Ce sera difficile mais nous n’avons plus le choix !

Ce sera difficile mais nous n’avons plus le choix !

Depuis la dernière manifestation des gilets jaunes en décembre 2020, aucune action notable ne s’est déroulée dans les rues de Boulogne-sur-mer. Pas même pour contrer la Loi de Sécurité Globale qui partout dans l’hexagone a conduit sur le pavé des dizaines de milliers d’opposants durant plusieurs samedis de suite. 

Dans ce climat, l’appel à la grève le 4 février ne pouvait être qu’un rendez-vous  lancé sans motivation et sans perspective. Peu relayé, il s’inscrit dans une routine officielle validant l’absence délibérée de stratégie combative au sommet des appareils. Avec 200 participants, la manifestation boulonnaise a essentiellement rassemblé des délégués de la CGT venus de plusieurs villes du littoral. 

Toutefois, refaire le procès des bureaucraties syndicales ne nous sera d’aucune utilité, à plus forte raison quand cette critique est portée en acte par les travailleurs de la société de voyage TUI, à l’origine de l’appel lancé pour la manifestation du 23 janvier(1). Ce texte a été signé par «une quarantaine de syndicats de boîtes CGT et quelques Sud»(2). Il prend à contre-pied les centrales enferrées dans une logique d’union nationale mortifère dont seul profite largement le patronat. 

En réunissant par ses propres moyens 2 000 personnes sur le pavé parisien, cette initiative spontanée n’a pas démérité. C’est un premier pas de franchi vers une coordination des travailleurs à la base, vitale face aux sombres nuées qui pointent à l’horizon. 

Où en sommes- nous ? 

Le rapport de force engagé contre le capital et l’Etat, pour dégradé qu’il soit, avait bénéficié avant l’épidémie des apports de la mobilisation des gilets jaunes. Son influence s’était fait ressentir auprès de nombreux travailleurs durant la dernière lutte contre la casse des retraites. Une base indocile était parvenue à mettre en difficulté un gouvernement retranché derrière les armes de sa police, bousculant au passage des bureaucrates embarrassés et pressés «d’en sortir». 

Depuis, la gestion de l’épidémie de Covid par l’Etat a décuplé les méfaits de la rationalité du capital sur notre vie quotidienne, jusqu’à nous laisser entrevoir le potentiel totalitaire qui assaillira notre existence si nous ne hissons pas à la hauteur de la situation dans les temps qui viennent. 

Atomisés et isolés, nous l’étions déjà auparavant, que ce soit dans notre travail ou notre vie de tous les jours. Mais pour que l’enfermement dans cette rationalité capitaliste soit relativement accepté et supporté par le plus grand nombre d’entre nous, quelques compensations dûment facturées nous étaient accordées. L’accès à un confort social minimum par exemple, sans compter l’illusion de liberté conférée par un déploiement technologique jusque là inédit. Tout cela s’employait à nous donner le change. 

le capital le pied au plancher

Mais depuis près d’un an maintenant, nombre de repères ont volé en éclat et certains phénomènes s’accélèrent. Pour des centaines de milliers de travailleurs l’horizon se dessine dorénavant comme un aller simple vers les affres du chômage. L’épidémie qui ne semble pas devoir s’éteindre de sitôt s’est offerte comme une opportunité pour les capitalistes qui n’attendaient que le moment opportun afin de réaliser dans des temps records les plans de restructuration en attente. 

La technologie se déploie elle aussi en un temps record et renforce sa position en particulier dans le secteur des services. Elle permet à une plus grande échelle encore de brouiller les cartes en termes de temps, de lieu et de modalités de travail. En colonisant désormais notre espace intime, elle accroît le sentiment de dépossession et d’isolement qui porterait à 49 % le taux de salariés «en détresse psychologique» en raison du télé-travail(3). 

Ce sentiment de déshumanisation par la perte du lien social est certainement l’un de ceux qui ont le plus progressé en l’espace de quelques mois seulement. Il apparaît crucial de le considérer non comme un phénomène passager mais comme un mécanisme durable qu’accompagne la politique de l’Etat au titre de «la protection de la population». Et on sait que le patronat ne lâchera pas une position si facilement acquise.  

Ce sentiment nous invite donc à penser la lutte de classe non plus uniquement en termes quantitatifs ou même qualitatifs. Il rend plus concrète et plus impérieuse la nécessité de l’envisager sous l’angle de la nature même de la société dont nous avons besoin afin que la vie vaille la peine d’être vécue. A la lumière de ce que nous endurons en ce moment, il apparait clairement qu’il ne s’agit plus de celle dans laquelle nous survivons aujourd’hui. 

Boulogne-sur-mer, 06/02/21

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  1. https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/110121/23-janvier-manif-nationale-pour-interdire-licenciements-et-suppressions-d-emplois
  2. Courant Alternatif février 2021: «L’appel des TUI»
  3. https://www.capital.fr/votre-carriere/la-moitie-des-salaries-serait-en-detresse-psychologique-le-teletravail-pointe-du-doigt-1388795
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