Quelques considérations en regard des journées d’octobre/novembre 2010.

Quelques considérations en regard des journées d’octobre/novembre 2010.

 

En ne débordant pas le périmètre délimité par les centrales syndicales : des journées de grève espacées combinées à des actions le plus souvent symboliques, ce mouvement “contre la réforme des retraites” ne laissait présager qu’une défaite supplémentaire annoncée de longue date.

Pour autant, il serait facile de s’en tenir à ce seul constat et passer sous silence tout ce qui dans le cadre imposé aussi bien qu’à sa marge, le plus souvent au sein des deux à la fois, révéla une volonté, certes minoritaire, mais bien réelle de lutter. C’est en cela, peut être, que cette défaite n’en est pas définitivement une…

Voici quelques éléments éparses qui traduisent cette impression à partir des semaines de protestation telles que nous les avons pu les vivre.

 

cap-cure--2.-.jpg

 

Le contexte général dans lequel se dérouleront les journées d’octobre/novembre 2010 demeure celui qui prévaut maintenant depuis trois décennies. Il se caractérise par la réalisation d’un taux de profit soutenu obtenu par une offensive globale contre le travail. Cette “contre révolution libérale” s’assortit dans sa seconde phase de puissants mouvements financiers, vecteurs de profits immédiats mais facteurs d’une instabilité chronique révélée sous la forme de “crises” répétées et rapprochées. Survenues d’abord en Asie dans les années 90, elles conduiront en 2008 à l’effondrement de la bulle immobilière américaine. Depuis cette date, en Europe, la récession frappe à tour de rôle les économies les plus fragiles du bloc, malmenant l’architecture financière de l’Union toute entière.

 

Tiraillée en son sein, la bourgeoisie de l’U.E applique néanmoins le train des mesures qui lui permet de tenir la position sur les marchés internationaux. Ainsi, de la Grèce à la France en passant par l’Irlande ou le Portugal, sous des gouvernances de gauche comme de droite, s’impose partout aux travailleurs une seule et même politique. Celle-ci s’inscrit dans le prolongement de la rupture du compromis Fordiste et se fonde essentiellement sur :

  •  l’ allongement de la durée du travail,
  • la réduction des allocations chômage par une politique autoritaire de mise au travail forcé, et maintenant gratuit comme en Angleterre,
  • les suppressions massives d’emplois dans le secteur publique; en réalité des plans sociaux couplés aux baisses de salaires,
  • la remise en question du contrat de travail,
  • la fin du contrat à durée indéterminée au profit d’une employabilité fixée dans le temps par les besoins du patronat.
  • la remise en question du salaire par la réduction de la part fixe; extension de l’individualisation de la rémunération liée à la productivité,
  • la remise en cause des conventions collectives,
  • la baisse du montant des retraites;
  • la fin de la retraite par répartition.

L’allongement de la durée du travail – la contre-réforme des retraites – se lit donc unilatéralement. Il fonde à partir d’une grossière propagande d’Etat : la fiction démographique, le vol d’une partie différée du salaire. Il permet à peu de frais aux financiers de faire main basse sur une fraction socialisée du revenu du travailleur; celle qui concourt à la reproduction de sa force de travail. La loi Woerth n’est en cela qu’une épate. L’objectif intermédiaire étant la disparition pure et simple du système dit “de répartition”. A terme, c’est dans la manne des fonds capitalisés que la bourgeoisie se servira comme vient de nous le prouver à titre d’exemple le gouvernement irlandais. Là-bas, l’Etat s’est emparé de 12 milliards d’euros qu’il a saisis dans les réserves des fonds de pensions afin de les distribuer aux banques. Crise oblige.

 

 

La réalité syndicale : l’expertise au service de l’offensive patronale.

 

D’abord, reconnaissons qu’en dehors des syndicats, personne ou presque ne posa dans la forme comme sur le fond la question de la lutte autour des retraites. L’emprise syndicale put donc se déployer sur le seul registre qui vaut pour elle : la destruction d’acquis sociaux en prise avec le rôle gestionnaire qu’exercent encore certaines confédérations au sein de l’appareil d’Etat : caisses de retraites, sécurité sociale, mutuelles etc…

 

C’est donc à leur propre reproduction et dans l’attente de la loi sur la représentativité de 2013 que les centrales ont travaillé dans l’unité que l’on sait. Une union apparue lors de la lutte contre le CPE et qui repose depuis sur l’ alliance au sommet des deux principales centrales : CFDT et CGT. Le recentrage achevé de cette dernière permet dorénavant ce numéro de duettiste qui trouve son principe dans la faiblesse croissante d’appareils déclinant ( aux alentours de 7,5 % de travailleurs syndiqués en 2005 contre 27 % en 1950). En remettant à plat les conditions de la représentativité, l’Etat espère se garantir auprès d’enseignes éprouvées la pérennité de l’encadrement de la force de travail dans une période incertaine. Il parachève ainsi la restructuration et la concentration du champ syndical et en signe l’intégration aux conditions du jour. Un coup d’oeil rapide sur la l’architecture de la seule CGT ne laisse planer aucun doute sur la question. En quarante ans, et à mesure que le nombre d’adhérents diminuait, celui des permanents y a été multipliée par cinq. Cette bureaucratisation renvoie aux transformations de la composition sociale du salariat et à celle du rapport des forces au sein du groupe. La progression de la catégorie “cadre” bien qu’aujourd’hui en crise et en voie de déclassement dépasse en nombre de syndiqués – notamment au sein des entreprises publiques – celle des ouvriers. Les cadres, base sociale ordinaire de la direction, colonisent les structures syndicales à mesure qu’ils en achèvent la dilution dans le champ du commandement capitaliste. L’arrivée en novembre 2010 d’un cadre à la tête de la fédération CGT des cheminots est à ce titre exemplaire.

 

C’est dans ces circonstances que l’aire syndicale s’imaginait obtenir de l’Etat l’ouverture de négociations autour du “dossier retraites”. Quelques miettes distribuées à la volées auraient aussitôt suffi à clore le chapitre et permis d’étouffer les voix qui montaient des restes d’une base désorientée et embarrassante. Mais L’Etat refusa et rappela à ses partenaires ce qu’il est dorénavant en mesure d’exiger d’elles : quelles soumettent leur expertise au service des plans qu’il entend imposer aux travailleurs ou alors, qu’elles se taisent*. C’est le prix à payer pour qui fonde aujourd’hui sa légitimité en retour des conseils qu’il prodigue au prince. Les syndicats se confondent maintenant avec les Think-Thank qu’animent leurs “principaux experts” en tête à tête avec le patronat et les bureaucrates. Jean-Christophe le Digou de la CGT est une figure assez emblématique de ce recyclage de la fonction syndicale.

 

A partir de là, il ne restait à l’intersyndicale qu’à produire un simulacre de mobilisation sur un terrain qui, de fait, confine à l’impuissance : l’opinion publique.

 

* La collaboration de la CGT aux desseins de patronat repose essentiellement sur deux axes :

d’abord ce qu’elle a baptisé la “Sécurité Sociale Professionnelle” et ensuite le “Nouveau Statut du Travailleur Salarié”.

Deux réponses à l’ordre de flexibilité commandé par l’Etat et le MEDEF.

 

cap-cure-1.-.jpg

 

Une mobilisation en trompe l’oeil.

 

Fait nouveau, les cheminots répétant que cette fois ils ne porteraient pas le mouvement, la mobilisation s’est organisée de manière plus diffuse et à partir de boîtes privées, le plus souvent en lutte les mois précédents. Le cas des raffineries est à ce titre exemplaire. Autre fait marquant, une géographie de la lutte moins concentrée sur les grosses métropoles. Les actions se sont propagées dans les endroits les moins attendus et ont été recensées sur l’ensemble du territoire.

 

Dans certaines entreprises, la grève sera reconduite sur quelques jours puis succéderont des arrêts de travail sur les modalités propres à l’organisation du travail posté. A leur tour, d’autres boites saisiront le relais. A aucun moment pourtant, un nombre suffisamment important d’entre elles ne se rejoindront sur un temps commun en dehors des journées d’action. Cette mobilisation fut donc essentiellement celle de délégués adjoints de travailleurs en récupération ou en dehors des postes. La faiblesse des salaires et la précarité expliquent cela, mais sans doute aussi la difficulté à se projeter, à esquisser des contours un peu assuré à la lutte. On pourra également y entendre la manoeuvre d’appareils syndicaux passant en revue des troupes potentiellement mobilisables. Toutefois, on ne saurait ignorer que la crise a réactivé dans certains secteurs des réflexes de lutte qu’une mobilisation, même en trompe l’oeil comme celle des retraites, a pu confirmé. Si cette mobilisation ne fut pas à la hauteur de l’enjeu, essentiellement par le nombre très insuffisant de travailleurs en grève, c’est parce qu’il n’émerge actuellement aucune nouvelle figure de classe capable de catalyser les millions de travailleurs que les syndicats ne représentent pas. Si la classe ouvrière n’a disparue que dans la tête de ceux qui ont intérêt à s’en persuader, il nous faut reconnaître que son fractionnement sape aujourd’hui sa capacité à se présenter en tant que telle face à l’Etat et à la bourgeoisie.

