VPC – Logistique

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Le suivi de la lutte à La Redoute et le bilan de la réunion des travailleurs d’Amazon à Poznan.

Tout est à redouter !

Les choses se précisent pour l’ancien leader nordiste de la vente par correspondance. La direction bloque désormais les départs volontaires et réaménage le temps et les postes de travail tandis que le nouveau site logistique ultra-modernisé de la Martinoire se construit, blesse déjà et fait craindre le pire pour les nouvelles conditions de travail dans le secteur !

Plus personne ne part  ! L’arnaque du PSE (1)

Début septembre, les syndicats CGT et FO ont déposé aux Prud’hommes de Roubaix, 15 dossiers de salarié-es pour «  défaut d’accord  », une trentaine d’autres devraient suivre. Ce désaccord porte sur les modalités d’application du PSE qui prévoit la suppression de 1 178 postes jusque 2017, soit par des départs anticipés ou non à la retraite, soit par des départs dits volontaires vers des reclassements. Or aujourd’hui, les quotas ont été atteints et pour ceux qui veulent encore quitter le navire, ce n’est plus possible. Ces refus touchent surtout les ouvriers de la logistique et la relation-clients. De quoi dégoûté Ali qui comme les autres  : «  voulait gagner 1 ou 2 ans de salaire pour après faire une formation  » financée par la fiducie (2) . Car après, le futur semble bien bouché pour les reconversions, 40% de ceux qui sont partis volontairement sont au chômage, les autres ont trouvé dans l’aide à la personne, l’aide maternelle ou encore dans la manutention.

On ferme les robinets d’un côté et de l’autre, la direction recrute des gros bonnets dans la pub, l’internet et bien sûr les ressources humaines pour finir de faire le ménage. A l’image de Pascal Lafon, nouveau RH aux dents longues puisqu’il était avant chez Rabot-Dutilleul (grosse boîte de bâtiment dans le Nord), Bricoman et les boulangeries Paul. Ce dernier (3) se ferait un fixe de 130-180 000 euros, de quoi dégoûter encore un peu plus. Avec le recul, tout cela a été parfaitement orchestré. Aux lendemains des grèves de 2014, la direction a joué profil bas et a laissé partir beaucoup de salarié-es, aujourd’hui elle bloque les départs et se permet de réaménager les postes de travail à sa guise, en attendant les licenciements proprement dits en 2017 ou même avant. A la logistique, il ne doit rester que 550 salarié-es, il y en a encore environ 700…

Loi de la jungle dans la vente à distance

De l’aveu de ceux qui y travaillent, les stocks se remplissent sans qu’il y ait de grosses ventes et les dernières soldes ont été calamiteuses pour la Redoute. Preuve en est que le secteur de l’anciennement vente par correspondance disparaît pour laisser place à un nouveau modèle  : celui de la vente à distance par internet et de la livraison chrono en moins de 24h. A voir la fortune exponentielle de Jeff Bezos, le PDG d’Amazon (47 milliards de dollars tout de même), le secteur semble se porter à merveille mais c’est pour mieux cacher sa crise structurelle. Avec ou sans internet, les stocks grossissent et la consommation n’arrive plus à tout absorber à cause de la baisse des pouvoirs d’achat, les marges diminuent et il faut alors prendre là où l’on peut encore prendre  : sur le travail. C’est ce qui se passe dans les hangars de Amazon où les conditions de travail sont dantesques comme le montre de nombreux témoignages (4). La Redoute, elle, veut tout automatiser même les déplacements pour rattraper la concurrence mais ce n’est qu’une fuite en avant de plus … et un recul considérable pour les conditions de travail. Cela commence par des ouvriers polonais qui ont été appelés pour construire cette nouvelle Martinoire, travaillant au rabais, l’un d’entre eux a été grièvement blessé en faisant une chute.

