siglé des « trois T » : « Tunnel, T.G.V, Tourisme », est une illustration exemplaire de cette politique.

 

Qui fabrique la ville, qui en profite ?

Cette fabrique de la ville se caractérise d’abord par une politique de l’offre. Il s’agit de jouer la carte du charme et de l’attrait. Notamment pour les espaces frappés par la désindustrialisation et qui tentent de conjurer leur agonie en sautant dans le train en marche de la post-modernité urbaine. A ces fins, des investissements massifs sont consentis pour lesquels les politiciens locaux chassent indifféremment la subvention publique ou privée. Par cette porte grande ouverte aux appétits marchands, les technocrates, les multinationales et les promoteurs, prennent le contrôle de l’aménagement du territoire. Le désormais incontournable « PPP », le « Partenariat-Public-Privé », se fait le terreau fertile d’une plus-value qu’engrangent quelques groupe bien connus du BTP et des services. Dans leur laboratoire de prospective, les sociétés Bouygues, Vinci, Eiffage modélisent et recomposent les centres urbains que Véolia, Suez, Kéolis, Nexity et d’autres s’empressent à leur suite d’administrer. Ces solutions « clé en main » séduisent souvent les politiciens des collectivités locales confrontés à l’endettement. Elles permettent en outre à certains d’entre eux de jouer à l’investisseur, estompant par leurs pratiques les lignes de partage entre financement privé et public. Depuis peu, dans l’agglomération boulonnaise, la société Urbaviléo, est une de ces multiples entreprises dites « d’économie mixte » dont le PDG et les membres du conseil d’administration appartiennent tous à la majorité locale en place. Public/privé, est une distinction sans importance en réalité, si ce n’est qu’elle révèle combien l’intérêt dit “commun” se mesure d’abord à l’aune des bénéfices que gratteront quelques-uns … Fonds souverains, fonds stratégiques d’investissement, fonds d’investissement des collectivités locales, etc… témoignent tous au final du même phénomène de privatisation de l’État.

 

II. Exempli gratia : la ville de Boulogne-sur-mer

Afin d’attirer les sièges de quelques groupes d’envergure ou leurs filiales, les plans d’aménagement opèrent tels des produits d’appels. Cette standardisation se matérialise dans l’obéissance aux conventions de genre et à la somme de prescriptions qu’il convient d’appliquer en la circonstance. D’abord, jouer la carte de l’innovation en matière économique en misant sur le « Pôle de compétitivité ». Dans le cas de Boulogne-sur-mer, il s’agit d’« Aquimer » qui associe en pure novlangue managériale : « entreprises, centres de recherche et organismes de formation, engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants conduits en commun en direction dun (ou de) marché(s) donné(s) ». Plus classiquement, ce peut être le réaménagement d’une friche industrielle, comme celle de Résurgat, afin de prendre dans les filets les enseignes qui permettront « dadapter l’économie de lagglomération aux évolutions à venir ». En général, les entreprises d’informations et de communication sont parmi les plus courtisées.

 

En parallèle, se ré-organise l’espace urbain. Localement, un projet baptisé « Axe Liane » en expose les grandes lignes. Là encore, ce qui tient lieu de canevas n’est qu’un calque. Comme en d’autres agglomérations, on commence d’abord par aménager de « longs couloirs de promenade », semblables à ceux qui bordent depuis peu les berges de la Liane. On met ensuite en chantier « de nouvelles habitations et des centres commerciaux aux proportions audacieuses », on pense en l’occurrence aux sites « Espace Lumière » ou encore au « Projet Bruix/pot d’étain ». Au cœur de ce plan, trônera ce qui est donné comme son point d’équilibre, l’espace « République – Eperon ». Orné comme il se doit, d’une tour à l’architecture avant-gardiste, il abritera logements de standing, hôtellerie d’affaire, bureaux et commerces. Bien entendu, on privilégiera le style architectural Hightech, là encore, un modèle de normalisation : volumes symétriques, garnitures métalliques, contours épurés, espaces vitrés et teintés… Une signature empruntée à des cabinets de renom, contrefaite au cœur des métropoles, comme au sein des agglomérations les plus anonymes.

 

Marketting territorial et alibi culturel.

La plus part du temps, le volet culturel apparaît comme « le cheval de Troie » de cette stratégie de gentrification. Les besoins de la petite bourgeoisie en terme de consommation culturelle sont important et ils amplifieront les desiderata de la manne touristique initialement convoitée. La requalification du centre Nausicaa en « Grand-Nausicaa » n’est donc qu’une étape, certes importante mais relativement convenue en regard de la transformation attendue de l’ancienne gare maritime. La création d’un musée ou de quelque chose d’analogue dans ses murs, symbolisera la relégation de l’ancien quartier industriel. Économiquement mais surtout socialement, le signal sera donné qu’une page est définitivement tournée. Dorénavant, le balaie des artistes, des expositions et des vernissages effacera toute de trace d’une histoire ouvrière, discréditée, neutralisée, pire, folklorisée et expurgée de sa dimension antagoniste. La région est désormais riche de ces lieux qui s’ouvrent à mesure que recule la production manufacturière : le musée de la dentelle à Calais, celui de la pêche à Etaples, la maison de la faïence à Desvres, le centre historique de la mine à Lewarde, etc. Art et Musées, festivités normées et officielles, « événements » tels « Les Journées de la Mer » à Boulogne-sur-mer, ou « l’Armada » des quais de Rouen travaillent à renforcer l’ image d’une ville en l’associant à un événement particulier. A cet égard, on recourra au marketing urbain afin de se démarquer des villes concurrentes et développer l’attractivité du secteur. Pour accroître son rayonnement au-delà des limites de l’agglomération, la ville développera des stratégies de marque. C’est le cas depuis peu à Boulogne-sur-mer avec la création d’un « logo de ville déposé »…

 

Une besogneuse application de la « gentrification ».

Dans le discours qui entoure ces projets, il est toujours question « dimpulser une dynamique ». Autrement dit, de mettre tout en œuvre afin d’aspirer les strates sociales supérieures qui font défaut à l’agglomération. Afin de décoder ce qui est en jeux, comparons rapidement quelques chiffres. A l’échelon national, le revenu fiscal moyen établi par l’Insee s’élève à 18 355 € par an et le seuil de pauvreté est fixé à 11 013 €. A Boulogne-sur-mer, le revenu fiscal moyen égale les 11 162,8 € et dans certaines zones, comme celle de Triennal, il ne dépasse pas 4000 € … C’est donc à un véritable transfert de population qu’il s’agit de procéder. Dans l’objectif d’attirer l’hypothétique catégorie des « Turbo-cadres » du tertiaire supérieur, qui pour partie résidera sur la côte et travaillera en métropole lilloise, certaines conditions restent à réunir. La première d’entre elles est d’offrir un cadre bâti petit bourgeois et branché à deux pas de leur moyen de transport de prédilection, le T.G.V. Le « Projet Gare » y pourvoira. Il devrait associer plate-forme multimodale et « Eco-quartier ». C’est le volet « ville durable » du projet. Une véritable aubaine pour certains groupes qui se sont fait une spécialité de « la lutte contre le réchauffement climatique ». Ces enseignes proposent aux collectivités locales une panoplie complète de gadgets et de services certifiés écologiques : de la « valorisation des déchets » pour produire de l’énergie, à la « ressourceries-recycleries » en passant par les « façades végétalisées », la « connexion de services entre eux », sans oublier le « parc de voitures électriques », et naturellement le plus juteux, le marché de l’eau et des transports.