 

 

Composition de classe …

La période se caractérise par un marché instable, un fort taux de chômage et une précarité endémique. L’organisation du travail est flottante et globalisée, scellée par un management pervers et criminel qui se diffuse dans l’ensemble des secteurs et anéantit les derniers lambeaux de rigidité ouvrière de la période Fordiste. Transformation du travail, redéfinition ou disparition des catégories, dépossession des savoirs-faire, appauvrissement des taches couplée à une augmentation de la productivité et de la flexibilité, tout concourt à niveler la condition du travailleur et à atomiser les individus, aussi bien sur le lieu de la production que dans la société. Le plus souvent, la conséquence en est la perte du sentiment d’appartenance à la classe elle même. La disqualification des “savoir-faire”, la mise au ban du “métier appris” au profit d’une polyvalence ubiquitaire a dépouillé le travailleur de son identité et hypothéqué le projet collectif qui s’y rattachait – au moins symboliquement. La structure elle même des entreprises : la petite boîte satellisée à l’enseigne internationale, contraint la main d’oeuvre à un Turn-over important; une mobilité forcée qui disloque l’identité collective encrée jusqu’à hier au coeur de l’entreprise.

Enchaîné au dessein d’un réseau de production/circulation éclaté, dématérialisé et mondialisé, le travailleur se dissout dans les entrelacs de la totalité techno-productive. Si hier l’asservissement se vivait sur la chaîne de montage de la planification Fordiste, il s’incarne d’avantage aujourd’hui dans la figure horizontale du réseau et son lacis de flux. De là à conclure qu’une période chassant l’autre, la transition aurait abolit définitivement les termes antérieurs de la domination il n’y a qu’un pas. Le franchir accréditerait l’idée selon laquelle cette horizontalité se substituerait définitivement aux hiérarchies antérieures. L’individualisation des exploités et par conséquent leur neutralisation serait en voie d’achèvement. Les journées d’octobre/novembre ont démontré de manière certes encore ambigu le contraire. Le “post-fordisme” par bien des aspects ne s’éloigne que partiellement de sa matrice. L’installation du “réseau WI-FI” sur les chaînes de montage des usines Ford, par exemple, n’oblitère en rien le face à face entre le travail et le capital. Au contraire, elle en accroît le champ. La chaîne, jusqu’ici rivée à l’usine s’en extrait progressivement par le réseau. Le travailleur occupé ici, demain, usinera là bas. Et c’est ce travailleur nomade, précaire et flexible qui fut le grand absent des journées d’octobre/novembre alors que son objectivation en qualité de sujet collectif demeure un enjeux incontournable de la période.

 

Mode d’action et forme d’organisation.

 

La-nuit.-.jpg

Le glissement du champ de la lutte à l’extérieur de l’entreprise, tel que l’on a pu le vivre durant ces deux mois a peut être apporté quelques éléments de réponse. Limités et forcément contradictoires comme le prouve les discussions entamées autour du sens réel des actions de blocage. Il est indéniable que ce mode d’action soit apparu comme un aveu de faiblesse, une incapacité à propager la grève et à l’inscrire dans le temps au sein même de l’entreprise. Mais il fut en partie une réplique aux transformations que les patrons sont parvenus a imposer tant au sein du procès de production, que dans son commandement. Nous aborderons plus loin le problème du vérouillage syndicale. Les blocages ont, dans l’état actuel d’un rapport de force dégradé pour les travailleurs, permit de composer de manière circonstanciée des collectivités à l’extérieur des entreprises où cela ne semblait guère possible. Le territoire, l’échelle locale se sont imposés comme lieux communs en dehors de l’usine de l’école ou des bureaux. En bloquant la marchandise sur les axes de circulation, les zones industrielles ou de distribution, en multipliant les piquets devant les boîtes ou les travailleurs n’étaient pas en grève, on ouvrait de fait un espace en marge des lieux de la production. Un espace qui ne s’est pas formalisé puisque des comités de bases réellement portés par les travailleurs ne sont pas nés de ces journées. Il n’en demeure pas moins que si la grève reste l’outil essentiel pour construire un réel mouvement de classe, la forme que revêt dorénavant le salariat impose de penser ce mouvement aussi bien à l’intérieur de l’entreprise qu’à l’extérieur de ses murs. Les illusoires “blocages” sous bannière syndicale n’ont trompé personne, cependant, ils ont en creux confirmé cette inclination. Les luttes à venir nous apporteront leur éclairage, n’en doutons pas.

 

La coquille intersyndicale en lieu et place du mouvement.

 

Si la CGT put s’imposer aussi facilement durant ces deux mois, c’est qu’à contrario de 2003 bien peu de travailleurs étaient en grève. Rappelons qu’il y a sept ans, ce furent des grévistes non syndiqués qui pour une grande partie d’entre eux portèrent le mouvement à bout de bras. Cette fois, la CGT eu beau jeu d’enserrer ses partenaires tout en pianotant la partition du “je t’aime moi non plus” au coude à coude avec un Solidaire empêtré dans ses propres contradictions.

 

En martelant qu’il ne fallait pas brader le capital de sympathie engrangé auprès de l’opinion, on ne pouvait pas s’attendre à grand chose. Et en effet, il ne se passa rien, ou … presque. Les actions ont put se déployer car pour la plupart elles ne frappaient pas directement les intérêts du patronat. Et lorsqu’à la marge, elles y parvenaient partiellement par un débordement de circonstance, le grand frère syndical admonestait contre “la mise en danger d’activités déjà fragilisées”. Il est d’ailleurs piquant d’entendre un de ses dirigeants nationaux déclarer dans les colonnes des Echos que ce “mouvement” lui aurait “…confirmé qu’on ne peut plus vraiment bloquer le pays”. Quel soulagement ce doit être pour ce brave citoyen …

 

Pour la direction de la CGT, les actions de terrain ont d’abord servi de soupape à une base syndicale un peu déboussolée par une mobilisation qui n’en n’était pas vraiment une. Elles permirent ainsi d’entretenir le spectacle entre deux dates nationales. La plupart du temps négociées avec la police, elles prenaient fin à l’heure dite. Si bien que la formule repassée de la CGT : “Nous n’avons pas poursuivit mais sachez que cela est remonté en haut lieu…” ne laissait planer aucun doute sur le sens de toutes ces mises en scènes.

 

Comme nous l’avons évoqué : dans certaines circonstances l’alliance au sommet s’est vu malmenée par l’action commune de regroupements aux limites variables et plurielles. Pour autant, nulle part d’authentiques collectivités de lutte ne se sont substituée à l’intersyndicale des bureaucrates. Pire, c’est en direction de ces appareils, dans le seul espoir, totalement naïf, de détourner le cours de leur stratégie démobilisatrice que certains se sont démenés. Il suffisait pourtant d’écouter Thibaut et sa coterie qui ne cessèrent de rabâcher durant des semaines : “… il n’est pas question de bloquer le pays !” C’est un fait, pour la plupart des travailleurs conscients de la faiblesse de la mobilisation, la priorité n’était pas de sortir du cadre ni d’inventer ou de créer de nouveaux modes et lieu d’organisation mais de faire pression sur celles existantes afin qu’elle fasse ce pourquoi elles seraient censées exister : organiser et combattre. D’où ce sentiment de trahison ressenti depuis des années, de recul en défaite, par ceux qui s’obstinent encore à espérer des bureaucraties syndicales.

 

 

La gauche syndicale une vieille histoire…

 

La gauche syndicale a pu apparaître au delà d’elle même, comme une aire de regroupement un peu plus respirable aux yeux d’un certain nombre de travailleurs, sympathisants, ou simplement conscients de la nécessité de créer une zone échappant à l’emprise des bureaucraties intégrées au jeu de l’Etat. Il est vrai qu’en son sein, la moyenne d’âge y est un peu moins élevée, la présence de femmes y apparaît plus importante et on y affirme une certaine radicalité qui toutefois peine encore à trouver sa traduction en terme de classe. La minorité syndicale organisée dans et autour de Solidaire put ça et là offrir cet ‘en commun” à partir duquel il fut parfois possible de desserrer l’étau, de modifier le sens et la portée de certaines actions. En soi ce n’est pas négligeable. Mais enfin, tout cela est resté relativement anecdotique. Les limites sont d’ailleurs apparues rapidement. Solidaire servit d’abord au couple CGT/CFDT de caution radicale et démocratique. Cette assignation à la fonction d’épouvantail ne pouvait d’ailleurs être remise en question dans le cadre d’une intersyndicale neutralisante. La direction de Solidaire elle même s’est bien gardée de l’envisager. Si l’on revient sur la position partagée localement par l’ensemble des Sud en opposition avec celle de Solidaire national, elle rendait la situation certes intéressante, mais confinait à l’impuissance en l’absence d’une véritable dynamique portée par les travailleurs eux même. Un peu partout sur le territoire, dans les défilés, les cortèges Solidaires sont apparus comme pourvus et offensifs, mais ces manifestants là n’ont pas dans leur grande majorité investi d’avantage le terrain que leur homologues cégétistes ou autres. Faut-il comprendre que même “sudiste” un manifestant demeure pour le moment un manifestant et rien de plus ? C’est un fait, où alors comment expliquer que sur la dizaine de milliers d’adhérents de Solidaire-Nord-pas-de-Calais, une fois encore, seule une minorité ait franchi le pas. Par ailleurs, dans leur grande majorité, là où elles sont structurées, les sections de la gauche syndicale n’échappent pas à l’influence du jeu traditionnel ni à celui des vassalités en cascade. Une réalité qui même lorsque l’on sort du strict champ de sa boîte continue de peser et d’influer sur la manière d’aborder la construction d’un mouvement.

 

*** CGT : Les vraies raisons d’un faux durcissement. in Les Echos. 17/01/11.

 

cap-cure-3.-.jpg

 

——————————————————–

 

Encadré : Au fil du syndicalisme rassemblé.

 

Dans les années 80, la gauche est au pouvoir et les syndicats abdiquent toute volonté de lutte devant les restructurations industrielles et la baisse des salaires. Des travailleurs vont alors s’organiser en dehors du contrôle des centrales. Des comités de grève locaux font leur apparition et se coordonnent au niveau national essentiellement dans la santé, l’enseignement et les chemins de fer*. A l’initiative de syndiqués de la base et de non syndiqués leur apparition traduit la nécessité de se départir de l’emprise des confédérations complices de la politique de l’Etat. Parfois affectées de tendances corporatistes, les coordinations n’en marquèrent pas moins une volonté de reprendre le chemin de la lutte et de gagner au fil de celle-ci en autonomie et en démocratie.