Bien heureusement des résistances existent notamment par les voies syndicales comme à la Redoute mais aussi par le biais d’une initiative internationale menée par le syndicat polonais Inicjatywa Pracownicza, très présent dans l’entreprise Amazon à Poznan qui a appelé mi-septembre à une rencontre avec des camarades allemands et français d’autres sites. Le compte-rendu de cette réunion n’est pas encore publiée mais l’appel (reproduit ci-joint) laisse l’espoir d’une résurgence de la lutte dans le domaine de la logistique (5).

Notes  :
(1) Plan de «  sauvegarde  » ou plutôt de suppression de l’emploi. Il a été signé, il y a plus d’un an par la traîtrise de la CFDT centrale alors qu’une lutte importante de la base avait lieu notamment grâce à l’action des Redoutables, pour plus d’infos, voir CA de mai 2014 + émissions radio de l’Egregore consacrées à ce sujet.
(2) C’est une caisse de 180 millions d’euros que Pinault (ancien propriétaire de la Redoute) a laissé pour organiser la restructuration de la logistique (nouvelle Martinoire) et pour financer les départs volontaires avec un plan de formation et une prime de 20 000 euros. Quelques millions pour se laver les mains  !
(3) Selon les bruits de couloirs qui se rapprochent souvent de la réalité
(4) Lire, En Amazonie: infiltré dans le « meilleur des mondes » de JB Mallet, Fayard, 2013
(5) Soulignons les actions du syndicat Verdi en Allemagne qui ont bloqué plusieurs fois des hangars Amazon.

Rencontre internationale des travailleurs d’Amazon
(Poznan, du 11 au 13 septembre 2015)
Déclaration finale

Le texte de l’appel est à télécharger ici
Des travailleurs d’Amazon de Pologne et d’Allemagne se sont réunis pendant trois jours à Poznan (Pologne) avec d’autres camarades sympathisants. C’est la deuxième fois que nous nous rencontrons ainsi, après la première réunion à Bad Hersfeld (Allemagne) au printemps dernier. Ces réunions sont organisées par les travailleurs d’Amazon eux-mêmes, indépendamment de nos syndicats respectifs. Nous sommes un réseau de solidarité qui vise à répondre à la stratégie d’Amazon et à coordonner la lutte pour nos intérêts communs.

Cette fois, nous avons distribué des tracts devant l’entrepôt d’Amazon à Poznan-Sady, nous avons tenu une réunion publique pour expliquer la situation dans l’entreprise Amazon à Poznan, Bad Hersfeld et Brieselang et nous avons organisé un rassemblement et une conférence de presse avec les médias. Ensuite, nous nous sommes réunis en assemblée de travailleurs et avons discuté de la situation dans les différents entrepôts d’Amazon et de nos efforts communs visant à améliorer les conditions de travail dans le futur.

Nos échanges ont révélé que, dans les différents pays, les travailleurs d’Amazon sont confrontés aux mêmes problèmes (bas salaires, réglementation grandissante, pressions au travail élevées conduisant à des problèmes de santé, pratiques typiques d’Amazon d’embauches et de licenciement, etc.). Lorsqu’elle est confrontée aux revendications des travailleurs, Amazon utilise des stratégies semblables dans tous les pays, par exemple en menaçant les travailleurs de licenciement, en mettant la pression sur les militants syndicaux, en négociant sans aucune volonté de céder, etc.

Pour tous ceux qui ont participé à la réunion, il était clair que nous devons donner une réponse collective – entre les différents entrepôts dans les différents pays – afin d’imposer des améliorations et plus. Dans l’avenir, Amazon ne doit plus pouvoir jouer avec nous, les uns contre les autres, parce que nous unissons nos forces et établissons des liens à la base, de travailleur à travailleur.

Cet échange d’expériences au moyen de rencontres entre travailleurs d’Amazon peut motiver, mobiliser et renforcer l’autonomie des travailleurs à travers les frontières, même de ceux qui ne peuvent pas (encore) y participer. Un exemple est le ralentissement du rythme de travail auto-organisé dans l’entrepôt de Poznan contre les heures supplémentaires, exprimant le mécontentement des travailleurs vis-à-vis de leurs conditions de travail et qui a été aussi un clair geste de solidarité avec la grève des travailleurs d’Amazon en Allemagne, qui a eu lieu le même jour à la fin du mois de juin.