 

Le plan de réaménagement du quartier de Transition répète le schéma précédemment décortiqué et revendique ostensiblement de promouvoir la « mixité sociale » ? Qu’est-ce que la « mixité sociale » en réalité ? C’est simplement la petite bourgeoisie dissimulée sous le piteux vocable de « classe moyenne » qui s’approprie les espaces antérieurement populaires ou ouvriers en reléguant l’ancienne population à la périphérie. Sur ce quartier, en particulier, il est envisagé la construction d’un immobilier haut de gamme. Une tour de verre et d’acier, un produit d’appel en quelque sorte, consacrée au « co-working » (!). Elle devra séduire les patrons de « star-tup », les artistes, les entreprises du tertiaire et du secteur médical en leur offrant des « espaces modulables » avec vue sur la mer… Un restaurant de « qualité », doté d’une terrasse panoramique recevra tout ce petit monde en journée. Les noctambules « cultivés », s’y retrouveront tard le soir à la sortie de la nouvelle salle de spectacle que ne fréquente déjà pas la population ordinaire… A deux pas de là, une quarantaine d’appartements de standings également avec vue sur la mer seront mis en vente. Seule la vingtaine de logements restants seront loués à des loyers modérés. On constate au travers de cet exemple l’effet des baisses de l’aide publique au logement. Les bailleurs sociaux se transforment actuellement en patrons de l’immobilier. A leur tour, ils appliquent les logiques de l’entreprise, fixent des objectifs de résultats et réclament des performances. Pour faire avaler la pilule, c’est une autre règle du management que l’on invoque. Celle du soit-disant “usager collaborateur” que l’on associe aux prises de décisions dans une démarche qui se veut commune. En fait, rien de moins qu’une forme parmi d’autres du contrôle social.

 

Comme on le voit au travers de cet exemple, la gentrification n’opère pas uniquement au cœur des grandes métropoles. La destruction des industries et le marasme social qui l’accompagne sont le passeport idéal pour la restructuration de la ville aux conditions de la période. Le rôle des pouvoirs locaux sera de relayer ces projets en se les appropriant. Ils seront pour eux le moyen d’ exister politiquement et de démontrer leur capacité à offrir une voie, une issue, à des cités dans la déshérence au travers de leur action volontariste.

 

On comprend mieux pourquoi, gagner l’adhésion de certaines couches de la population à ces plans d’aménagement – de cette manière neutraliser toute contestation potentielle – est parfois un défi important de l’action des aménageurs. Ainsi, après avoir liquidé les lieux de la production, il faut vider les quartiers de populations dorénavant devenues surnuméraires. Transformer la composition sociale des quartiers, redéfinir « l’identité » sociale de la ville, éliminer toute trace d’ un passé discrédité : exit l’industrie et la classe ouvrière … est un enjeux politique. Et notamment pour ces villes où la gauche fait le pari d’implanter cette nouvelle clientèle électorale sociologiquement plus conforme à ses nouvelles attentes (4).


 

 

(1) David Harvey. Le nouvel impérialisme. Ed. Les prairies ordinaires. 2010, 241 p.

– Rosa Luxemburg. Laccumulation du capital. 1913. A paraître aux éditions Smolny. http://www.collectifsmolny.org/

– Henri Lefebvre. La Production de l’espace. 1974, Anthropos.

(2) La banque mondiale établissait en 2009 que le seul marché des hypothèques résidentielles représentait

(3) Lire à ce sujet : Alain Lipietz. Le tribut foncier urbain aujourdhui : le cas de la France. In Les Cahiers marxistes n°243, février-mars 2013, Bruxelles. http://lipietz.net/IMG/pdf/Le_tribut_foncier_revisite_.pdf

(4) Sur le site de terra nova : Gauche quelle majorité électorale pour 2012. http://www.tnova.fr/essai/gauche-quelle-majorit-lectorale-pour-2012

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Encart 1

 

Homogénéité sociale du corps politique ou la communauté des intérêts particuliers.

 

Rien ne distingue aujourd’hui un programme d’aménagement porté par une municipalité de droite/extrême droite, de celui d’une ville classée à gauche. A tel point que lorsqu’un Roland Castro feint l’indignation et refuse de « travailler avec les enfants de Doriot et Déat », après s’être exécuté pour Pasqua, on se figure toute la tartufferie qui anime le petit milieu (1). Pour autant, l’utopie urbanistique n’a pas disparu. Elle a simplement changé de paradigme. Autrefois portée par l’aspiration à une vie meilleure et adossée à un mouvement ouvrier qui occupait le champ social, politique et culturel, elle participe dorénavant à maintenir l’ordre économique et social en état de vie artificielle.

Une simple étude de la composition sociale du personnel politique explique la communauté d’intérêts qui lie intimement les promoteurs et les relais locaux de ces plans d’aménagement. Les « professionnels de la politique » sont quasi-exclusivement des cadres ou des membres des professions intellectuelles supérieures. Parmi les maires des communes, cette catégorie sociale est cent-dix sept fois plus représentée que celle des ouvriers. Seuls 0,8 % des maires, en France, sont des ouvriers alors que ce groupe y représente encore plus de 23 % de la population active (2).

C’est ainsi que durant les dernières décennies écoulées, un groupe de « spécialistes », de « techniciens », a vu son rôle s’accroître à mesure que les structures intercommunales et autres « établissements publics » se développaient : sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, etc… Un mouvement conjugué de sélection sociale et de dépolitisation a donc accru la distance qui sépare et exclut la majorité de la population des lieux où se prennent les décisions qui la concerne en premier chef. Dans les agglomérations encore tenues par la gauche, le phénomène est manifeste. Notamment dans les villes socialistes, où une jeune génération de gestionnaires à laquelle appartiennent notamment Johanna Rolland, Jérôme Safar, Nathalie Appéré… passée par Sciences-po et dressée aux règles du management fait de l’aménagement du territoire le marche-pied d’un carriérisme déjà bien engagé (3).

(1)Notons que depuis trente ans, ces projets – culturels, financiers, d’aménagements, ou autres… – ont ouvert les voies de la reconversion à toute une génération d’ex-gauchistes, le plus souvent d’ anciens staliniens qui sévissaient dans les groupes maos, tels la G.P, le PCMLF, VLR, on en passe et des pires… Roland Castro est un de ceux-là. Il est également l’artisan de la rénovation du quartier de Triennal à Boulogne-sur-mer. Lire ou relire à ce propos : Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary. Guy Hocquenghem.Ed. Agone. Ce livre retrace avec ironie la carrière, jusqu’en mai 1986, des gauchistes de Mai 68 qui ont trahi, par opportunisme, l’idéal de leur jeunesse.

(2) Source Michel KOEBEL / Répertoire National des élus.

(3)Passés par Sciences-Po et politiquement indigents. Ceci expliquerait-il cela ? Une chose est certaine, Johanna Rolland devra rapidement passer aux exercices pratiques afin d’opérer la retraite ordonnée que la défaite incontestable subie par son prédécesseur à Notre-Dame des Landes lui intime désormais …

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Encart 2

 

Qu’est-ce que le « Pôle métropolitain » de la côte d’Opale ?

