Relaxe d’un militant calaisien accusé d’outrage à Darmanin

Relaxe d’un militant calaisien accusé d’outrage à Darmanin

Ce 7 mai, à deux heures trente de sa convocation pour audience, c’est motivé, souriant et sûr de son bon droit que Grégory Lefebvre arrive au rassemblement de soutien organisé devant le Tribunal de Boulognesur-mer. Militant de LFI et Gilet Jaune, participant actif à la lutte contre la réforme des retraites, aujourd’hui dénonciateur de la violence d’État, le camarade a tout pour lui déplaire.
C’est sous un flot de drapeaux insoumis que nous avons pu, très brièvement, échanger quelques mots.

Grégory est entendu pour outrage au ministre de l’Intérieur. Il est en effet accusé d’avoir crié « Darmanin assassin, t’as du sang sur les mains ! », lors de la manifestation pacifique « pour une justice sociale, contre le racisme et les violences policières » du 23 septembre 2023 à Calais.

Comme d’habitude depuis vingt ans

D’une part, ce slogan est repris depuis 2021, depuis les 27 premiers migrants davantage victimes de la politique anti-migratoires de l’Europe – et des accords franco-anglais toujours en vigueur – que des eaux du détroit du Pas-de-Calais. D’autre part, Grégory n’est pas à l’origine du slogan scandé par le cortège. Mais il s’y associe évidemment sans réserve. Et quand bien-même, la solidarité de l’ensemble des participant.es en fait autant de justiciables.

Grégory explique que ce qui est en cause, c’est la liberté d’expression mais aussi le soutien aux étrangers en souffrance, qui circulent sur les terres européennes et qui finissent morts, maintenant sur les plages de la Côte d’Opale. C’était récemment le cas pour six d’entre eux.

Lex iniusta est sed lex est (1)

L’article 40 du code de procédure pénale impose aux officiers et aux fonctionnaires de signaler les crimes ou délits dont ils ont connaissance. Celui-ci a été expressément rappelé aux fonctionnaires armés le jour même de la manif. Grégory en fera les frais ce jour-là.

Les portefeuilles, c’est comme les cuirasses, moins c’est épais, plus l’individu derrière est vulnérable. Aussi l’amende est-elle calibrée à 15 000 € et les frais d’avocat s’élèvent pour l’instant à 2 000 €. La bonne vieille méthode éprouvée est souvent payante : les flics repèrent un prolo – lequel en l’occurrence ne touche pas même le SMIC – un peu actif de préférence ; ils le font mitonner et multiplient les intimidations ; et ça se finit au tribunal, souvent seul et « à poil »pour l’achever, le « faire taire » comme le dit Grégory. Au point de lui suggérer « plaider-coupable » – tentative de corruption légale – que Grégory a refusé de signer.

Comme les Gilets Jaunes interpellés ( et meurtris ) massivement, comme les grévistes et « bloqueurs » du mouvement contre la réforme des retraites, les opposants au racisme d’État sont eux-aussi des cibles : intimidation, GAV, menaces… Et même souvent une façon pour les bras armés de l’État d’arrondir leurs fins de mois en se constituant partie civile pour rébellion.

Sauf que cette fois, le « client » n’est pas seul et est décidé à se battre.

Enfin !

Nous ne sommes pas allés à l’audience et ne pouvons rapporter ce qui est advenu.
Néanmoins une chose est sûre, Grégory Lefebvre y entre avec la conviction ferme : son procès est fondé sur des positions politiques et non sur des faits de droit commun. Ce sera sa ligne de défense.
Plus que « deux poids deux mesures », c’est un rapport de force entre un engagement politique assumé et un pouvoir effectivement malveillant selon son propre terme(2). Pourtant, il nous dit, toujours avec le sourire : « j’espère que ce coup-ci, la justice de la République sera du côté des accusés »…

Grégory bénéficie d’un soutien que ses prédécesseurs à la barre lui envieraient sans-doute : des organisations politiques ( LFI, POI, PCF ), syndicales ( CGT ) et associatives ( ATTAC, Extinction Rébellion… ) et même du député LFI Ugo Bernalicis doit faire le déplacement.
La campagne pour les Européennes n’y est peut-être pas pour rien ; osons dire qu’on s’en fout.
Dans les faits, il est essentiel en situation de lutte de compter sur son orga. C’est bien le moins.

C’est pourquoi, nous nous associons à Grégory Lefebvre comme à toutes celles et tous ceux qui maintiennent face au juge la dimension politique de leur lutte.
Faisons en sorte que les tribunaux soient pleins à craquer ( pour de bon ! ) de gueules ouvertes contre la violence première de l’État. Il est temps de passer de la criminalisation des luttes par l’État au combat contre les crimes de celui-ci !

Et gare ! à la revanche : Quand tous les pauvres s’y mettront

– A l’heure où nous rédigeons ces quelques lignes, nous apprenons avec la plus grande des satisfactions, que Grégory a été relaxé !

(1) Iniutus lex sed lex / Dura lex sed lex : La loi est dure mais la loi c’est la loi.

Boulogne sur Mer le 8 mai 2024

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