En 1995, ce souvenir est encore vif à la mémoire des bureaucrates, d’autant qu’une gauche syndicale en partie issue des restes des coordinations commence à émerger. Afin de prévenir toute concurrence mais surtout de nouveaux débordements, les directions offrent à la base un cadre plus souple à l’intérieur même du syndicat. Cette parade coïncide dans les années 90 avec le recentrage de la CGT que certains analysent comme une volonté d’ouverture après l’effondrement du bloc de l’Est**. Un assouplissement qui permet surtout de neutraliser en la récupérant la volonté qu’exprime la base d’une unité sur le terrain. Cette stratégie se révélera payante et s’incarnera dans l’intersyndicale au sommet qui naît en 2006, durant la lutte contre le CPE. C’est peut être le dépassement encore balbutiant de ce cadre mortel pour la lutte de classe que l’on a parfois eu le sentiment de toucher du doigt durant les journées d’octobre/novembre.

 

* Courant alternatif. N° 63. février 1987. Dossier SNCF/ N°64. Mars 1987. SNCF : Bilan d’une grève

** Le références à l’abolition du salariat et à la socialisation des moyens de production ont été supprimés des textes statutaires de la CGT depuis son congrès de 1995.

 

———————————————–

 

Encadré : Octobre/novembre à Boulogne-sur-mer.

 

Boulogne sur mer, premier site européen de transformation des ressources halieutiques est une ville portuaire ou subsiste encore une identité ouvrière. Les actions de blocage ne vont donc pas forcément revêtir ici le caractère de nouveauté qui pour certains distinguerait “ce mouvement”. L’ action directe a toujours été une des armes de la lutte sur le port, au moins lors des mouvements de marins-pêcheurs : blocage de la zone, interception de camions sur l’ autoroute, intervention dans les centre de grande distribution pour enlever ou détruire la marchandise…

 

Toutes choses qui dans le cadre de cette mobilisation ne furent que simulées…Le cadre intersyndicale ne s’est imposé ici qu’après une habile reprise en main par l’UL CGT. A deux reprises, et en marge de l’intersyndicale, une assemblée ouverte composée de travailleurs des secteurs privés et publics se réunit à la bourse du travail. Au sein de cet espace s’exprima la critique de la stratégie des journées sans lendemain. On y partagea la nécessité mais aussi l’envie d’un véritable rapport de force inscrit sur le terrain économique. La question de la reconduction et de l’élargissement de la grève fut également évoqué lors des échanges. D’emblée, le blocage s’imposa comme la forme d’action à mettre en oeuvre avec un double objectif : porter un coup au patronat local et appeler les travailleurs d’abord occupés à manifester à venir nous rejoindre. Ce ne fut pas totalement un échec. D’abord parce que la tentative de blocage de la zone portuaire où se concentrent les entreprises de transformation de produits de la mer eut lieu. Elle se répétera d’ailleurs avec plus de succès quelques semaines plus tard. Mais il était clair que l’appareil cgtiste jusque là absent du terrain s’empressa de cisailler toute nouvelle tentative en recourant aux bonnes vieilles techniques d’encadrement et de manipulation.

 

———————————————–

 

Encadré : Raffineries : le grand coup de bluff syndical.

 

Durant le mois d’octobre, nous avons ventilé auprès des réseaux militants qui nous sont proches un article paru dans l’hebdomadaire “Le Marin” en date du 29 octobre 2010. Intitulé : “Pétrole : les importations qui ont contournées les raffineries.”, il livrait des informations importantes qui, à notre connaissance, ne seront divulguées nulle part ailleurs dans la presse à cette période.

 

En effet, si nous n’ignorions pas que : “malgrédouze raffineries à l’arrêt durant une dizaine de jours et les deux principaux terminaux d’importations de brut (Fos-Lavera et la Cim au Havre) toujours bloqués, le carburant continue de couler dans une majorité de pompes à travers le pays. Notamment dans les stations marseillaises, aux portes du plus grand complexe de raffinage français.” et bien sur que : “80 pétroliers sont en rade à Marseille-Fos et 16 au Havre.”qui savait que: “d’autres ont pris le chemin de nombreux dépôts côtiers « De Dunkerque à Bordeaux en passant par Rouen, Port-la-Nouvelle et Sète-Frontignan, les dépôts permettent à la France d’être approvisionnée depuis la zoner RA (Anvers — Rotterdam—Amsterdam), l’Europe du Sud et la Russie » explique Yves Le Goff de l’Union française des industries pétrolières. Mais encore que : “ A Bordeaux, les docks de pétrole d’Ambés, le deuxième dépôt de produits pétroliers raffinés en France (hors raffi­neries après Fos reçoivent ainsi depuis quelques semaines 100% de produits pétroliers importés …

 

Nous laisseront les camarades qui publient le bulletin “Dans le monde une classe en lutte”* conclure sur cet épisode en reprenant les commentaires qu’ils ont adjoints à la reproduction in extenso de l’article en question :

 

1/ :Ce réseau d’approvisionne­ment empruntait des ports et dépôts pétroliers dont personne n’a parlé au cours du mouvement, surtout pas notamment la CGT qui regroupe l’ensemble des travailleurs des ports et docks, aurait pu faire l’objet d’actions concertées de la part de tous ceux qui dans toute la France expri­maient ,notamment dans la participation aux manifestations leur détermination. Il n’en a rien été : black out d’un côté, ignorance de l’autre ?

2/ Il ne suffit pas de lancer des slogans du style « bloquons l’économie » et d ’amorcer des blocages sporadiques et plus symboliques qu’effectifs si l’on manifeste tant de naïveté et d’inexpérience tant dans la connaissance des structures du système, de ses possibilités de réponses pas seulement répressives mais surtout économiques et du rôle de nuisance que les syndicats peuvent jouer eu égard à tout mouvement tendant à échapper à leur contrôle légal et effectif des relations de travail.

*Reproduction complète de l’article en question sur le site : http://mondialisme.org/spip.php?article1601

Publié dans Mouvement contre la réforme des retraites de 2010 | Commentaires fermés sur Quelques considérations en regard des journées d’octobre/novembre 2010.

EVS = NO FUTURE!

EVS = NO FUTURE!

 

     Depuis plusieurs années, avec la création des premiers contrats précaires et l’apparition des aides éducateurs, le besoin de personnels supplémentaires pour l’aide administrative, la vie scolaire, puis l’accompagnement des élèves en situation de handicap est réel. Malgré ça, en 2011, le bilan est bien lamentable …

     Après toutes ces années de bons et loyaux services, il n’existe toujours aucune perspective de pérennisation : cet emploi, aux yeux de l’état, ne mérite toujours pas de reconnaissance statutaire.

Difficile de savoir ce qui se passe dans l’enseignement depuis quelques années … une méthode est pourtant connue, l’accumulation des réformes pour les oublier au plus vite, et faire rentrer pleinement le service public dans une logique de rentabilité.

 

educ-lutte-copie-1.jpg

L’école fabrique de l’inégalité, à commencer par le réseau EVS-AVS-assistant d’éducation, ATSEM… Nous ne parlerons, ici, que du cas EVS (employé(e) de vie scolaire) car les situations et conditions de chacun sont tellement différentes et scandaleuses qu’il faudrait un bouquin pour toutes les (d)énoncer. Par contre, les principes d’injustice et d’exploitation se rejoignent littéralement, peu importe le poste.

 

Rappelons que les EVS, sont recruté(e)s à très bas salaire, sous des contrats précaires différents et, pour la plupart, sans une formation autre que symbolique.

 

Il existe 2 profils d’EVS :

  • l’assistance administrative aux directeurs d’école
  • l’aide à la scolarisation des élèves « handicapés » (nommés ainsi par le système, mais beaucoup d’élèves ayant cette appellation ont plutôt un profil d’enfant en situation d’échec face à un environnement social fragilisé)

 

Ni les directeurs et enseignants, qui auraient plus de difficultés à devoir fonctionner sans eux, ni les parents d’élèves, qui y voient une amélioration certaine pour les enfants, ne mettent en doute, aujourd’hui, l’intérêt de ce métier d’employé de vie scolaire.

 

Dès 2006, le poste d’EVS fût implanté dans les écoles. Les personnes signaient un contrat d’un an renouvelable, un CAE (contrat d’accompagnement à l’emploi) de 20h semaine, pouvant aller jusqu’à 2 ans, ayant pour but de faciliter l’insertion professionnelle des personnes sans emploi, ou un CA (signifiant ironiquement « contrat d’avenir ») de 26h semaine pouvant aller jusqu’à 3 ans. Payés au smic horaire avec si peu d’heures effectuées, autant dire que la rémunération mensuelle ne payait et ne paie toujours pas de mine. Par contre, les employeurs sont exonérés de cotisations sociales et les subventions qu’ils reçoivent pour ces contrats, elles, sont plus qu’intéressantes … En CAE, la subvention varie de 75 à 90% du salaire. En CA, l’employeur reçoit une aide forfaitaire qui correspond au montant de l’allocation que touchait le bénéficiaire des minima sociaux engagé.

Dans tous les cas, ces contrats précaires ne servent qu’à appauvrir des personnes qui les subissent, mais participent aussi à l’anéantissement du service public d’éducation.

 

Premier état des lieux, ce genre de contrat annoncait déjà un barrage à une proposition d’emploi stable et durable, puisque les objectifs en faveur de l’employé, fixés par l’état, ne reflétaient en rien la réalité. Les salariés sont exploités, financièrement et psychologiquement, et ne bénéficiant pas de la sécurité de l’emploi, ils sont souvent contraints à encaisser sans broncher sous peine d’être renvoyés cyniquement à leur situation précédente.