Nous serions tentés de répondre ironiquement « un fauteuil supplémentaire pour certaines personnalités déjà bien assises »… Plus sérieusement, c’est l’échelon auquel s’organise dorénavant la prise de décision économique et politique dans le cadre de la nouvelle division internationale du travail. Les métropoles concentrent en leur sein toute la qualification nécessaire à une économie mondialisée qui tout les connectant, place les régions en concurrence entre-elles. Ainsi, le « pôle métropolitain » de la côte d’Opale consiste à mettre la façade maritime et ses trois ports littéralement à la remorque de la métropole Lilloise, authentique centre de décision économique frontalier. En quelque sorte une forme renouvelée de vassalité territoriale propre à notre époque « d’Europe des régions ». Depuis que des experts leur ont soufflé à l’oreille que le territoire n’était exploité qu’à 30 % de ses potentialités, le patronat et les politiciens escomptent faire de la zone, rien moins que : « le centre logistique de l’Ouest européen ». Il leur suffira pour cela d’unifier les trois ports Dunkerque, Calais, Boulogne-sur-mer sous un commandement unique et centralisé. Ce n’est donc pas le fruit du hasard si depuis peu, certains se prennent à reparler de « lignes maritimes à grande vitesse » … quand d’autres rêvent d’aéroport, celui de « Notre-Dame des Flandres », sans doute…

 

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Métropolisation du Boulonnais : l’envers du décor

Métropolisation du Boulonnais : l’envers du décor

 

On le voit, la politique de métropolisation et d’organisation et de gestion rêvée dans le SCOT local repose sur la conception du territoire comme une identité en soi, nécessitant aménagement et exploitation de ses richesses. Si la vente de l’image de marque de cette entité

territoriale aspire à un développement très tendance durable/ mixité/futurisme/tourisme…, il va être difficile de s’affranchir de la réalité de la population résiduelle de la grandeur industrielle et halieutique traditionnelles du Boulonnais.

Jetons un œil sur la carte postale avant la retouche photoScot.

S’il est un fil conducteur au projet de métropolisation du Boulonnais, c’est bien la situation économique, sociale et sanitaire désastreuse de la population locale. En effet, après avoir subi les contraintes de la production industrielle, les ouvriers et ouvrières, de la sidérurgie et du secteur halieutique notamment, sont aujourd’hui cassés. À plus d’un titre.

Parce qu’il est devenu improductif – et coûteux – par fait de maladie, d’épuisement, de vieillesse ou simplement pour cause de coût salarial exorbitant pour l’employeur, les programmateurs de « l’expression d’une ambition » (1) doivent se résoudre à transfuser du sang frais pour remplacer son prolétariat exsangue.

 

Une déchéance chiffrée

 

Les auteurs du document (SCOT) le reconnaissent en effet dans leur diagnostic, la population du boulonnais vieillit statistiquement moins parce que sa longévité s’allonge qu’à cause du départ des jeunes qui vont tenter leur chance ailleurs.

 

Parallèlement et pour mémoire, 11,3 % des décès dus à une maladie professionnelle, 6,3 % aux accidents de travail et 3,4 % à un accident de trajet constatés en France surviennent dans le Nord Pas-de-Calais. (2)

Notons encore que l’ICM (Indice comparatif de mortalité, qui indique les taux comparés de la mortalité à différentes échelles de territoire) (3) âges et sexes confondus sont respectivement de 135,6 pour la région et 149 pour la CAB; et de 141,4, 158,3 et 128,6 en ce qui concerne la mortalité prématurée ! Les causes de ces départs précipités sont multiples. Parmi celles-ci :

  • – la mortalité en lien avec les maladies cérébrovasculaires, selon les mêmes sources atteint des 145,7 en région, 192,9 sur la CAB…
  • – les tumeurs malignes affichent des indices de134 pour la région et 151,1 pour la CAB…
  • – les décès liés à l’abus d’alcool présentent dramatiquement un ICM de168,2 pour le Nord Pas-de-Calais et de 239 pour la communauté d’Agglo !
  • – enfin, le taux de suicide atteignait 142 (169 pour les moins de 65 ans) sur la Communauté d’agglo du Boulonnais – 143 (228 pour les moins de 65ans) à Boulogne-sur-mer -. (4)

 

Signalons que les deux dernières données citées sont souvent liées. Les passages à l’acte trouvent  souvent leurs causes dans les situations sociales et économiques, sanitaires physiques et psychologiques dégradées de ce qu’il faut appeler des victimes. (5)

Et si les chiffres ne disent pas explicitement la superposition des risques socio-économiques et sanitaires par CSP, la réapparition de la tuberculose en 2012 dans le quartier de la Tour du Renard à Outreau est révélatrice des conditions d’existence des plus pauvres de l’agglomération.

 

Elle assène la violence de la « désespérance » de vie du Boulonnais, emblématique de la fracture générale entre les classes de la naissance à la mort.

 

Du neuf avec du vieux

 

Les néo-Boulonnais viendraient combler en bonne intelligence avec elle le manque à consommer d’une population locale, paupérisée et peu garante d’un avenir radieux de l’espace qu’elle a construit, enrichi, vécu. Le procès des beaux jours de l’agglomération est pourtant le leur : celui de la production industrielle, celui du salariat dans sa dimension la plus absolue.

 

Selon le schéma proposé, le prolétariat local, désormais dévalué et inutile puisque retraité avant l’heure, bien que l’âge légal de la retraite ne cesse de reculer – et l’actuel gouvernement persiste et co-signe avec le MEDEF -, vieillissant pour partie et malgré tout, est éjecté de la reproduction pérenne du capital.

De variable d’ajustement fondamentale dans la sphère industrielle, il va devenir l’enjeu des emplois de service à la personne. Coup double : non seulement on ne le laisse pas tomber mais il va être générateur de jobs dans le tertiaire. Solidarité et emploi : presque  le socialisme!

Plus prosaïquement, sous couvert du souci, même sincère, d’accompagner les vieux dans leur quotidien rétréci, il s’agit de se débarrasser en douceur d’une génération CNR (6) qui s’est battue et imposée par une nouvelle, plus docile.

 

Et si l’argent coulait à flots ?

 

La griserie du débarquement de croisiéristes britanniques descendus de la Balck Watch l’année dernière et le débarquement des yankees de l’Azamara a achevé d’enorgueillir Boulogne-sur-Mer, déjà classée commune touristique depuis 2011 et qui a obtenu le label « Station Classée de Tourisme » en décembre dernier. (7)

L’afflux de touristes escompté sera donc profitable aux commerçants – 120 boutiques ont ouvert exprès lundi le 9 juin (en heures sup les vendeuses ?) -, du moins à l’hôtellerie/restauration et aux marchands de gadgets. Le gros des boutiques du centre-ville étant constitué de magasins de mode made in Bengladesh, de téléphones portables (made in…) et d’agences immobilières en guerre ouverte permanente.

Les commerces dits de proximité, répondant aux besoins premiers sont de plus en plus des magasins franchisés aux enseignes de la grande distribution, qui ceinture déjà depuis plus de 40 ans de ses super/hypermarchés les banlieues des villes-mères (étymologie de métropole). Et l’on ne compte plus, en centre-ville les rideaux baissés : à céder.

 

Le programme immobilier du SCOT prévoit donc en vitrine force construction de structures de luxe et bien sûr pourvoyeuse d’emplois. Les grèves du petit personnel des palaces cannois (dont le Martinez, l’ex-Noga Hilton, le Majestic ou le 4 étoiles JW Marriott Palais Stéphanie), du Métropole à Monte Carlo ou du Westin Paris, du Lutetia à Paris de ces dernières années ont mis en lumière ses conditions de travail. Ne parlons pas du sort des employé-e-s sous-déclaré-e-s et surexploité-e-s dans les établissements plus communs, notamment en période… touristique (8). Dans la même veine, des personnels en grève de quelques casinos, dont celui de Berk (9), avaient saboté la Saint Sylvestre 2006.