Nous sommes aussi déterminés à faire face à la répression menée par Amazon. Des travailleurs d’Amazon en Italie devaient assister à la réunion, mais l’un d’entre eux a été licencié peu de temps avant notre rencontre. Ils ont donc dû rester pour faire face à cette attaque et n’ont pas pu venir. Nous exprimons notre solidarité avec ces travailleurs et nous sommes heureux de savoir qu’ils sont déterminés à participer aux futures rencontres et actions communes.

Pour la prochaine rencontre, qui sera annoncée en temps voulu sur https://amworkers.wordpress.com, nous n’invitons pas seulement les travailleurs d’Italie, mais aussi ceux du nouvel entrepôt Amazon qui a ouvert près de Prague (République tchèque) et ceux qui travaillent dans les autres entrepôts d’Amazon dans toute l’Europe.

À Poznan, tous les participants ont réaffirmé leur intention d’organiser de futures luttes communes transfrontalières. C’est seulement si notre combat est organisé par les travailleurs eux-mêmes, enraciné dans chaque entrepôt et coordonné avec les autres, avec une stratégie claire et imprévisible pour Amazon, que nous avons une chance de gagner !

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Solidarité avec les salariés d’Air France

Solidarité avec les salariés d’Air France

 

A Air France, riposte contre les licenciements et la répression

Nous vous proposons l’écoute de l’émission de radio « Vive la sociale » dans laquelle interviennent deux employés d’Air France, militants de Sud Aérien qui reviennent sur l’épisode de la chemise déchirée pour nous faire comprendre le contexte de ce que le pouvoir qualifie de « violences inacceptables ».

A écouter ici.

 

La solidarité à Boulogne-sur-mer le samedi 17 octobre

Un rassemblement s’est tenu le samedi 17 octobre au matin dans le centre ville de Boulogne-sur-mer. A l’appel de l’UL Solidaire une dizaine de personnes ont distribué quelques 600 tracts sur fond de sono et avec quelques chemises accrochées au mobilier urbain …

Le tract distribué est à lire ici.

Le compte rendu établi dans la presse bourgeoise locale est à lire ici.

Le soir, différents tracts ont été distribués lors d’un concert durant lequel des musiciens ont pris la parole pour appeler à la solidarité avec les travailleurs en lutte d’Air France.

 

Voici le tract en solidarité avec les travailleurs d’Air France distribué lors de la manifestation de 8 octobre à Boulogne-sur-mer. N’hésitez pas à faire circuler.

 

Les travailleurs et les travailleuses d’Air France

nous ont montré que la peur peut changer de camp !

 

Tout d’abord nous adressons un grand bravo aux travailleurs et travailleuses d’Air France ! Quelle joie ce fut de voir, ne serait-ce que durant quelques instants, la peur changer de camp. Ceux qui maintiennent des millions d’entre nous, chômeurs ou travailleurs dans l’incertitude du lendemain, qui par leur management criminel en poussent des milliers d’autres à la maladie et au suicide ont ressenti pour la première fois de leur existence l’angoisse dans laquelle ils tiennent du haut de leur pouvoir usurpé celles et ceux qui n’ont que leur force de travail à marchander.

Les rapports sociaux de classe s’incarnent bien dans des individus contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire et ces individus ne doivent pas s’étonner de ce qui peut leur arriver quand, soudain, les règles du jeu s’inversent … Nous ne sommes pas surpris non plus de la réaction des syndicalistes collabos qui à leur tour condamnent l’action des salariés d’Air France alors que pour un certain nombre d’entre-eux la répression s’annonce. Nous ne nous étonnerons guère plus de l’attitude et des déclarations des socialistes, à la botte du MEDEF comme il se doit, quant aux larbins de la presse bourgeoise et des médias ils furent à la hauteur de leur bassesse ordinaire.