 

Premier scandale, les horaires …

 

 

La personne employée en CAE était, dès la rentrée, soumise à effectuer des heures supplémentaires non payées, avec pour excuse le rattrapage des vacances scolaires. Cette pratique fût assez rapidement contestée par quelques evs et par certains enseignants et directeurs. En effet, après vérification, les syndicats se sont prononcés sur le fait que, n’existant pas de convention ou d’accord d’établissement conclu selon le droit commun (art. L212-8 du Code du Travail), la pratique qui consiste à faire effectuer des heures complémentaires non rémunérées pour récupérer les vacances scolaires est illégale . Les vacances scolaires sont des congés de faits.

Bref! Une belle arnaque qui aurait du, à grande l’échelle, entraîner l’éducation nationale devant les Prud’hommes, comme l’aurait été une entreprise privée ayant commis les mêmes pratiques.

 

Désormais, ils prennent soin, lors de la signature du contrat, de présenter un document officiel stipulant que le salarié donne son approbation pour effectuer des heures supplémentaires gratuites dans le cadre de son contrat. Quelles belles et consciencieuses méthodes!

 

 

Autre scandale, l’absence de formation

 

Les EVS arrivent sur le terrain sans formation. Pour travailler avec des enfants, tout salarié a le droit d’être formé préalablement (comme dans tous les métiers). Dans la mesure où l’on ne demande pas, lors d’un entretien d’embauche, à un(e) evs d’avoir les compétences et l’expérience requises pour l’aide à la scolarisation d’un élève en situation de handicap, une formation préalable aurait automatiquement du être proposée. Le contraire frôle l’aberration, et c’est effectivement le cas… L’evs doit, dès son arrivée, fournir une quantité d’efforts d’adaptation, et doit également employer certaines capacités qu’il ne maîtrise pas forcèment. Et tout ceci, biensûr, durant sa période d’essai.

 

Pendant la durée du contrat, les personnes embauchées en CAE (avant le dispositif CUI) se faisaient des illusions, la formation n’étant pas obligatoire dans ce type de contrat, il suffisait de les inciter à cocher la case « non » dans la rubrique formation de la convention. Pour les CA, la formation était obligatoire, elle était même l’enjeu prophétisé par le ministre de l’éducation nationale, mais on leur suggérait simplement de cocher la case « formation interne, adaptation au poste de travail » sur le contrat, et le tour était joué!

 

Soulignons que certains evs ont eu le courage de déposer un dossier aux Prud’hommes et ont obtenu gain de cause pour le motif : défaut de formation.

 

 

Renouvellement, de qui se moque t-on?

 

Le ministère de l’éducation est un inconditionnel de la précarité, puisqu’un nouveau contrat précaire vient toujours chasser le précédent. On renvoie donc les EVS à la case départ, la case « chômage »… Un contrat de travail dont la durée va de 6 mois à 3 ans. Il n’y a aucune possibilité de le prolonger, donc d’insérer professionnellement le salarié arrivé en fin de « mission ». Le fait d’utiliser des personnes, souvent fragilisées par le système, pour pallier au manque d’adultes dans les écoles et combler le déficit d’éducation, sont des pratiques qui portent ce nom : l’exploitation. Après plusieurs mois ou années de boulot, la porte comme remerciement !

 

Il est grand temps de se rendre compte que ces méthodes engendrent des situations assez détestables. Les personnes, qui attendent un renouvellement de contrat sont complètement isolées. Il arrive souvent que l’EVS se voit refuser ou accepter un renouvellement de contrat le dernier jour de celui-ci, ou au delà. Ceci est, en grande partie, dû au fait que le cheminement des conventions est assez abracadabrant, ces conventions doivent être signées à la fois par, le Pôle emploi, le référent du lycée mutualisateur, le Conseil général et l’employé, sachant que les dossiers ne sont biensûr pas traités le jour même, l’attente devient alors incommensurable.

 

Tous les ministres de l’éducation ont créé un nouveau contrat précaire.
La spirale de la précarité accouche d’une multitude de sigles qui nous perdent et nous divisent. Soyons sûrs que le prochain ministre saura trouver un nouveau contrat précaire à sa sauce avec un nouveau sigle.
De gauche comme de droite c’est la précarité qu’ils nous imposent.

 

Il faut se battre pour exiger que le seul recrutement possible soit celui de personnels à statut. Un vrai salaire avec les mêmes droits pour tous!

 

L’Etat licencie donc massivement, et en même temps Sarkozy annonce, à grands renforcements médiatiques, la création de nouveaux emplois aidés, pour, soit dit en passant, « faire face à la crise ». Mais que deviennent alors les collègues arrivés en fin de contrat? Ils se foutent de qui? De ces emplois, l’enseignement en a réellement besoin. Pourquoi, donc, sont-ils précaires? Les missions des EVS dans les écoles sont de vraies missions, elles correspondent à de vrais besoins! Et qu’advient-il des élèves de toute cette mise en scène? L’enfant qui, bien souvent, trouve un équilibre avec cette personne spécialement présente pour l’aider à avancer, cet enfant devient tout autant victime des agissements du gouvernement.

 

Il faut envisager de porter la lutte EVS-AVS sur le plan du respect du code du travail et non la laisser contraindre dans le champ clos de l’éducation nationale, car les personnes en situation de précarité auront à se battre en tant que travailleurs en fin de contrat et non comme enseignants, ni même comme salariés de la fonction publique… Pouvons-nous penser qu’il s’agirait d’un vaste projet de privatisation de l’éducation nationale par l’introduction progressive de personnels de droit privé au sein du service public? Les premiers à payer les frais de cette liquidation sont les EVS -AVS. Ils représentent les futurs contractuels de droit privé de l’enseignement, placés sous l’autorité de fonctionnaires petits patrons…

 

N’oublions pas que plusieurs cas de jugements aux Prud’hommes ont permis d’éclaircir certains points et mettre le ministère dans une position, pas des plus confortables. Mais ces informations, hèlas, n’ont pas été, ou très peu, relatées par les médias. Les principaux motifs invoqués étaient, l’absence de formation, défaut d’accompagnement à la VAE, paiement des congés payés et des heures complémentaires, rupture abusive de contrat de travail, remboursement des tickets de transport etc …

 

Revendiquer ses droits est légitime. Lutter, s’organiser, entamer des actions, créer des collectifs, sont des combats qui ne doivent pas effrayer le salarié, victime des pratiques douteuses du gouvernement. Les conditions de travail, la distance et le manque de communication entre les écoles, peuvent s’avérer néfastes, et ont tendance à nous isoler et nous diviser. Mais quand l’union devient possible, la lutte la devient également.

Contrairement à ce que prétend le dicton, à force de bouffer de la merde, on ne finit pas par aimer ça! En tout cas on peut finir par avoir envie de la recracher sur les autres, sur ceux qui nous exploitent et nous méprisent!

Publié dans Education | Commentaires fermés sur EVS = NO FUTURE!

Quand Facebook est utilisé contre les lycéens… et les collégiens

Quand Facebook est utilisé contre les lycéens… et les collégiens

 

facebook-big-brother.jpg
 

Quand Facebook est utilisé contre les lycéens titrait Libération le 19/11/2010. Cette chronique relatait le fait que dix élèves du Lycée Galilée de Combs la Ville ont été exclus les 8 et 9 Novembre 2010 de leur établissement au motif qu’ils avaient tenu sur Facebook des propos incendiaires et appelé à bloquer le lycée.

A Outreau, ce sont les collègiens d’Albert Camus, au moins quatre à notre connaissance, qui ont fait l’apprentissage de la lutte sociale vue par l’institution scolaire : Ils sont passés en conseil de discipline et ont été exclus quatre jours pour avoir appelé à bloquer le collège et tenté de mettre en oeuvre leur appel : Colle dans les serrures = dégradations du collège ! Rappelons qu’en brûlant force pneus et palettes sur la voie publique nous leur donnions l’exemple.

 

La justice scolaire est à la justice sociale ce que la musique militaire est à la musique !

Publié dans Education | Commentaires fermés sur Quand Facebook est utilisé contre les lycéens… et les collégiens

Grève au collège Jean Moulin du Portel

Grève au collège Jean Moulin du Portel

 

   Au collège Jean Moulin du Portel, les personnels n’ont pas attendu la sempiternelle grève carrée des grosses orgas syndicales du jeudi 10 février pour se lancer dans un mouvement de grève reconductible contre les suppressions de poste dans leur établissement.

 

Dès le lundi 7 février au soir le chef d’établissement dans une grande messe nous a abreuvé de chiffres et de statistiques pensant nous faire avaler les suppressions de postes (2,5) alors que le nombre d’élèves de ce collège en éducation prioritaire resterait le même. Le lendemain matin l’ensemble des professeurs s’est réuni en Assemblée Générale et nous avons décidé à l’unanimité de nous mettre en grève reconductible de suite.

Ce collège n’avait pas connu un tel mouvement depuis longtemps. Surtout, il a été totalement autogéré, tout fut fait par l’AG : les revendications, les communiqués à la presse, la mise en place d’une caisse de solidarité, les rencontres avec la hiérarchie… Très tôt les parents d’élèves ont soutenu et rejoint ce mouvement, venant chaque matin devant le collège avec les enseignants grévistes. Lors de la journée nationale de grève du 10 février, agents et surveillants ont eux aussi rejoint le mouvement.

 

Ce mouvement s’est fait sans l’intervention des grosses organisations syndicales dirigistes et récupératrices, il s’agissait donc d’une lutte des salariés sans contrainte de stratégie syndicale, sans contrainte de calendrier. Pour la première fois depuis longtemps la politique des journées d’actions perlées a été remise en cause par cette AG qui a donc tenu près de deux semaines de grève.