 

On ne voit pas pourquoi les emplois promis dans un secteur aux contours aussi flous ne relèveraient miraculeusement pas, dans le Boulonnais, de la domesticité pressurée.

 

Les turbo-cadres attaquent la falaise

 

Tout d’abord, force est de constater que la politique de métropolisation est davantage orientée par les lieux qu’en fonction des gens. Pour le dire autrement, il s’agit de répartir des populations sur un territoire, non pas à partir de leur désir mais en fonction des besoins que les décideurs publics et privés leur attribuent. (10) Comme sur un jeu de plateau – qui pour le coup est loin du fameux « échiquier politique » -. Les promoteurs du plan de métropolisation local auront pourtant nécessité de faire entrer leurs concepts supra-politiques dans les réalités sociales.

 

Pour palier au vieillissement et à la difficile reconversion de ses travailleurs déclassés (11), le SCOT table toujours sur la pêche au gros : attirer dans ses filets les jeunes diplômés et les CSP +. Des têtes d’œuf pour remplacer la main d’œuvre. Il conviendra donc de procéder aux aménagements urbains – et rurbains – pour « fixer » sur le littoral et son immédiat arrière pays ces nouveaux résidents. Si les uns continuent à travailler, dans la métropole lilloise notamment, les autres viendront couler des jours heureux et combler la perte d’attractivité des pôles centraux et ruraux. Et c’est des attentes… attendues de ces classes moyennes reboostées que doit découler l’organisation socio-spaciale de l’entité territoriale CAB/CCDS. (12)

 

Vous dites « mixité sociale » ?

 

« De plus en plus de chercheurs considèrent que l’enjeu est avant tout la solidarité redistributive et que cette solidarité ne passe pas par un mélange social plus ou moins imposé. » (13).

Un premier enjeu est celui de l’école. Il n’est pas des moindres puisque déterminant dans les choix d’installation des CSP + et jeunes diplômés qui vont succomber à l’attrait de la métropole du Boulonnais. En effet ces couches moyennes supérieures auront à cœur de scolariser leurs enfants dans des établissements à la réputation des moins anxiogènes. Première raison d’éviter les quartiers stigmatisés. Carte scolaire ou pas, logements sociaux neufs et/ou confortables ou pas, ce sont les quartiers les mieux famés qui seront privilégiés. Et puis il reste l’école privée, non ? Première césure.

 

Ensuite, il ne faut s’attendre qu’à peu d’engouement pour la proximité avec des populations médiatiquement sulfureuses. Et la volonté du vivre ensemble se cassera vite sur le mur de l’éloignement des valeurs, des modes de vie, des centres d’intérêt, de la simple façon de parler. On peut douter dans la foulée de la volonté des arrivants à servir de caution à la réhabilitation « morale » et à l’évidence sociale de quartiers en zone de sécurité prioritaire (Voir l’article sur l’aspect sécuritaire), incluant des espaces occupés par des « gens du voyage » de surcroît ! Il faut prendre en compte en effet l’impact de la considération de ces quartiers, qui sont passés d’ouvriers à populaires pour devenir défavorisés puis en difficulté et enfin pour tout dire : pauvres. Aussi la sélection des habitants locaux est-elle primordiale, quant à leurs antécédents comme au regard de leur « projet de vie », pour continuer à jouir de leur quartier réurbanisé à hauteur du statut social de leurs nouveaux concitoyens. Les incapables, les récalcitrants, les irrécupérables seront orientés vers d’autres solutions.

Reste la campagne. Là encore on imagine la possibilité de s’installer à Neufchâtel-Hardelot placée au 4e rang des villes les plus riches parmi les 895 communes du Pas-de-Calais et dont les résidents croient autant que nous à la mixité sociale. L’installation dans des bourgs, ou plutôt dans les lotissements qui en décorent l’accès fait partie des plans. Le problème ici repose sur le paradoxe que les rurbains en s’installant démolissent précisément ce qu’ils viennent chercher : « authenticité », isolement, art de vivre et paysage campagnard. Par charité, l’on passera sous silence les multiples conflits ouverts entre néoruraux et paysans voire les municipalités, un peu partout en France, pour cause d’inadaptabilité aux coqs, cloches et autres odeurs qui font perdre tout sens… urbain.

 

La dimension culturelle enfin est présente au premier plan dans le projet annoncé. Nous avons déjà évoqué dans nos précédents numéros les enjeux et intérêts des patrimoines bâtis, naturels et thématiques du Boulonnais tout en en soulignant les contradictions. La totalité des « événements » liés à la tradition sont institutionnalisés, muséifiés, folklorisés. À n’en pas douter les « bobos » attendus en auront leur compte de pittoresque. Au-delà de l’aspect vendeur d’un certain nombre de manifestations et de leurs produits dérivés, il faut se pencher sur l’aspect populaire de la culture.

Ici, l’on aspire au lien social au travers de la « production culturelle ». Or, les cadres sociaux d’expression spontanée finiront par disparaître. Les espaces – de moins en moins – publics vont se réduire comme peau de chagrin. Il suffit pour s’en convaincre de regarder La référence régionale : la métropole Lilloise qui peut tout à la fois devenir capitale officielle de la Culture en 2003 et organiser la fermeture des cafés-concert (14) comme elle combat les espaces alternatifs de diffusion d’idées et de débat ouvert (à l’instar de la librairie l’Insoumise)…

 

Alors, tous ces nouveaux voisins vont-ils créer de la cohésion sociale ? Rien n’est moins sûr.

« Les systèmes sociaux métropolitains constituent aussi d’implacables machines à trier et à canaliser les individus. Ils distribuent et répartissent hommes et femmes selon leurs moyens économiques, parfois en fonction de leurs appartenances ethniques et culturelles. Même sans qu’une coercition réelle soit exercée par des appareils ou des agents ouvertement répressifs, la métropolisation assigne (au moins économiquement) à résidence. Elle confère une ampleur accrue aux phénomènes anciens de ségrégation/segmentation sociale et spatiale. » (15)

Une longue période de transition (!) sera nécessaire pour que des deux populations brutalement confrontées ne subsiste qu’une seule. Le temps d’une dispersion/dislocation lente et régulière de la classe ouvrière des villes comme des campagnes.

 

Nous répondons « lutte des classes » !

 

Car, malgré leurs efforts désespérés et désespérants, les bourgeoisies politique, financière et entrepreneuriale, à haute gouvernance ajoutée par la métropolisation, n’ont à l’évidence pas d’autre issue que de plaquer une vision politique macro-économique sur des situations locales jugées archaïques. Après s’être débarrassé du fardeau ouvrier, il faut maintenant reconquérir des classes de plus en plus moyennes, ne serait-ce que pour leur fort potentiel électoral. Le PS a depuis des décennies adhéré le club des partis dégagés des ouvrier-ères-s, tout en les jetant en pâture au FN qui finira par les broyer (vous savez bien : un « peuple » plus un chef égale…). À toutes choses égales et le but étant de toute façon ailleurs, les inégalités subsisteront puisque les intérêts des classes en présence sont diamétralement opposés.

 

La métropolisation en œuvre permettra surtout une répartition territoriale de la pauvreté. Avec  deux effets escomptés : la fragmentation qui atomisera les foyers de résistance potentiels, ses traces diluées dans la masse et l’espace qui ne gâteront pas l’image de marque d’un littoral socialement aplani.

 

Pourtant, en retour, la constellation des réponses locales aux conséquences des enjeux sociaux, économiques et environnementaux de cette fuite en avant mondialisée, s’affirmera à mesure de l’impact sur son vécu et sur son sens.

