VPC – Logistique

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Le suivi de la lutte à La Redoute et le bilan de la réunion des travailleurs d’Amazon à Poznan.

Tout est à redouter !

Les choses se précisent pour l’ancien leader nordiste de la vente par correspondance. La direction bloque désormais les départs volontaires et réaménage le temps et les postes de travail tandis que le nouveau site logistique ultra-modernisé de la Martinoire se construit, blesse déjà et fait craindre le pire pour les nouvelles conditions de travail dans le secteur !

Plus personne ne part  ! L’arnaque du PSE (1)

Début septembre, les syndicats CGT et FO ont déposé aux Prud’hommes de Roubaix, 15 dossiers de salarié-es pour «  défaut d’accord  », une trentaine d’autres devraient suivre. Ce désaccord porte sur les modalités d’application du PSE qui prévoit la suppression de 1 178 postes jusque 2017, soit par des départs anticipés ou non à la retraite, soit par des départs dits volontaires vers des reclassements. Or aujourd’hui, les quotas ont été atteints et pour ceux qui veulent encore quitter le navire, ce n’est plus possible. Ces refus touchent surtout les ouvriers de la logistique et la relation-clients. De quoi dégoûté Ali qui comme les autres  : «  voulait gagner 1 ou 2 ans de salaire pour après faire une formation  » financée par la fiducie (2) . Car après, le futur semble bien bouché pour les reconversions, 40% de ceux qui sont partis volontairement sont au chômage, les autres ont trouvé dans l’aide à la personne, l’aide maternelle ou encore dans la manutention.

On ferme les robinets d’un côté et de l’autre, la direction recrute des gros bonnets dans la pub, l’internet et bien sûr les ressources humaines pour finir de faire le ménage. A l’image de Pascal Lafon, nouveau RH aux dents longues puisqu’il était avant chez Rabot-Dutilleul (grosse boîte de bâtiment dans le Nord), Bricoman et les boulangeries Paul. Ce dernier (3) se ferait un fixe de 130-180 000 euros, de quoi dégoûter encore un peu plus. Avec le recul, tout cela a été parfaitement orchestré. Aux lendemains des grèves de 2014, la direction a joué profil bas et a laissé partir beaucoup de salarié-es, aujourd’hui elle bloque les départs et se permet de réaménager les postes de travail à sa guise, en attendant les licenciements proprement dits en 2017 ou même avant. A la logistique, il ne doit rester que 550 salarié-es, il y en a encore environ 700…

Loi de la jungle dans la vente à distance

De l’aveu de ceux qui y travaillent, les stocks se remplissent sans qu’il y ait de grosses ventes et les dernières soldes ont été calamiteuses pour la Redoute. Preuve en est que le secteur de l’anciennement vente par correspondance disparaît pour laisser place à un nouveau modèle  : celui de la vente à distance par internet et de la livraison chrono en moins de 24h. A voir la fortune exponentielle de Jeff Bezos, le PDG d’Amazon (47 milliards de dollars tout de même), le secteur semble se porter à merveille mais c’est pour mieux cacher sa crise structurelle. Avec ou sans internet, les stocks grossissent et la consommation n’arrive plus à tout absorber à cause de la baisse des pouvoirs d’achat, les marges diminuent et il faut alors prendre là où l’on peut encore prendre  : sur le travail. C’est ce qui se passe dans les hangars de Amazon où les conditions de travail sont dantesques comme le montre de nombreux témoignages (4). La Redoute, elle, veut tout automatiser même les déplacements pour rattraper la concurrence mais ce n’est qu’une fuite en avant de plus … et un recul considérable pour les conditions de travail. Cela commence par des ouvriers polonais qui ont été appelés pour construire cette nouvelle Martinoire, travaillant au rabais, l’un d’entre eux a été grièvement blessé en faisant une chute.

Bien heureusement des résistances existent notamment par les voies syndicales comme à la Redoute mais aussi par le biais d’une initiative internationale menée par le syndicat polonais Inicjatywa Pracownicza, très présent dans l’entreprise Amazon à Poznan qui a appelé mi-septembre à une rencontre avec des camarades allemands et français d’autres sites. Le compte-rendu de cette réunion n’est pas encore publiée mais l’appel (reproduit ci-joint) laisse l’espoir d’une résurgence de la lutte dans le domaine de la logistique (5).