 

lutte-de-classe.jpg

 

La hiérarchie s’est montrée répressive face à ce mouvement qu’elle n’attendait pas ou plus de la part d’enseignants et surtout faute d’autres réponses. Le chef d’établissement a parfaitement rempli son rôle de représentant du rectorat en nous accusant, les enseignants, d’être les responsables de l’agitation des élèves durant cette grève, accusant la grève de ralentir les négociations qu’il menait avec l’inspection académique alors qu’il n’est qu’une courroie de distribution, convoquant enseignants et parents d’élèves qui avaient osé s’exprimer dans la presse… L’inspection académique qui a reçu les mandatés de l’AG en audience après une semaine de grève pour ne rien donner accusant la crise économique mondiale d’être responsable de notre situation et des suppressions de postes ! Cascade de chiffres et mépris de l’humain, des élèves et des personnels peut résumer cette audience de près de deux heures.

Au final, si sur les revendications nous n’avons rien obtenu nous ne sommes pas totalement abattus. La fin de la grève à la veille des vacances fut difficile mais tous ensemble nous avons construit dans ce collège un outil de résistance contre les dérives autoritaires de notre hiérarchie. Nous avons tous retrou-vé la volonté de nous battre contre toutes les réformes de casse du service public. Une lutte contre les grandes réformes médiatiques mais aussi tous les moyens insidieux de nous faire rentrer dans le rang : conseil pédagogique, entretien individuel avec le chef pour la notation, multiplication des taches du professeur principal, heures supplémentaires…

 

Maintenant notre lutte autogérée nous a uni et encouragé à continuer mais nous ne pouvons rester seuls. Dès ses premiers tracts l’AG du collège a appelé les autres établissements scolaires du Boulonnais à la rejoindre car nous subissons tous la même politique réactionnaire. Nous avions bien conscience que seuls nous n’allions pas gagner, un mouvement d’ampleur sur le Boulonnais aurait été plus efficace mais ce n’est qu’un début. Cette grève doit servir pour montrer à tous les établissements scolaires qu’ils ne doivent pas se laisser faire, la lutte finira par payer car nous avons raison et ils ont tort.

 

 

Un travailleur en lutte du collège du Portel

Publié dans Education | Commentaires fermés sur Grève au collège Jean Moulin du Portel

Un réseau : la rue !

Un réseau : la rue !

 

     La question du nucléaire, les catastrophes naturelles, le « printemps des peuples arabes », et les affaires politiques, financières, sanitaires… qui se téléscopent aujourd’hui dans les médias sont traités par ceux-ci, avec le ton qu’il faut, comme des sujets qui s’ensuivent « sans transition ».

Ces derniers nous ont pourtant habitués au clou qui chasse l’autre, au drame qui éjecte la tragédie, à l’émotion qui remplace le sensationnel. C’est l’aubaine permanente qui permet aux « décideurs », au pouvoir comme dans l’opposition politicienne, de se faire oublier ou de se mettre en avant selon la nature et l’éloignement ou la proximité, réels ou supposés, de l’évènement. Le tout orchestré au quotidien autour de faits divers qui, faute de questions de fond, alimentent une frénésie de législation-paravent, de lois en trompe-l’oeil qui s’avèrent la plupart du temps démagogiques et, fort heureusement, inapplicables. Le schéma s’applique tout autant aux ukases d’ordre international.

Ce brassage confus trouvera ses limites dès lors qu’on le prendra pour ce qu’il est : une succession de manipulations plus ou moins opportunes aux desseins sociaux, économiques et politiques de la classe aux affaires.

 

rue-baguette.png

 

Dans les rayons du savoir-faire français, un article de choix : le nucléaire. Là encore, la balle dans le pied qui se prend dans le tapis est devenu un classique. Outre le fait qu’on ne sait pas quoi faire des déchets, que des trains les transbahutent vers l’usine de retraitement, que des camions les déversent dans quelque commune à la Municipalité nécessiteuse et peu regardante, ou que des bâteaux les bazardent au Sud, l’opacité sur les risques de destruction massive est un dogme.(3) Le combat contre le nucléaire restant au second plan du citoyen lamda dès lors qu’il y est directement confronté, les militants ne sont souvent perçus que comme des idéologues alarmistes, leurs actions (blocage de trains, araisonnement de navire…) sont présentées comme des entraves à la raison technologique. Et de passer sous sillence la collusion du nucléaire civil/militaire, tarte à la crême bien emballée.

 

La crême en l’occurence est appelée MOX. C’est un combustible dont la radiotoxicité est de 5 à 7 fois supérieure à celle du combustible à base d’uranium enrichi. Par comparaison grossière, le MOX est au plutonium issu des combustibles usés ce que le crack est aux déchets de raffinage de la cocaïne. Sur fond de guerre froide les USA et l’URSS avaient accumulé un armement nucléaire considérable : de quoi faire péter plusieurs planètes. Aussi, la paix (en)gagée avec le retour de la Russie dans le giron de l’économie de marché, les deux puissances ont parié sur le MOX pour éliminer les surplus militaires de plutonium dans le cadre de la politique internationale de désarmement nucléaire -sans compter le marché noir des vieilles ogives soviétiques-… Or, il s’avère que le développement du commerce international du combustible MOX et du retraitement associé pourrait accroître (plutôt que réduire) le risque de prolifération nucléaire. EDF, pour sa part, utilise depuis les années 1990 le mélange MOX pour 20 de ses réacteurs répartis sur six centrales (dont quatre pour celle de Gravelines)(4)

C’est là que le génie d’AREVA s’exprime : les centrales nucléaires mises sur le marché sont les plus sûres au monde. La preuve ? La France est prête -et ce n’est pas nouveau- à équiper la planète entière (et donc n’importe quel régime dément et à commencer par elle-même) de ses EPR, failles telluriques comprises !

Le doute s’est pourtant installé : le nucléaire, est-ce bien raisonnable ? L’Etat nippon va quand même réviser l’ensemble de son parc nucléaire, tandis que sa machine folle dégage des quantités de radioactivité fatales de plusieurs milliers de fois les doses « admissibles » ou « autorisées » (par qui ?). Merkel perd le Bade-Wurtemberg au profit des Grünen. Quant à Sarkozy, Il astique sa carte de VRP. C’est sa façon de compatir avec la population qui grésille au Japon, de plus en plus loin de Fukushima. Et à mesure que la « masse d’air » irradié enveloppe la planète, sans dommage exotique, s’entend : on balise, R.A.S….

 

Le feu vert nucléaire ne risque pas d’être étouffé sous l’oreiller des politicards : la gauche ne peut guère faire montre d’opposition radicale en la matière (fissible); Aubry suggère une option de reniement du « tout nucléaire » (donc toujours un peu, beaucoup, à la folie ?) d’ici 30 ou 40 ans ! Les Verts demandent un référendum, la « sortie du nuc’ s’opérant sur 20 ou 30 ans. La classe politique a ainsi en France le meilleur moyen d’empêcher la fermeture immédiate et définitive des centrales. L’artifice est classique quand il s’agit de décider de notre avenir. Les députés sont unanimes sur la question.

 

Issue de secours

La sortie immédiate du nucléaire leur pose un problème plus politique qu’environnemental ou sanitaire : c’est au capital que doit revenir le bénéfice de toute alternative. Brevets et contrats sont une affaire de marché. Or, pour autant que ce soit urgent, les possibilités de substitution ne sont pas encore vérouillées en terme de profit – les motivations sont identiques à celles qui prévalent pour les sources d’énergie fossiles-. Reste comme appui l’argument crucial, l’idéologie fumeuse partagée, de l’indépendance énergétique de la France. Faut-il rappeler que « les mines d’uranium françaises sont aujourd’hui fermées, mais la contamination demeure. Les sites restent généralement accessibles au public, le danger n’est pas toujours correctement signalé. Les rejets de ces mines (qu’on appelle les « stériles ») sont restés sur place. L’eau de pluie qui les traverse se charge de radioactivité, que l’on retrouve dans l’eau de boisson des habitants et du bétail. »(5) Laissant aller à vau-l’eau ses propres gisements délabrés, la France va donc chercher son uranium en Afrique et surtout au Niger. La Patrie serait donc dépendante du Niger ? Bien-sûr que non, puisque la COGEMA est propriétaire des mines ! La garantie de notre indépendance énergétique, c’est le colonialisme ! Et si d’aventure, les Nigériens décidaient que leur sous-sol pourrait peut-être bien leur appartenir, et si les mineurs se mettaient en grève, et si…

 

nique_le_nucleaire-c1ce7.jpg

 

Petit commerce entre amis

Ainsi l’émoi suscité lors des soulèvements des populations en Tunisie puis en Egypte contre leurs despotes respectifs interroge-t-il sur la nature des réactions de l’Etat et des entreprises français quant à la « pesée », particulièrement ardue, des intérêts en jeu et de la position à adopter. Soutenir les régimes dictatoriaux est resté la règle jusqu’à ce que « tout » s’avère perdu, frasques de copinage comprises. Il a donc fallu gloser sur les tergiversations, invoquant tantôt le « risque islamiste », cherchant tantôt le virage sur l’aile du clan au pouvoir vers la « démocratisation ».