Les attentes de la mixité sociale telle qu’elle est envisagée n’aspirent rien moins qu’à créer une invisibilité politique des couches populaires. L’essor technologique induit de nouvelles pratiques managériales et des contraintes de travail paroxystiques. À tel point que des secteurs dans lesquels le salariat réputé soumis, fortement précarisé de surcroît, se met à se défendre : les sites Armatis et Carrefour en 2011 par exemple.

Ajoutons que dans le secteur d’assistance à la personne, très prisé dans le projet du SCOT, les mutineries des ambulanciers de Dhuime, qui ont fini par éclater ces dernières années, sont révélatrices des considérations patronales d’un salariat corvéable à merci.

 

Le prolétariat traditionnel boulonnais en est à une énième génération sacrifiée, des marins pêcheurs à Continentale Nutrition, en passant par la SACEL, auxquels s’ajoutent les services publics, dans le secteur des transports notamment. Les mouvements sociaux, qu’ils soient spontanés et endémiques ou liés aux plans aux restructurations imposées par l’État ou les collectivités locales associés aux grands groupes internationaux, montrent la détermination d’une classe qui a la volonté d’exister.

Et ça, c’est durable.

 

(1) voir Le scénario retenu, SCOT du Boulonnais

(2) source INSEE 2012

(3) ICM (Indice Comparatif de Mortalité) significatif (p<0,001) par rapport à la mortalité nationale (France métropolitaine). Ici la référence est : France = 100. Source : INSEE – Recensement de la population, INSERM Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès-CépiDc. Traitement ORS Nord – Pas-de-Calais (période 2007-2010)

(4) Source : orsnpdc de 2006 à 2009

(5) Voir l’étude réalisée au Centre Hospitalier de Boulogne sur mer sur huysentruyt_media-ts.pdfpar Sophie Huysentruyt (interne) et le Dr D. Hanique, qui prend en compte les facteurs sanitaires et sociaux impliqués dans les tentatives de suicide. Voir aussi, pour un panorama complet : Diagnostics statistiques des contrats locaux de santé, CLS de la zone de proximité du Boulonnais (Gilles Poirier).

(6) Conseil National de la Résistance. « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ». Cette ambition qu’exprimait en 2007 Denis Kessler, gourou du MEDEF qu’on ne présente plus, entre aujourd’hui dans sa phase de ultime de réalisation. La « réal politique » sociale s’étant généralisée, la… « Crise » justifiant l’injustifiable.

(7) et qui s’ajoute aux nombreux labels qui décorent le cygne, sans compter  la marque désormais déposée (! ) selon la pub passée dans Agglorama de juin 2014.

(8) Le projet de loi « démocratie sociale » de Michel Sapin (et du MEDEF) discuté en février prévoit une baisse des effectifs de contrôle (des inspecteurs du travail) de 15 % en moyenne et la suppression des contrôles intempestifs. Les droits de l’ensemble des travailleurs-euses va fondre comme neige au soleil. (voir Le Monde en ligne du 3 février).

(9) Géré au passage par le Groupe Partouche.

(10) « Il ne faut pas confondre désir et besoin. Si le désir désigne l’univers des possibles des besoins, c’est la société qui autorise ou non les désirs à devenir des besoins, ce sont donc les relations de pouvoir qui sont ici dominantes. » in Questions sur le capitalisme d’État. Le point de vue d’un socio économiste territorial, Claude Broudo

(11) Dans un article paru dans l’Éco du Nord du 17 mai 2012, F. Dudzinski soulignait « l’évidente inadéquation entre les emplois perdus d’un coté et ceux proposés de l’autre. Chez Armatis, la démarche a l’avantage d’être claire. Le plan de recrutement privilégie la performance et les compétences. Sans état d’âme, sans aucune ambiguïté et sans surprise, l’opérateur mise sur les jeunes, diplômés (de niveau bac à bac +2 minimum), de sexe féminins à 80%, et si possible, possédant une base en anglais. Loin, très loin, du profil type du métallurgiste de la Comilog. ».

(12) Communauté d’agglomération du Boulonnais/Communauté de communes Desvres Samer.

(13) Pour une approche critique de la mixité sociale d’Éric charmes in laviedesidees.fr

(14) Voir, entre autres : forummetropole.wordpress.com/…/manifestation-de-soutien-aux-cafes-concerts

(15) In La métropolisation. Une clé de lecture de l’organisation contemporaine des espaces géographiques. Gui Di Méo. Publié dans L’Information géographique, 2010/3 (Vol. 74) Éditeur Armand Colin Page 23-38.

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Encadré 1

 

Métropoliticailleries

Imaginons le Ministre de la Simplification administrative (sic), Olivier Chastel, jouant au mikado avec Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-mer et encore Secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche (Au passage : François Hollande promettait lors de l’entre-deux tours qu’aucun de ses ministres ne cumulerait de mandat local avec ses fonctions dans le gouvernement).

 

Les sacs d’embrouilles (dans tous les sens du terme) qui agitent les partis aux manettes autant que les ficelles administratives sont autant de gigognes à chausse-trappes pour les potentats locaux. Les enjeux politiciens deviennent en effet plus personnels (et « concitoyennistes ») à mesure que l’on descend l’échelle.

 

Ainsi, sur la question du grand charcutage des régions, Martine Aubry – et Laurent Fabius notamment – étaient-ils partisans d’une vaste région « Manche-Mer du Nord » englobant Haute et Basse Normandie, Nord-Pas de Calais et Picardie. Las ! Les élections sont passées par là… Pas question d’offrir la région sur un plateau au FN. C’est un argument que brandit aussi Daniel Percheron, le président de la région Nord-Pas-de-Calais, pour ne pas être uni à la seule Picardie. (1) Et c’est pourtant cette option qui sortira à la dernière minute du chapeau.

 

Les conseillers généraux se sont eux affrontés sur la réduction du nombre de cantons et de leur découpage. Pas mal d’élus crient au « ruralicide », 31 des chefs-lieux ou centres bourgs étant voués à la disparition. Le 10 janvier, face aux 48 élus du PS (sur 49 : une abstention) qui ont voté pour le redécoupage, 13 de droite, 3 MRC et 11 communistes se sont carrément opposés au projet.

 

Enfin, au niveau de la ville, le « Grand Boulogne » ne fait absolument pas rêver les édiles des villes limitrophes potentiellement phagocytées. Il y a pourtant une belle brochette partidaire ; que ne sont-ils pas à l’« Unissons » ? (2) De deux choses l’une : soit le maire de Boulogne pratique le cannibalisme territorial ; soit ses homologues voisins instrumentalisent leur prétendue proximité aux électeurs pour préserver leurs mandats de maires « entiers »…

 

Et puis, cette vilaine rupture CCI/Villes portuaires, ça la fiche mal.

Pour une Côte d’Opale de Berk à Dunkerque et de Montreuil à Saint Omer … À suivre. De près.

 

(1) voir http://www.lesechos.fr/politique-societe/regions

(2) La Semaine dans le Boulonnais du 30 avril 2014

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Encadré 2

 

Environnement : du nouveau sous le soleil

 

Le passé industriel du Nord Pas-de-Calais a provoqué des transformations sans retour de l’environnement, comme il a profondément marqué les hommes, les femmes et les enfants qui ont travaillé à sa prospérité. Des bouleversements radicaux avec ou contre lesquels les promoteurs de notre avenir vont devoir jouer. Concilier la domestication des espaces avec leur préservation, garder sa personnalité à une région vouée à une arrivée en masse et permanente de visiteurs plus ou moins pressés. État des lieux.

