Acte XI à Boulogne-sur-mer : « On est là… On est là … Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur … On est là … »

Acte XI à Boulogne-sur-mer :

« On est là…   On est là …

Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur … 

On est là … »

 

Si tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il y avait moins de monde que la semaine précédente, l’ambiance dans le cortège des Gilets Jaunes était chaleureuse et la détermination intacte. 

Il est à peine onze heures du matin lorsque nous arrivons à hauteur de la rue du Chemin Vert, et déjà le ton est donné. Un imposant barrage de police filtre les voitures et contrôle les piétons. Espérant contourner l’obstacle, nous empruntons la rue du Détroit où nous tombons nez à nez sur un nouveau dispositif policier. Sur les trottoirs, le fusil d’assaut s’exhibe de manière ostentatoire. Sur le lieu du rendez-vous, les flics vérifient le contenu des sacs… Deux personnes qui transportent du matériel de secours sont également pris à part et doivent se résoudre à vider le leur. La bourgeoisie si libérale à l’égard des siens, se livre sans fard aux yeux de ceux qu’elle méprise et qu’elle aime humilier.

un cortège libre et dynamique 

Bien qu’escorté de part et d’autre par des véhicules de police, la manifestation prendra progressivement son rythme et improvisera au gré de ses aspirations. Ainsi, en descendant la rue du Camp de droite au son des « Macron démission, Castaner en prison », et autre « Police partout, Justice nulle part » le cortège décida de fausser compagnie à la maréchaussée. Sous les au revoir adressés aux gyrophares qui s’éloignaient sans comprendre, la manifestation bifurqua dans une petite rue perpendiculaire et à contre-sens de la circulation. Un joyeux bazar s’ensuivit que des automobilistes compréhensifs accompagnaient parfois de coups de klaxon complices. 

des syndicalistes au spectacle

Si c’est avec sympathie que nous avons salué, dans le cortège, des camarades syndicalistes de l’usine Capitaine Houat, c’est avec ahurissement que nous en avons croisé d’autres. Ces derniers, tranquillement adossés à la porte de la bourse du travail, regardaient passer la manifestation comme la vache bigle sur le train. A ceux qui se demandent encore ce qu’attendent les syndicats, il est clair qu’en leur sein, certains savent où est leur place. Ils ont la lutte de classe chevillée au corps et apparaissent, comme nous, à titre individuel dans ce mouvement, au gré de leur disponibilité. Les autres, ceux qui pensent qu’il n’y a rien à gratter là-dedans pour leur crèmerie restent  le cul cloué à leur fauteuil. Tant mieux ! Enfin, les sceptiques qui, à juste titre aiment à rappeler que « tout ce qui bouge, n’est pas rouge », ceux-là doivent aussi savoir que ceux qui ne bougent pas, ne risquent pas de voir quoi que ce soit de rouge advenir à l’horizon …

devant le commissariat 

Après un petit tour en centre-ville, c’est au son d’une Carmagnole revisitée que l’on traversa le marché de la place Dalton. À coup de facétieux « Ah ça ira, ça ira, ça ira, la bande à Macron à la lanterne, Ah ça ira, ça ira, ça ira, la bande à Manu on la pendra … », le cortège déboucha tranquillement dans la rue qui mène au commissariat. Là, les chants redoublèrent d’intensité « On est là…  On est là … Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur … On est là … » face à une vingtaine de flics harnachés mais sans casques ni armes et boucliers en mains, protégeant l’entrée de leur local. On se toisa de part et d’autre et on fila vers de nouvelles déambulations impromptues. De retour dans le centre-ville, un drapeau tzigane salua de la fenêtre d’un immeuble le passage du cortège … 

un rassemblement pour le climat

Vers quatorze heures, les Gilets Jaunes se joignirent au rassemblement pour le climat qui se tenait devant le théâtre.  Sur place, impossible d’ignorer que deux mondes, que beaucoup de choses séparent, se retrouvaient au coude à coude le temps d’un discours. Sur le registre de la consommation, un retraité Gilet Jaune râlait contre la prolifération des suremballages… Mais tandis que les « écolos », comme les désignaient les Gilets Jaunes, parlaient aux « écolos » un homme nous fit cette réflexion « moi aussi, si on me file 15 000 balles je veux bien changer de bagnole ! ». Tout était dit.

Si parmi les « écolos » en question, nous comptions pas mal de connaissances et quelques amis, il était évident que ce n’était pas avec eux que nous repartirions en manif immédiatement après, de même qu’ils s’étaient sentis étrangers au cortège du matin. En ce jour, c’est au sein des Gilets Jaunes que nous nous sentions parmi les nôtres, naturellement, et lorsqu’ils décidèrent d’emprunter librement un autre parcours et de quitter le cortège commun, c’est avec eux que nous avons poursuivi nos pérégrinations … 

La question climatique, bien réelle, ne peut se poser comme nous l’avons entendu proclamer au travers de pratiques de consommation alternative ou d’un rappel à l’ordre adressé à l’État. La « décroissance » ou le « capitalisme vert », ne sont que des segments de marchés potentiels à destination d’une petite bourgeoisie inquiète et moralisatrice. Le prolétaire sous son gilet jaune a matériellement d’autres besoins immédiats à satisfaire. La lutte continue et espérons qu’elle parviendra à poser dans le cours de son déroulement ces questions fondamentales et à trouver des amorces de réponse concrète. 

« Ne nous regardez-pas, rejoignez-nous »

Boulogne-sur-mer, le 26/01/2019

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