D’une part les intégristes en question sont de fait absents de toute initiative de l’insurection, et d’autre part les conjonctions économico-politiques devaient être assurées quelle que soit l’issue du conflit. La soudaineté des évènements, pas même envisagés par les membres de l’ambassade, ni par la barbouzerie, a aussi joué dans le choix épineux du « bon camp ». On comprend mieux la session de rattrapage en Libye avec l’option va-t-en-guerre, exutoire de tapis rouge et de contrats juteux. Le margoulin Kadhafi n’ayant finalement pas acheté nos Rafale, on les lui envoie contre les armes qu’on lui a vendues hier.(1)

Le Libyen -s’en souvient-on ?- avait été privé de la foire-expo du 14 juillet 2008 à la tribune offcielle place de la Concorde, pour avoir manifesté ostensiblement son opposition au projet d’Union pour la Méditerranée cher à Sarkozy et aux grands patrons français. Le Tunisien Ben Ali, l’Egyptien Moubarak et le très controversé(2) Syrien El-Assad étaient eux alors des amis, invités au défilé.

Pour l’heure la voix de la France toussote un appel à « l’arrêt des violences » en Syrie, ne moufte pas sur le Yemen, Bahrein, le Qatar…

Trois choses sont certaines : d’abord, Sarkozy a besoin d’avoir « sa » guerre, ne fût-ce que pour endosser un costard international et hexagonal autre que celui qu’il s’est taillé dans l’exubérance et le comique de répétition. Ensuite la reprise en main de l’OTAN renoue à l’évidence avec la politique colonialiste de la canonnière que masque mal une prétendue « arabisation » du conflit, avec les interventions en armes et argent de l’Arabie saoudite et de l’un ou l’autre Emir chez un voisin en crise. Enfin, il urge pour l’Occident de faire émerger de la masse hétéroclite des insurgés les poulains compréhensifs pour un « avenir commun », comprendre : « à l’ancienne » et en pérennisant les projets entérinés par les désormais honnis prédécesseurs. L’ingérence humanitaire est l’alibi (sans jeu de mots) idéal d’un impérialisme sans cesse en quête de respectabilité. Les peuples à soumettre devenant secourables dès lors qu’ils refusent d’être soumis et qu’ils ont une chance, ou a fortiori la certitude, de renverser le pouvoir en place. Et de déployer rotomontades, armes et bagages à leur intention pourvu que lesdits insurgés sachent que ça n’est pas gratuit, que la démocratie à un coût, dont il faudra s’acquitter auprès des maîtres-exportateurs d’icelle.

L’intervention est un investissement, qu’il s’agisse de guerre, de cataclysme ou de marasme économique. Le FMI et la banque mondiale ne sont jamais loin derrière les armées de militaires, de techniciens ou de secouristes.

 

Un fond social

Car il faut qu’on se le dise, ce sont davantage les luttes des travailleurs sur le terrain qui sont le ferment des bouleversements tels que ceux qui traversent le monde arabe. En 2010, pour ne remonter qu’à un passé récent, au Yemen, une grève générale est menée en début d’année par le mouvement sudiste (autonomiste) en signe de refus d’être amalgamé à Al-Qaïda. En Algérie, les cheminots paralysent le pays en mai, en décembre, la police fait face à un mouvement étudiant. En Tunisie, les travailleurs de l’entreprise Teleperformance se mobilisent sur des questions salariales. En octobre 2010 toujours, les fonctionnaires marocains sont en grève. En Egypte, 800 travailleurs du pétrole (tiens !) débrayent et menacent de s’installer devant le Parlement (tiens,tiens !)… (6)

On a beau nous le seriner, il n’y pas de « Révolution Facebook ». Médias et Capital ne vendent que l’écume d’une vague de fond qui surgit du désir, du besoin de l’émancipation du prolétariat. Il leur faut absolument évacuer cet aspect primordial, essentiel, des rassemblements de travailleurs dans la rue. Aucune puissance capitaliste ne pourra faire croire qu’elle adhère, de par son antagonisme définitif, historique, aux peuples qu’elle les soutient politiquement, économiquement, financièrement et militairement. Des masses de Libyens se précipitent à la frontière tunisienne et des Tunisiens s’exilent vers l’Italie… Rejet. Systématique. Que les insurections tournent court, que les réprimés se connectent aux « réseaux sociaux » de l’internet, qu’ils contactent leurs amis afghans, irakiens, kurdes, éthiopiens, érithréens, soudanais, maliens… ils apprendront vite comment ils seront reçus en Europe.

S’il est un réseau objectif sur lequel il faut s’appuyer, ailleurs et ici, ensemble : c’est la rue. Que son expression soit internationale et s’inscrive dans la seule réalité qui vaille ici : la lutte des classes.

 

presse-ne-pas-avaler.png

 

 

Notes :

(1)L’AQMI s’est borné a annoncer son soutien aux révolutions tunisienne et égyptienne mais envisage d’armer les rebelles anti-Kadhafi (Voir le « Canard enchaîné du 30 mars). Curieux paradoxe que des détenteurs d’otages occidentaux se retrouvent dans le même camp que ceux-ci contre un éxécuteur en chef qui appelait de ses voeux que l’Islam devienne « la religion de toute l’Europe », lors de sa visite à Berlusconi (Libé en ligne du 30 août 2010).

(2)Y-compris dans le monde arabe ; la suspicion étant générale quant à son implication dans l’assassinat de l’ex Premier ministre libannais Rafic Hariri.

(3)Le tabou définitif sur la question du nucléaire a été un postulat du « Grenelle de l’environnement ». Les rapports sont bidonnés et le mensonge érigé en système.

(4)Source : Wikipédia

(5)Source : site Sortir du nucléaire

(6)Lire régulièrement la publication gratuite d’Echanges et mouvement : Dans le monde une classe en lutte, dont un tirage est joint en encart dans le présent numéro de La Mouette enragée..

Publié dans Edito | Commentaires fermés sur Un réseau : la rue !

Pays-Basque : des pêcheurs à la recherche d’une autre logique

Pays-Basque : des pêcheurs à la recherche d’une autre logique

 

Les pêcheurs regroupés au sein de la coopérative maritime Logicoop pratiquent depuis 2009 la vente directe de leur pêche sur le quai du port de Saint-Jean-de-Luz. Cette démarche permet à une dizaine d’équipages de vivre de leur activité mais ce n’est pas du goût de tout le monde et notamment de la Chambre de Commerce et d’Industrie qui souhaite voir la coopérative cesser son activité. La coopérative qui aide à la permanence d’une pêche artisanale sur la côte basque a depuis établi des liens avec des groupes de consommateurs de l’intérieur du Pays Basque pour des livraisons de colis de poissons dans les bourgs éloignés de la côte. 

 

port-de-saint-jean-de-luz.jpg

 

    “Le principe, directement inspiré de ce qui se pratique dans l’agriculture avec les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), a d’abord une visée économique mais a également pour but de valoriser des espèces de poissons moins demandées à la criée ou en poissonnerie, mais ayant des qualités gustatives comparables aux poissons dits nobles : maquereau, sardine, chinchard, mais aussi dorade …”

 

Pour plus d’informations, voir : regard sur la pêche et l’aquaculture. http://aquaculture-aquablog.blogspot.com/2010/03/logicoop-persiste-et-signe-dans-la.html

 

ou http://www.logicoop-ciboure.com/
Logicoop, B.P. 315   64500 Ciboure

logicoop@wanadoo.fr

 

Boulogne-sur-mer. Avril 2011.

 
 
Publié dans Dossier Pêche | Commentaires fermés sur Pays-Basque : des pêcheurs à la recherche d’une autre logique

Projection-débat « Au pays d’Usinor »

Projection-débat « Au pays d’Usinor »

 

Image SLT-Usinor.

 

Quelles formes et quels contenus pour la lutte de classe aujourd’hui ?

 Régulièrement, universitaires, journalistes et autres “spécialistes” se donnent le petit doigt afin de nous persuader que dans nos sociétés démocratiques et libérales, la lutte entre les classes n’a plus cours. Selon eux, quelques formes de conflictualité perdurent ça et là mais tout au plus de manière résiduelle, comme les derniers soubresauts d’un archaïsme que la post-modernité achèvera de dissoudre.

D’ailleurs, pour qu’il y ait lutte, ne faut-il pas que deux acteurs s’affrontent ? Et nos experts d’achever leur démonstration en concluant à la disparition pure et simple de l’un des protagonistes et non du moindre : la classe ouvrière. Naturellement, nous savons qu’il n’en n’est rien puisqu’à l’heure actuelle six millions d’ouvriers hantent toujours le ports, les usines, les chantiers, les voies ferrées… Les restructurations industrielles ont certes modifié l’organisation du travail et la composition de la classe mais elles ont d’abord servi à imposer à l’ensemble des travailleurs de chaque secteur des conditions d’exploitation combinant : précarité, flexibilité et bas salaires. En fait de disparition des classes, on assiste à la prolétarisation rampante de l’ensemble du salariat. La vraie fausse classe moyenne, la préférée des faiseurs d’opinion en est aujourd’hui pour ses frais.

 

Nous, travailleurs, chômeurs, précaires, lycéens ou étudiants qui régulièrement nous retrouvons dans la lutte ne doutons pas de l’existence d’une communauté d’intérêts que nous opposons à celle des patrons et de l’Etat réunis. Mais la longue suite de reculs et de défaites que nous essuyons depuis plusieurs années nous invitent aujourd’hui à réfléchir sur les stratégies qui nous y ont conduit à plusieurs reprises. Nous savons que bientôt d’autres rendez-vous nous attendent et quela crise qui n’est en fait que le mode de régulation sociale qu’impose le capital dans la période aiguise les contradictions. Mais alors, quelle voie emprunter afin d’éviter les chausse-trappes d’un syndicalisme définitivement intégré à l’appareil d’Etat ou du mythe historiquement funeste pour les travailleurs d’un retour d’une majorité de gauche au pouvoir.