 

Dans nos dernières publications, nous avions fait état des conséquences du tourisme de masse et des infrastructures que son marché impose, cause majeure de la destruction des sites et des peuples natifs ou qui y sont historiquement installés. Dans notre région cette aspiration à la fréquentation massive des milieux devrait vite transformer les paysages en espaces de loisir et autres terrains de jeu avec des conséquences qui seront très vite perceptibles.

 

Le DREAL (1) du Nord Pas-de-Calais l’exprime au travers du rapport complet dont sont tirées les informations qui suivent. En résumé, le document porte sur l’analyse scientifique, largement illustrée des données relatives au sol, à l’eau, à l’air, à la biodiversité… de la région. Il s’agit de constats des atouts et faiblesses, sans désigner des coupables.

 

Fragilité et dégradation sont concomitantes de la qualité de l’environnement. Pas de velléité d’alarmisme ; simplement quelques préoccupations que le SCOT semble considérer comme forcément dépassables sans réduire la voilure du projet.

 

Pour résumer, à l’érosion naturelle (2) combinée à une artificialisation des sols élevée outre son appauvrissement biologique entraîne inondations et coulées boueuses.

Le Conservatoire botanique de Bailleul considère qu’en 2010 : 10 % de la flore indigène régionale, composée de 1 138 espèces selon l’inventaire de référence de 1900, a disparu ;11 % des espèces sont menacées à court ou moyen terme ; 3 % sont menacées à long terme. Seules 52 % ne sont pas menacées à l’échelle régionale. Concernant les dynamiques de la faune régionale, la tendance est similaire. Par exemple, parmi les 170 espèces d’oiseaux nichant en région, 77 sont menacées. Par ailleurs, on estime que 17 espèces de papillons de jour ont disparu depuis 1980 et probablement le quart des coccinelles. Côté flore : « au-delà des espèces remarquables ou déjà rares, qui sont menacées, on observe depuis quelques années une nouvelle tendance. Il s’agit de la raréfaction d’espèces que l’on considérait auparavant comme communes ».

L’étude montre qu’en 2011 « certaines substances chimiques sont retrouvées presque partout ainsi que des Hydrocarbure Aromatique Polycyclique (HAP) présents sur 94 % des masses d’eau de la région. D’autres substances, majoritairement des pesticides, sont présentes à des doses supérieures au seuil de mauvais état dans 25 % des masses d’eau. La mise en évidence de la présence de huit substances médicamenteuses, sur un total de 20 stations, suite à une campagne de mesure exceptionnelle menée par l’Agence de l’Eau en 2010, pose la question du risque que celles-ci représentent pour l’environnement ».

Frédéric Cuvillier a beau se tourner résolument vers la mer, La Voix du Nord du 11 juin 2014 l’affirme : Seize zones de baignade où l’eau est d’excellente qualité, mais deux plages dans le rouge : Boulogne-sur-Mer et Le Portel. Le même peut bien se prononcer pour la pêche en eau profonde, « certains professionnels de la mer attachés à une pêche traditionnelle et durable admettent – à mot couvert – qu’il faudrait arrêter de pêcher en Mer du Nord et en Manche pendant 2 à 3 ans pour renouveler les ressources en poissons. Une vraie utopie dans le contexte actuel où les règlements européens autour de la pêche durable, pourtant fraîchement votés par le Parlement européen en 2013 pour être applicables en 2014, n’en sont visiblement pas à quelques contradictions prêts ! ».

Car le dilemme est là : comment assumer ses contradictions : être plus nombreux sans occuper plus d’espace ? Arpenter une terre sans y laisser de trace ? Vider la mer et vivre de la pêche ? Consommer à outrance et ne rien jeter ?

Difficile de se plier, d’assez bonne grâce d’ailleurs, aux diktats de mercantis sulfureux et de reconstruire un monde vivable, profitable à tous.

Dans le document du DREAL il y a à la fin un item intitulé « Pressions ou menaces ». Dans la version de référence ici, on peut lire :

« Une très forte pression foncière, surtout dans l’arrière-pays, avec le développement de la périurbanisation et une mauvaise application de la loi « Littoral ».

Une fréquentation touristique forte qui créée une pression importante sur des milieux sensibles.

Un risque potentiel d’insuffisante articulation entre les stratégies des deux SCOT. (Cab-CCDS et 2Caps, ndr)

Un risque de non-atteinte du «  bon état écologique  » des masses d’eau côtières.

L’érosion littorale qui pourrait s’accélérer du fait du changement climatique.

L’absence de maîtrise d’ouvrage coordonnée des travaux de protection du littoral contre l’érosion. »

Dans la dernière version, cette rubrique est en cours de rédaction. Dommage…

 

(1) En France, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) sont des services déconcentrés du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et du ministère du Logement et de l’Égalité des Territoires. Dans chaque région hors Île-de-France et Outre-mer français, les DREAL remplacent les directions régionales de l’équipement (DRE), les directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) et les directions régionales de l’environnement (DIREN) dont elles reprennent les compétences par fusion de ces dernières dans chaque région entre 2009 et 2010. http://www.nord-pas-de-calais.developpement-durable.gouv.fr

(2) La hausse du niveau moyen de la mer est de+ 2,3 mm/an à Boulogne-sur-Mer sur la période 1941-2012. Les pelouses calcicoles des coteaux calcaires du Boulonnais et de l’Artois auraient perdu 50 à 75 % de leur surface en un siècle. Elles ne représentent plus qu’environ 1000 ha. En cause surtout, la disparition d’activités agricoles comme l’élevage ovin pratiqué sur de grandes pâtures. (données Observatoire du climat NPDC.

(3) L’eutrophisation marine (dégradation du milieu aquatique, étouffement) est due à un excès de nutriments produits par l’activité humaine : 20 000 tonnes/an de flux total à la mer en nitrates proviennent des principaux cours d’eau de la région (Authie, Canche, Liane, Wimereux et Slack).

(4) http://www.consoglobe.com/rarefaction-du-poisson-manche-m

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Encadré 3

 

Économie boulonnaise :

Des plans plein les fonds de tiroirs

(et réciproquement)

 

 

L’enjeu économique dans le processus de métropolisation est étroitement imbriqué dans les stratégies de développement des grandes entreprises. Qu’on ne se méprenne pas, les territoires ne représentent pour les groupes industriels, financiers ou de communication que des lieux à conquérir. Et au besoin des champs de bataille. Les barons locaux, et ils le savent bien quelque soit le degré qu’ils ont atteint dans leur plan de carrière, sont inféodés à la bourgeoisie marchande et financière et ne peuvent que se plier à ses exigences.

Le SCOT local, comme d’autres programmes quelle que soit leur échelle, est un habillage autant qu’un révélateur de cette soumission-collaboration, de la politique publique au service des intérêts privés.

 

Boulogne, « ville phare » de la métropole (conjuguée à la C.C. Desvres-Samer) en gestation présente de façon récurrente nombre de contradictions à assumer et pas mal d’obstacles à venir. De fait, en matière économique le PADD (1) peut se résumer en quelques axes évoqués comme complémentaires : maintien de l’activité traditionnelle pêche et transformation et développement du secteur tertiaire, tourisme et santé en particulier.