Notes  :
(1) Plan de «  sauvegarde  » ou plutôt de suppression de l’emploi. Il a été signé, il y a plus d’un an par la traîtrise de la CFDT centrale alors qu’une lutte importante de la base avait lieu notamment grâce à l’action des Redoutables, pour plus d’infos, voir CA de mai 2014 + émissions radio de l’Egregore consacrées à ce sujet.
(2) C’est une caisse de 180 millions d’euros que Pinault (ancien propriétaire de la Redoute) a laissé pour organiser la restructuration de la logistique (nouvelle Martinoire) et pour financer les départs volontaires avec un plan de formation et une prime de 20 000 euros. Quelques millions pour se laver les mains  !
(3) Selon les bruits de couloirs qui se rapprochent souvent de la réalité
(4) Lire, En Amazonie: infiltré dans le « meilleur des mondes » de JB Mallet, Fayard, 2013
(5) Soulignons les actions du syndicat Verdi en Allemagne qui ont bloqué plusieurs fois des hangars Amazon.

Rencontre internationale des travailleurs d’Amazon
(Poznan, du 11 au 13 septembre 2015)
Déclaration finale

Le texte de l’appel est à télécharger ici
Des travailleurs d’Amazon de Pologne et d’Allemagne se sont réunis pendant trois jours à Poznan (Pologne) avec d’autres camarades sympathisants. C’est la deuxième fois que nous nous rencontrons ainsi, après la première réunion à Bad Hersfeld (Allemagne) au printemps dernier. Ces réunions sont organisées par les travailleurs d’Amazon eux-mêmes, indépendamment de nos syndicats respectifs. Nous sommes un réseau de solidarité qui vise à répondre à la stratégie d’Amazon et à coordonner la lutte pour nos intérêts communs.

Cette fois, nous avons distribué des tracts devant l’entrepôt d’Amazon à Poznan-Sady, nous avons tenu une réunion publique pour expliquer la situation dans l’entreprise Amazon à Poznan, Bad Hersfeld et Brieselang et nous avons organisé un rassemblement et une conférence de presse avec les médias. Ensuite, nous nous sommes réunis en assemblée de travailleurs et avons discuté de la situation dans les différents entrepôts d’Amazon et de nos efforts communs visant à améliorer les conditions de travail dans le futur.

Nos échanges ont révélé que, dans les différents pays, les travailleurs d’Amazon sont confrontés aux mêmes problèmes (bas salaires, réglementation grandissante, pressions au travail élevées conduisant à des problèmes de santé, pratiques typiques d’Amazon d’embauches et de licenciement, etc.). Lorsqu’elle est confrontée aux revendications des travailleurs, Amazon utilise des stratégies semblables dans tous les pays, par exemple en menaçant les travailleurs de licenciement, en mettant la pression sur les militants syndicaux, en négociant sans aucune volonté de céder, etc.

Pour tous ceux qui ont participé à la réunion, il était clair que nous devons donner une réponse collective – entre les différents entrepôts dans les différents pays – afin d’imposer des améliorations et plus. Dans l’avenir, Amazon ne doit plus pouvoir jouer avec nous, les uns contre les autres, parce que nous unissons nos forces et établissons des liens à la base, de travailleur à travailleur.

Cet échange d’expériences au moyen de rencontres entre travailleurs d’Amazon peut motiver, mobiliser et renforcer l’autonomie des travailleurs à travers les frontières, même de ceux qui ne peuvent pas (encore) y participer. Un exemple est le ralentissement du rythme de travail auto-organisé dans l’entrepôt de Poznan contre les heures supplémentaires, exprimant le mécontentement des travailleurs vis-à-vis de leurs conditions de travail et qui a été aussi un clair geste de solidarité avec la grève des travailleurs d’Amazon en Allemagne, qui a eu lieu le même jour à la fin du mois de juin.

Nous sommes aussi déterminés à faire face à la répression menée par Amazon. Des travailleurs d’Amazon en Italie devaient assister à la réunion, mais l’un d’entre eux a été licencié peu de temps avant notre rencontre. Ils ont donc dû rester pour faire face à cette attaque et n’ont pas pu venir. Nous exprimons notre solidarité avec ces travailleurs et nous sommes heureux de savoir qu’ils sont déterminés à participer aux futures rencontres et actions communes.

Pour la prochaine rencontre, qui sera annoncée en temps voulu sur https://amworkers.wordpress.com, nous n’invitons pas seulement les travailleurs d’Italie, mais aussi ceux du nouvel entrepôt Amazon qui a ouvert près de Prague (République tchèque) et ceux qui travaillent dans les autres entrepôts d’Amazon dans toute l’Europe.

À Poznan, tous les participants ont réaffirmé leur intention d’organiser de futures luttes communes transfrontalières. C’est seulement si notre combat est organisé par les travailleurs eux-mêmes, enraciné dans chaque entrepôt et coordonné avec les autres, avec une stratégie claire et imprévisible pour Amazon, que nous avons une chance de gagner !

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