 

Nous n’avons pas de réponse définitive à apporter mais nous avons le fruit d’expériences partagées avec d’autres à soumettre à la discussion. Pour cela il nous a semblé intéressant d’introduire le débat par la projection d’un film qui retrace une expérience de lutte originale et régionale, celle des ouvriers d’Usinor-Dunkerque organisés au sein d’un syndicat qu’ils eux même crée dans ce but : le Syndicat de Lutte des Travailleurs d’Usinor Dunkerque.

Au pays d’Usinor.

Au Pays d’Usinor. Réalisateur, Richard Prost. 1983. 20 minutes.

Au pays d’Usinor raconte une partie de l’histoire du SLT, Syndicat de Lutte des Travailleurs, à l’usine sidérurgique d’Usinor Dunkerque. En 1983 un grave accident a lieu à la coulée continue, à l’aciérie. Pourtant le syndicat avait mis en garde la direction contre la modification des podiums où se trouvent les ouvriers pendant leur travail.

La plupart des militants provenaient de sections CFDT et furent exclus en 1979 pour cause de combativité excessive. Ils quittèrent plus tard la CGT n’arrivant toujours pas à faire entendre leurs voix.

Au moment de l’arrivée de la gauche au pouvoir, il n’est pas bon de s’opposer aux grandes centrales syndicales et de parler du SLT. Le film fut interdit de diffusion au Festival « Cinéma et monde ouvrier » à Saint Nazaire en 1985 et 1986.

Au Pays d’Usinor a été tourné grâce à l’Ecole Nationale Louis Lumière, puis il a été monté et terminé par la production aujourd’hui disparue Les Films des Millaudes. Il sort en salles en 1984 pendant trois semaines en avant programme du film d’Arthur Mac Caig « Euskadi Hors d’Etat ». 

Lieux et dates de la projection et du débat seront bientôt communiqués publiquement. En attendant, vous pouvez vous en informer à l’adresse électronique de la mouette : la mouette.enragee@wanadoo.fr mouette.enragee@wanadoo.fr

 

Extrait ici

Publié dans Dans vos agendas | Commentaires fermés sur Projection-débat « Au pays d’Usinor »

“L’école entre domination et émancipation” – Courant Alternatif, Hors-série n° 16

“L’école entre domination et émancipation” – Courant Alternatif, Hors-série n° 16

 

 

couv-CA.jpg

Cliquez pour une présentation de ce numéro spécial éducation

 

   L’histoire de l’éducation et de l’école, c’est une suite sans fin de tentatives pour faire passer les codes et les messages dont les nouvelles formes de pouvoir ont besoin, tout en faisant croire qu’ils ont une valeur universelle. L’éducation de masse fut mise en place à la fin du XIXe siècle pour contribuer à la paix sociale en évitant les conflits de classe et en « civilisant  » le peuple des villes, perçu comme un danger, et celui des campagnes, vu encore alors comme l’une des figures marquantes des Lumières, Voltaire, le considérait comme: « Des rustres vivant dans des cabanes avec leurs femelles et quelques animaux (…), parlant un jargon qu’on n’entend pas dans les villes.  »

    L’école s’est construite en niant les cultures populaires au nom de la citoyenneté et de la nation, et elle continue de le faire à travers toutes les réformes que le Capital réclame. Instrument de domination, donc, c’est certain !

    Le mouvement ouvrier est né à la même époque et, sans qu’il y ait la moindre filiation entre lui et l’institution scolaire, il a donné naissance à des courants qui ont œuvré à saper la domination pour promouvoir l’émancipation à travers de multiples expériences dans et en dehors de l’école de la République. Cela dure encore. Et comme les institutions à 100 % totalitaires n’existent pas plus que celles qui seraient à 100 % émancipatrices, on peut avoir la certitude qu’une certaine schizophrénie se perpétuera.

     Mais c’est précisément au cœur de cette ambiguïté que les questions de la transmission des connaissances et du savoir-être progresseront, avec la mise à l’écart de cette idée saugrenue (qui servit de conducteur aux idéologies dites progressistes) selon laquelle éduquer serait « éclairer le peuple par le haut ».

     Enterrons aussi définitivement l’idée qu’une élévation du niveau scolaire rendrait les êtres humains… plus humains. Combien d’intellectuels, de savants, de médecins furent les supports du nazisme, servirent avec zèle le régime de Staline ou celui de Mao et de tant d’autres dictatures ? Ni Dieu ni maître d’école, il n’est pas de sauveur suprême !

Pour toute Commande :

40 pages, 4 euros (port compris)

EGREGORE – BP 1213 – 51058 Reims cedex


Chèque à l’ordre de La Galère.

Publié dans Education | Commentaires fermés sur “L’école entre domination et émancipation” – Courant Alternatif, Hors-série n° 16

Évaluation des enseignants du premier degré : sanctions et clientélisme

Évaluation des enseignants du premier degré : sanctions et clientélisme

 

petit-chef

 

Les cadres de l’éducation nationale – le corps des inspecteurs – tentent de garantir sur le terrain l’application de réformes gouvernementales qui peinent à s’imposer. Après plusieurs décennies de prêche pédagogiste, la base sociale de la direction s’est depuis peu convertie aux nouvelles vérités libérales. Une mue apparemment indolore puisque négociée aux meilleures conditions entre le sien-UNSA et l’Etat. En passant peu ou prou sous le contrôle direct des recteurs d’académie, l’encadrement décuple le poids d’une hiérarchie qui recoure sans détour à l’arbitraire et à l’autoritarisme afin d’imposer des méthodes de gestion d’entreprise au sein du secteur.

 

Depuis mai 2009, une circulaire a redéfini les lignes à partir desquelles les enseignants du premier degré seront désormais évalués. La mission des inspecteurs de circonscription repose dorénavant sur deux priorités : “le pilotage pédagogique” et le “management du personnel”. Le pivot de cette nouvelle orientation, “le socle commun de compétences” se présente sous la forme d’une liste de quelques aptitudes dressée par la commission européenne et que les élèves se doivent d’acquérir avant de quitter le collège. Ce viatique promis à la grande majorité d’entre eux, leur permettra d’évoluer à la demande du patronat dans un environnement de travail essentiellement précaire, flexible et ne requérant qu’un minimum de savoir faire concret.

C’est donc autour de ce “socle commun” que se polarisent maintenant l’ensemble des activités scolaires et professionnelles de l’école élémentaire. Les programmes de 2008, les binaires évaluations nationales des classes de CE1 et de CM2 et maintenant l’évaluation du personnel enseignant, tout converge dans une seule et même direction. Ce formatage du travail des enseignants et de l’activité des élèves a naturellement entraîné de vives réactions. Les plus visibles furent celles rendues publiques par les “désobéisseurs” en dehors de toute dynamique syndicale officielle: refus à la carte ou en bloc des programmes, des heures de soutien individualisé, de la déclaration préalable de grève, des évaluations nationales etc … La hiérarchie a réagi immédiatement et de manière brutale sans pour autant parvenir à décourager ces enseignants frondeurs à qui les tribunaux administratifs semblent pour l’instant donner raison. Mais pour la grande majorité, la résistance se vit quotidiennement dans la passivité observée face aux injonctions. Quoi qu’on en dise, cette inertie constitue une force mais qui rapidement trouvera ses limites si elle ne déborde pas hors des murs des salles de classe afin de se donner un cadre collectif.

Pressions et clientélisme.

Entendons nous, l’autoritarisme et un certain penchant à la fatuité ont toujours entaché le costume des inspecteurs. La plupart des enseignants gardent en souvenir qui, des entretiens pour le moins croustillants, qui un rapport bricolé à coups de “copié-collé” et chez la plupart d’entre eux une méconnaissance manifeste, voir l’oubli de la réalité du métier …

Avec la redéfinition de leur mission, l’observation de la pratique tend à disparaître au profit du contrôle des seuls résultats quantifiables : le taux de réussite de l’établissement aux évaluations nationales. Pour bien faire, la circulaire de 2009 énonce clairement que : “Les corps d’inspection ont le devoir (…) d’impulser et d’encourager les “bonnes pratiques“ ; la liberté pédagogique dont bénéficient, pour organiser leur enseignement les personnels enseignants ne sera pas le prétexte de pratiques qui font obstacle à l’acquisition des savoirs”. Sans pour cela se bercer d’illusions pédagogistes, il faut admettre que cette prescription annonce le retour de méthodes éculées, répétitives et mécaniques, d’un bachotage stupide aux finalités purement comptables. Car il faut les écouter ces cadres rabâcher à chacune de leurs interventions, sur le ton culpabilisant du moment, le coût qu’occasionne à la collectivité l’entretien d’un élève. Et aussitôt laisser entendre qu’en retour de résultats escomptés, ils pourraient plaider la cause des établissements et peut être sauver moyens et postes. Pour cela, chacun devra y mettre du sien et appliquer scrupuleusement les recommandations ministérielles : les programmes et rien que les programmes, une bonne dose de fichage et la traque des absentéistes. Actuellement de nombreux témoignages attestent de vagues d’inspections-sanctions. Dans l’intimité de l’entretien se susurrent les récriminations qui parfois prennent le tour de la menace et laissent certains collègues sidérés. Ainsi, avant même la création effective des établissements primaires autonomes, s’installe insidieusement un climat mêlant “chantage aux moyens” et clientélisme. Dans les faits, ce glissement traduit la fin annoncée du paritarisme et du mode de gestion du personnel qui s’y rattache. Les syndicats l’ont compris et assistent impuissants à leur relégation espérant sauver ce qui peut l’être pour eux, c’est à dire quelques bonnes places. Car jusqu’à nouvel ordre, il revient aux inspecteurs de conduire leurs “ interventions directes (…) comme un acte de gestion de la ressource humaine.”