Nous ne reviendrons pas sur les multiples fiascos, négligences et autres abandons que le prolétariat local doit aux compromis politiques et « partenariaux ». (2)

 

L’agroalimentaire : un marché générateur de conflits

 

L’élargissement de l’activité de Capécure en particulier vers le secteur de l’agroalimentaire sera loin d’être une promenade de santé. La situation en Bretagne témoigne non seulement des problèmes économiques liés à l’activité du secteur mais aussi des conditions de travail des personnels des abattoirs comme des « fermes » industriels, concurrencés par des entreprises, asiatiques notamment, aux travailleurs en état de quasi-esclavage. Un modèle donc difficilement importable ici.

 

Paradoxalement des groupes dans le rouge, tel Marine Harvest, délocalisent et des ouvrier-ère-s breton-ne-s se voient proposer des postes de survie à Boulogne ! Situation pour le moins difficile pour des travailleurs renvoyés dos-à-dos.

La bataille « concurrentielle » entre groupes internationaux génère opportunément une fragilisation de la solidarité prolétarienne jusqu’au combat intestin pour la survie de son job. C’est ainsi que les inquiétudes relatives à l’avenir de la Continentale nutrition ont provoqué une série de conflits intraclassistes – et même intrasyndicaux à la CFDT – entre les salarié-e-s du site de Boulogne et ceux de Villeneuve Pet food dans le Lot et Garonne.

 

Enfin l’on ne pourra s’empêcher d’évoquer la superposition des enjeux politiques, sociaux et économiques qu’ont généré d’une part le projet de « ferme aux mille vaches » dans la Somme et les démêlés au sein du PS sur la fusion des régions Nord/Pas-de-Calais et Picardie. (3)

Là encore la tentation productiviste attendue du MEDEF – et dans une mesure certaine de la FNSEA – travaille les collectivités locales confrontées à ses velléités affirmées de développement durable et de qualité de vie. En illustration locale, il s’agira de ménager la vache blanc-bleue des champs et le poisson OGM élevé industriellement. (4)

 

Vitrine en cours

 

L’État fera bien mine de lutter contre les délocalisations, par le biais de fortes incitations financières (5) ; c’est systématique et une fois l’appât digéré, l’entrepreneur va voir ailleurs. Il s’agit d’inciter à la création des consortiums régionaux amalgamant des industriels et des laboratoires publics ou privés pour conforter un domaine d’excellence technique et conférer à ce pôle spécialisé une « visibilité au plan mondial ». Dans un autre langage, c’est la simple confirmation que le développement endogène d’activités à forte utilité sociale n’intéresse absolument pas les « décideurs ». (6)

 

Le pôle d’excellence attendu implique un salariat hautement qualifié, Bac + 3, + 5… qui sera censé être formé sur place mais aussi débauché de la métropole lilloise notamment.

Le fait est que si, en terme de chiffres et de courbes, le moral des ménages, le pouvoir d’achat, le nombre d’actifs connaîtra une petite hausse, il sera simplement question de moyenne ; il n’en demeure pas moins que les classes populaires locales n’en auront pas fini avec la précarisation et la dégringolade socio-économique.

La proximité de centres d’affaire et d’usines « modèles » ne pourra certes pas combler le fossé entre les classes, tout au plus donnera-t-il une image de synthèse, un peu à la Bretonne justement : une sorte de « boyaux rouges », patrons et ouvriers unis dans une même cause. Les antagonismes de fond ne sauraient être ainsi aplanis. Les intérêts des affairistes, décideurs, aménageurs et ceux d’une population aux conditions sans cesse déclinantes sont diamétralement opposés. La métropole littorale offrira au touriste le spectacle du progrès technique. Le progrès social est infiniment moins porteur. Et contre-productif en terme capitaliste.

Un aspect que le pôle d’excellence ne mettra pas en vitrine.

 

(1) PADD : Arrêt de projet le 20/09/2012/approbation le 02/09/20013 p. 25

(2) La pêche et le tourisme ont fait l’objet de nombreux positionnements au fil de nos interventions, à consulter sur notre site https://lamouetteenragee.noblogs.org

(3) « On ne fait pas de deux régions pauvres une région riche » dixit Martine Aubry. Qui en connaît un rayon depuis le temps.

(4) Voir le programme Aquimer (qui nécessiterait un article en soi), sur la résistance génétique des poissons d’élevage aux agents pathogènes, ou la caractérisation génétique et fonctionnelle de la mutation masculinisante chez la truite arc-en-ciel par exemple…

(5) Loi de finance de 2005

(6) in Le Monde : Ces entreprises qui créent encore de l’emploi. 03/07/14

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Entre urbanisme sécuritaire et politique répressive : la Z.S.P

Entre urbanisme sécuritaire et politique répressive : la Z.S.P

 

On savait que le rose du Parti Socialiste se délavait facilement, et que le poing qui symbolisait la lutte des travailleurs avait tendance à seffacer, laissant à la fleur la charge denthousiasmer militants et électeurs. La dérive sécuritaire du PS, si on peut parler de dérive, a son histoire inscrite dans celle de la social-démocratie européenne. Dès ses origines, le ver était dans le fruit. Son prévisible ralliement à lordre bourgeois en 1914 ouvrait sur un siècle de vilenies qui depuis cette date lui donnent quitus auprès des puissants. Rappelons nous quen 1988, déjà, Pierre Joxe, alors ministre de lintérieur sous Mitterrand, avait pris des mesures pour contenir la révolte dune partie de la jeunesse des quartiers ouvriers. Les années passant, telles une « Valls » à plein temps, le PS sest départi de ses dernières guenilles plébéiennes. Il revêt aujourdhui le costume dune « gauche de gouvernement » adoptant le style, les mots et les pratiques de ses prédécesseurs.

 

 

Logique policière et histoire de « camaraderie »…

 

En 1980, lorsque Manuel Walls n’avait que 18 ans, il était membre des jeunes « rocardiens ». A cette époque, et à l’université de Paris-Tolbiac, il fait la rencontre de copains, tels que : Alain Bauer, et Stéphane Fouks, avec qui il noue une amitié inébranlable. Alain Bauer a récemment déclaré dans le journal « Le Monde » à propos de sa relation avec Valls : « Sur les bancs de la fac, nous étions déjà très sociauxdémocrates, pas très re-faiseurs de monde… ». Il se définit aujourd’hui comme « consultant en sécurité », mais surtout criminologue et expert en vidéosurveillance. Il sera proche conseiller de Nicolas Sarkozy sur tous les dossiers touchant à la sécurité en qualité de flicologue (1). En 1998, il publie « Violences et insécurité urbaines » avec Xavier Raufer, un ancien militant de la droite fasciste, passé à la droite classique via les réseaux patronaux de la métallurgie, l’UIMM. En 2006, Sarkozy le décore de « l’Ordre National du Mérite » pour ses fonctions de ministre de l’intérieur, cérémonie où étaient conviés Manuel Valls et Stéphane Fouk. Ce dernier, s’il faut encore le présenter, était conseiller en communication, désormais président de l’entreprise HAVAS, une affaire florissante grâce aux milieux politiques. Désormais chacun veut son « Fouks », chacun réclame son expert en “relation presse” issu de cette agence, jusqu’au FMI… Alors, forcément, lorsque que l’on a campé comme Manuel Valls le rôle du ministre de l’intérieur au sein d’un gouvernement « de gauche » appelé à rompre avec la politique précédente, cette proximité avec un conseiller sécurité classé à droite suscite de l’intérêt… Et voilà comment s’établit le lien entre la politique du précédent gouvernement et celle de l’actuel, en tous points identiques.

 

Quest ce quune Zone de Sécurité Prioritaire ?

