L’économie de la frontière. Après les appels à la délation, bientôt la vidéo surveillance contre les migrants.

L’économie de la frontière.  

Après les appels à la délation,

bientôt la vidéo surveillance contre les migrants. 

 

On se souvient des appels à la délation lancés il y a peu par le maire de Wimereux afin de lutter contre «l’emprise des passeurs» qui agissent sur les rivages de sa commune(1). Voici maintenant que des dizaines de caméras de vidéo-surveillance reliées «en temps réel vers les services de police ou de gendarmerie» vont être installées tout le long du littoral du boulonnais. 

Le projet «Terminus» financé comme de juste par l’Etat anglais est la dernière trouvaille en date proposée par la préfecture du Pas-de-Calais à douze maires de la région afin de déjouer les tours des fameux malfaiteurs. Tous ont accepté, même la maire PCF de Pont-de-briques. Elle justifie sa position par la volonté de «protéger les migrants». Curieux exercice de dialectique s’il en est. Les «migrants», comme on dit aujourd’hui, s’ils ont à être protégés c’est uniquement de la politique des Etats qui les a jeté sur les routes.

Et en la matière, l’implication comme la responsabilité de la France et de l’Angleterre dans le chaos qui frappe plusieurs points chauds du globe n’est plus à démontrer mais à combattre ; que ce soit pour leurs menées impérialiste(2), les ventes d’armes(3) ou leurs interventions militaires directes.  

marchander la frontière et vendre du sécuritaire

Tout se monnaye dans l’univers capitaliste, même ce qui aux yeux de certains semblait ne pas avoir de prix, comme l’administration d’une frontière, par exemple. Depuis maintenant quatre décennies, les d’accords contractés entre les Etats français et britanniques n’ont aboutit qu’à fixer le montant d’un marchandage conclu sur le dos et au prix de la vie de plusieurs centaines d’êtres humains. Ceux là mêmes dont ils disent vouloir protéger l’intégrité. Ainsi, la police britannique exerce librement et contre paiement son contrôle depuis la gare du Nord jusqu’aux ports de la Manche afin de tamiser les entrées au coeur de son île. 

Par ailleurs, une véritable économie de la frontière a vu le jour et s’est développée offrant aux industriels du secteur sécuritaire une manne qui ne se tarit pas. Au bas mot, des dizaines de millions d’euros sont tombés dans leurs escarcelles afin de transformer peu à peu la ville de Calais et ses environs immédiats en un bastion se voulant imprenable. Le spectacle malsain qu’offre au visiteur l’installation de plus de  soixante kilomètres de clôtures barbelées ceinturant une agglomération de cent mille habitants suscite le trouble, si ce n’est le malaise lorsqu’on sait qu’on y meurt plus que n’importe où ailleurs en Europe quand on est un étranger(4).  

la fabrique du passeur 

En espérant décourager les traversées depuis le port de Calais, les Etats n’ont fait que déplacer et multiplier les points de passage tout le long de la bande côtière depuis la  baie de Somme jusqu’à frontière Belge et au delà. Un éparpillement qui se double de difficultés accrues exigeant dorénavant le recours à une organisation logistique de fortune. Les politiciens pourront tant qu’ils le souhaitent incriminer les passeurs et les filières maffieuses, bien réelles c’est un fait, ils ne peuvent nier qu’en compliquant la libre circulation des personnes au point d’attenter à leur vie, ils créent les conditions d’existence des réseaux qu’ils dénoncent. Si on se montrait aussi cynique qu’ils le sont, on avancerait qu’ils déplorent d’abord et avant tout un manque à gagner du fait d’une concurrence déloyale sur un marché pour le coup parfaitement libre … 

elles serviront bien à quelque chose … 

La chose la plus insupportable et inadmissible à la fois, est de poursuivre dans cette voie criminelle depuis tant d’années alors que nul n’ignore, depuis le sommet des Etats jusqu’au plus anonyme des vigiles, que celles et ceux qui entendent traverser la Manche au risque de leur vie y parviendront d’une façon ou d’une autre. 52 000 ont tenté leur chance en 2021 et 28 000 y sont parvenues. 

Ce ne sont donc pas quelques minables caméras de vidéo-surveillance supplémentaires qui changeront quoi que ce soit à cette situation dramatique. Personne n’est dupe, et surtout pas le maire de Wimereux, encore lui, qui y voit un outil supplémentaire pour «contrôler la délinquance et prévenir les dégradations dans la ville» … Le tout aux frais de la reine ! 

Boulogne-sur-mer, le 6/02/22

(1) https://lamouetteenragee.noblogs.org/post/2021/10/10/signaler-les-passeurs-pas-derreur-possible-on-est-bien-en-france/

(2) Même en recul, l’impérialisme français sévit toujours.  

(3) Sur le dossier des ventes d’armes par l’Etat français, consulter le site de « l’observatoire des armements » : http://obsarm.org

(4) Le Gisti a établi un dossier très documenté sur la question et consultable en anglais : https://irr.org.uk/wp-content/uploads/2020/11/Deadly-Crossings-Final.pdf

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