Officiellement le salaire au mérite n’a pas cours. Dans les faits, il prend corps peu à peu avec le versement de primes spéciales aux seuls enseignants qui font passer les évaluations nationales. On le devine ensuite tapi sous les heures supplémentaires offertes aux volontaires qui encadrent les stages de remise à niveau durant les vacances scolaires. D’ailleurs, afin d’intimider les malveillants qui refusent de les proposer à leurs élèves, les inspecteurs n’hésitent pas à brandir les résultats des fumeuses évaluations nationales. Mais la chose pourrait bientôt prendre un tour plus tangible. Le ministre Chatel évoque depuis peu la création d’entretiens d’évaluation individuels réalisés par des personnes extérieures au secteur de l’enseignement. Qu’adviendrait-t-il alors du dévoué corps des inspecteurs ?

Quelle riposte ?

Malgré les oppositions résolues d’une partie de la base, le rapport de force apparaît aujourd’hui fortement dégradé. Les enseignants n’opposent aux attaques qu’ils subissent que les pauvres illusions qu’il continuent d’entretenir sur leur fonction en particulier et sur celle de l’école en général. Illusions lourdes de conséquences quand le fossé entre l’institution qu’ils prétendent défendre et la partie la plus prolétarisée de la société ne cesse de se creuser. La période impose de faire des choix, des choix collectifs qui portent la critique au coeur même du système d’ enseignement. Il est urgent d’ouvrir le débat et de mener l’action non pour la défense d’une école de la reproduction sociale, une école de classe grimée en “service public” mais contre elle. Reprendre la bagarre contre les petits chefs, reposer collectivement la question du refus de l’évaluation pourrait être parmi bien d’autres une de ces pistes.

 

Un travailleur de la reproduction sociale.

Boulogne-sur-mer, le 19/02/11.

Publié dans Education | Commentaires fermés sur Évaluation des enseignants du premier degré : sanctions et clientélisme

Retraites : Une défaite mais pas la déroute…

Retraites : Une défaite mais pas la déroute…

 

Ce texte a été rédigé durant la période où ont menées les actions contre la nouvelle loi sur les retraites imposée par l’État. Depuis nous avons poursuivi la réflexion sur la nature de ce “mouvement”, le rôle qu’y ont joué les structures syndicales, la forme qu’ont pu revêtir certaines actions, etc …

Un texte qui fait état de nos échanges sur la question sera publié dans le numéro à venir de la Mouette Enragée.

 

 

 

 

    En ne débordant pas le périmètre délimité par les centrales syndicales : des journées de grève espacées combinées à des actions le plus souvent symboliques, ce “mouvement contre la réforme des retraites” ne laissait présager qu’une défaite supplémentaire annoncée de longue date.

Pour autant, il serait facile de s’en tenir à ce seul constat et passer sous silence tout ce qui dans le cadre imposé aussi bien qu’à sa marge, le plus souvent au sein des deux à la fois, révéla une volonté, certes minoritaire, mais bien réelle de lutter. C’est en cela, peut être, que cette défaite n’en n’est pas définitivement une…

Voici quelques éléments éparses qui traduisent cette impression à partir des semaines de protestation telles qu’on a pu les vivre à Boulogne-sur-mer.

 

D’abord, reconnaissons qu’en dehors des syndicats, personne ou presque ne posa dans la forme comme sur le fond la question de la lutte autour des retraites. L’emprise syndicale put donc se déployer sur le seul registre qui vaut pour elle : la destruction d’acquis sociaux en prise avec le rôle gestionnaire qu’exercent certaines confédérations au sein de l’appareil d’État : caisses de retraites, sécurité sociale, mutuelles etc…

 

C’est donc à leur propre reproduction et dans l’attente de la loi sur la représentativité de 2013 que les centrales ont travaillé dans l’unité que l’on sait. De fait, on pouvait craindre que seule une fraction des travailleurs répondrait à l’appel. Celle encore garantie par un statut déjà bien mis à mal ou échappant – pour combien de temps encore – à la précarité; autant dire les salariés de la fonction dite publique. Ce ne fut pas complètement le cas. C’est d’ailleurs un des traits notables de ce mouvement qu’un nombre de travailleurs d’entreprises privées y aient occupé une place et joué un rôle à part entière.

 

 

Le privé dans la grève et dans l’action.

 

Les cheminots répétant que cette fois, ils ne porteraient pas le mouvement, à Boulogne-sur-mer, ce sont deux entreprises de l’industrie alimentaire qui les premières investirent le terrain. Ces boîtes en lutte à l’interne durant les semaines et les mois qui précédèrent la mobilisation en assureront pour une part le déroulement. Elles reconduiront la grève sur plusieurs jours puis multiplieront les arrêts sur des modalités propres à l’organisation du travail posté. A leur tour, d’autres boites saisiront le relais. Pourtant à aucun moment, elles ne se rejoindront sur un temps commun en dehors des journées d’action. La faiblesse des salaires explique cela, comme la précarité mais sans doute aussi la difficulté à se projeter, à esquisser des contours un peu assuré à la lutte. On pourrait également y entendre la manœuvre d’appareils syndicaux passant en revue des troupes potentiellement mobilisables. Mais on ne saurait ignorer que la crise a réactivé dans certains secteurs des réflexes de lutte qu’une mobilisation, même en trompe l’œil comme celle des retraites, a pu confirmé.

 

DSCF4350DSCF4344

 

Les ouvriers de Capécure, en première ligne sur les barrages avec toutefois le soutien des autres grévistes

 

 

Prendre l’initiative, même si …

 

Le cadre intersyndicale ne s’est imposé ici qu’après une habile reprise en main par l’UL CGT. A deux reprises, et en marge de l’intersyndicale, une assemblée ouverte composée de travailleurs des secteurs privés et publics se réunit à la bourse du travail. Au sein de cet espace s’exprima la critique de la stratégie des journées sans lendemain. On y partagea la nécessité mais aussi l’envie d’un véritable rapport de force inscrit sur le terrain économique. La question de la reconduction et de l’élargissement de la grève fut au cœur des échanges. D’emblée, le blocage s’imposa comme la forme d’action à mettre en œuvre avec un double objectif : porter un coup au patronat local et appeler les travailleurs d’abord occupés à manifester à venir nous rejoindre. Ce ne fut pas totalement un échec. D’abord parce que la tentative de blocage de la zone portuaire où se concentrent les entreprises de transformation de produits de la mer eut lieu. Elle se répétera d’ailleurs avec plus de succès quelques semaines plus tard. Mais il était clair que l’appareil cgtiste jusque là absent du terrain s’empressa de cisailler toute nouvelle tentative en recourant aux bonnes vieilles techniques de manipulation.

 

 

Un coquille intersyndicale sans réel mouvement.

 

Si la CGT put s’imposer aussi facilement durant ces deux mois, c’est qu’à contrario de 2003 bien peu de travailleurs étaient en grève. Rappelons qu’ il y a sept ans, ce furent essentiellement des grévistes non syndiqués qui portèrent le mouvement à bout de bras. Cette fois, la CGT eu beau jeu d’ enserrer ses partenaires tout en jouant la partition du “je t’aime moi non plus” avec un Solidaires empêtré dans ses propres contradictions.

Maintenant, quel sens donner au programme d’actions concocté par la CGT et ratifié par ses consœurs durant trois semaines. En martelant qu’il ne fallait pas brader le capital de sympathie engrangé auprès de l’opinion, on ne pouvait pas s’attendre à grand chose. Et en effet, il ne se passa rien, ou … presque. Les actions ont put se déployer car pour la plupart elles ne frappaient pas directement les intérêts du patronat. Et lorsqu’à la marge, elles y parvenaient partiellement par un débordement de circonstance, le grand frère syndical admonestait contre “la mise en danger d’activités déjà fragilisées”.

Les actions de terrain ont d’abord servi de soupape à une base syndicale un peu déboussolée par une mobilisation qui n’en n’était pas vraiment une. Elles permirent ainsi d’entretenir le spectacle entre deux dates nationales. La plupart du temps négociées avec la police, elles prenaient fin à l’heure dite. Si bien que la formule de la CGT : “Nous n’avons pas poursuivi mais sachez que cela est remonté en haut lieu…” ne laissait planer aucun doute sur le sens de toutes ces mises en scènes.

 

66315 158518407520300 100000864242386 267734 2638756 n

 

La gauche syndicale dans cette histoire

 

La minorité syndicale organisée localement dans et autour de Solidaires offrit un espace à partir duquel il fut parfois possible de desserrer l’étau, de modifier le sens et la portée de certaines actions. En soi ce n’est pas négligeable. Mais enfin, tout cela est resté relativement anecdotique. Les limites sont d’ailleurs apparues rapidement. Ensuite, la position partagée localement par l’ensemble des Sud en opposition avec celle de Solidaires national rendait la situation certes intéressante, mais confinait à l’impuissance en l’absence d’une véritable dynamique portée par les travailleurs. Un peu partout dans les défilés, les cortèges Solidaires sont apparus comme pourvus et offensifs, pour autant, ces manifestants là n’ont pas dans leur grande majorité investi d’avantage le terrain que leur homologues cégétistes ou autres. Faut-il comprendre que même “sudiste” un manifestant demeure pour le moment un manifestant et rien de plus ? C’est un fait, où alors comment expliquer que sur la dizaine de milliers d’adhérents de Solidaires-Nord-pas-de-Calais, une fois encore, seule une minorité ait franchi le pas. Par ailleurs, dans leur grande majorité, là où elles sont structurées, les sections de la gauche syndicale n’échappent pas à l’influence du jeu traditionnel ni à celui des vassalités en cascade. Une réalité qui même lorsque l’on sort du strict champ de sa boîte continue de peser et d’influer sur la manière d’aborder la construction d’un mouvement.

 

 

Boulogne-sur-mer. 19/11/2010.

Publié dans Mouvement contre la réforme des retraites de 2010 | Commentaires fermés sur Retraites : Une défaite mais pas la déroute…