 

Ce dispositif de contrôle social a été instauré en juillet 2012, « en fonction des besoins de sécuritéexprimés par la population » selon l’annonce faite par le ministère de l’intérieur. Ces zones sont définies sur des critères relatifs à « linsécurité et aux déséquilibres socio-économiques constatés ». Depuis 2013, 64 territoires sont concernés par ce dispositif. Le ministère de l’intérieur nous explique sur son site qu’elles mobilisent « … tous les acteurs de la police nationale, de la sécurité publique, de la police judiciaire, de la la PAF, les CRS Lenjeu est bien dobtenir sur le terrain un effet multiplicateur grâce à laction conjointe des services, chacun apportant son savoir-faire et sa « valeur ajoutée » au dispositif global.

  • Mobilisation qui doit déboucher sur des résultats tangibles. Il sagit de faire baisser la délinquance et « daméliorer concrètement » les conditions de vie des habitants des quartiers concernés.
  • Tout cela ne peut se faire sans la collaboration active de tous les partenaires locaux de la police nationale : justice, éducation nationale, municipalités, bailleurs, associations etc et bien sûr, les habitants, qui doivent non seulement être parfaitement informés, mais encore régulièrement consultés… »

Les ZSP fusionnent donc les acteurs et les missions dans une même intention répressive. Il s’agit là des mêmes vieilles recettes remises incessamment au goût du jour. Elles se veulent un gage donné à un électorat qui désormais tourne le dos à la gauche. Elles illustrent à leur manière terrain, l’opportunisme qui a toujours tenu lieu de boussole aux sociaux-démocrates.

C’est dans ce cadre qu’un nouveau bureau de police a été inauguré le 21 février dernier, dans le quartier du Chemin Vert à Boulogne-sur-mer. Depuis, cinq nouveaux agents des forces de l’ordre tentent « d’y endiguer » la délinquance. Ces fonctionnaires appellent les habitants à témoigner, prendre des photos… Sur les fameux « réseaux sociaux » en ligne, des habitants du quartier apportent leurs commentaires. On peut y lire (avec tout les précautions d’usage) que certaines personnes sont contrôlés parfois quatre ou cinq fois dans la même journée. Les pratiques policières qui ont cours dans les grandes agglomérations sont ainsi importées dans les villes de province. La ZSP boulonnaise est classée au deuxième rang régional, juste derrière Roubaix. On imagine que les galons pris dernièrement par l’actuel maire de la ville lui ont octroyé des facilités et ouvert les portes de fameux « moyens supplémentaires »…

 

La ZSP dans le boulonnais

Dans le boulonnais, les ZSP définies sont :

  • les quartiers du Chemin Vert,
  • ZAC Beaurepaire,
  • Marlborough – Moka,
  • Le Portel,

D’après des études relatées dans la presse locale, en 2013, il y aurait eu une baisse de 35 % de la délinquance en 4 mois. Ceci serait le « résultat » d’une présence accrue de fonctionnaires de police sur le terrain, d’une collaboration plus efficace avec les partenaires sociaux, de l’installation de nouveaux matériels (lecteur de plaques d’immatriculation en temps réel, VTT pour les agents de police, caméras de surveillance, etc.). Cela avec le renfort des la BAC et de 25 policiers de Coquelles, qui viennent en sécurisation de la ZSP, ceux-là même qui ont l’habitude de traquer les sans-papiers de Calais. Le préfet a nommé un intervenant social dans la ZSP boulonnaise, pour coordonner les actions de sécurité (en clair : de pistages, de contrôles et d’interpellations). Il s’agit d’un ancien capitaine de police, à la retraite. Comme quoi, en soi, la répression n’est pas qu’une simple fonction, elle peut-être pour certains une vocation…

 

La population ciblée par la ZSP

Une ZSP se singularise par le fait que l’on peut facilement y mesurer des écarts très importants avec la moyenne nationale en ce qui concerne toute une série d’indicateurs démographiques, économiques et sociaux. Les caractéristiques principales d’une ZSP sont : la concentration de familles nombreuses dont les membres appartiennent exclusivement au prolétariat. La moyenne d’âge y est plus basse que partout ailleurs avec plus de 50 % de la population qui a moins de 25 ans. Cette homogénéité sociale semble très importants sur le plan de la psychologie collective. Il suffit de rencontrer les habitants pour comprendre qu’il existe parmi eux un sentiment de différence ressenti et exprimé vis à vis du reste de la société.

Il faut donc comprendre le projet de « rénovation urbaine » comme le Cheval de Troie qui disloquera une communauté humaine et sociale jugée « irrégulière ». Cela passera par la sécurisation d’un espace comme le quartier de Transition, par exemple, grâce à un dispositif de surveillance et de contrôle de la population. La réhabilitation conduira à éclater le groupe social désigné en repoussant les plus pauvres de ses membres vers les logements sociaux de la périphérie.

 

On se fait un bar sous surveillance ?

Nous avions immédiatement réagi lors de l’installation par les socialistes de caméras de vidéosurveillance dans les rues de Boulogne-sur-Mer (2). Des caméras apparues dès la mise en place de la ZSP, sous le mandat de l’ex-mairesse par intérim. Elles ont pour but, nous dit-on, de dissuader les fauteurs de troubles mais n’ont semble-t-il pas effrayé les braqueurs de ces derniers mois… Fixées en centre-ville d’abord pour flatter la petite bourgeoise commerçante et assurer les arrières de la social–démocratie en vue des prochaines élections, elles ont d’abord comme fonction de faire accepter à la population d’être contrôler en tous lieux et à tout moment. Sans oublier, au passage, de remplir les poches des amis d’Alain Bauer, ces patrons de la surveillance qui se sucrent sur le dos des municipalités de gauche converties, sur ses conseils, à l’idéologie sécuritaire.

 

Restez vigilants, vos voisins vous observent :

Et comme si cela ne suffisait pas en matière de contrôle et de répression, un programme venu des Etats-Unis a vu le jour en France, et dans le boulonnais… l’opération « Voisins vigilants ». Il s’agit de surveiller le voisinage, de prendre des photos au moindre soupçon, d’appeler la police, de poster des alertes sur leur site …  Les villes entrées dans le dispositif sont munies d’un panneau à l’entrée (comme celui des « villes fleuries ») et les adhérents obtiennent une breloque officielle de « citoyen volontaire », une médaille pour être des bénévoles de la délation, à plein temps, du concept « coproduction de la sécurité », très à la mode dans les démocraties. Le service est mis en place par la police nationale par le truchement de la loi de la prévention de la délinquance (LDP).

 

Stratégie de la tension, domination, persécution :

La civilisation capitaliste injecte en permanence le venin de la tension, c’est un de ses ressorts. Et pour conjurer les contradictions qui la minent, elle entretient la division au sein même du prolétariat. Elle se doit de fabriquer en permanence de nouvelles figures inquiétantes, déclinaison renouvelée de la « classe laborieuse », « classe dangereuse » : « sans-papiers », « chômeurs », « jeune des cités »… Cette forme de domination, régulée techniquement et rationnellement puise dans les répertoires contre insurrectionnels, coloniaux et militaires, pour maintenir le couvercle sur la marmite. La même rengaine politique qui permet de contrôler la population en instrumentalisant la peur, en promouvant l’individualisme, le chacun pour soi, et au final, le tous contre tous.

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(1) Chercheur pour qui le préventif se confond avec le répressif.

(2) Le texte « Vidéo – surveillance à Boulogne sur mer, de la proximité des élections municipales, de la petite bourgeoisie social-démocrate locale et de ses caméras de surveillance » est consultable ou téléchargeable sous forme de « quatre pages » sur le blog : en cliquant ici

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