 

Solidarité avec les travailleurs et travailleuses d’Air France

Groupe Communiste Anarchiste de Boulogne-sur-mer

La Mouette Enragée B.P 403 62206 Boulogne-sur-mer cedex.

lamouette.enragee@wanadoo.fr

Tract à télécharger ici.

 

Solidarité avec les salariés d'Air France
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Capitalisme et bizness maritime : le durable prend l’eau !

Capitalisme et bizness maritime : le durable prend l’eau !

 

 Le capitalisme bâtit ses fortunes, à l’instar des petits ruisseaux et grandes rivières, en creusant son lit dans les territoires qu’il traverse, entamant les reliefs jusqu’à l’usure. […] Déjà la fonte de la calotte glaciaire ouvre d’âpres bagarres pour le contrôle du passage du nord-ouest, tout autant que pour les gisements des terres qui vont devenir accessibles. ”  (1)

Ces lignes sont tirées de l’épilogue de l’ouvrage Fortunes de Mer que nous publiions en 2010 aux éditions Acratie.

Le capitalisme n’a pas attendu le dégel et le monde marchand, happé par sa course exponentielle, avance à la techno-machette au Moyen Orient et en Amérique Centrale. Des grands projets toujours encensés lors de leur avènement et assez peu discutés avant et au cours de leur réalisation.

 

Le texte est à télécharger ici.

 

Suez : le capitalisme double la mise

Ainsi, ce 6 août 2015, Hollande était en bonne place pour l’inauguration du doublement du canal de Suez, plus symboliquement en mémoire de Ferdinand de Lesseps qu’en référence à l’intervention militaire franco-britannique de 1956 contre la nationalisation du canal par Nasser. Trois Rafales et une frégate auront entériné l’a(r)mitié dûment contractualisée entre la France et l’Egypte. L’ensemble de la presse a déjà fait état de la cérémonie, des chiffres et des déclarations relatives à ce projet (forcément!) “pharaonique”.

On peut d’emblée se poser la question de l’achèvement à marche forcée – l’inauguration était initialement prévue en 2017 – et des conséquences pour les ouvriers du chantier et la population locale. Pour les délais, la réponse est simple : il ne s’agit que de la concurrence en économie de marché basique; une tentative de rogner sur le canal de Panama avant le… doublement de ce dernier, en profitant de la capacité actuelle de Suez à accueillir les cargos géants. Aussi le chantier a-t-il fonctionné jour et nuit, augmentant les risques et contraignant la main d’œuvre à des conditions de travail extrêmes. Officiellement, on compte trois morts en septembre 2014 (contre 100 000 lors de la percée du premier canal !) et le nombre de blessés reste inconnu. Des milliers d’habitants ont reçu un avis d’expulsion dix jours seulement avant la démolition de leur maison et de leurs champs et ne reçurent aucune compensation. (2) Malgré les déclarations officielles, le peuple Égyptien a commencé à subir avant même de pouvoir profiter (3) des retombées de l’opération.

Autre motif à la nécessité de faire fissa : la situation intérieure décourage le touriste, première ressource jusqu’alors de l’Égypte.

Car, au-delà de ces enjeux économiques évidents, des problèmes intérieurs, stratégiques et géopolitiques dominent en la circonstance les choix politiques du militaire Al Sissi. La menace du groupe islamiste du Sinaï est omniprésente; un tir de roquette sur une frégate qui naviguait à proximité de la côte. Aussi le canal sera-t-il un point crucial surmilitarisé – à l’instar des eaux somaliennes quand les actes de piraterie étaient réguliers – et l’“État islamiste “a menacé d’exécuter un otage croate travaillant pour une compagnie française. Le canal et toutes les infrastructures du pays, comme l’État et la population sont sous le contrôle direct de l’armée. Sur le plan intérieur, le projet aura également permis de rassurer et d’obtenir l’adhésion des “simples citoyens”, vraisemblablement en partie des classes moyennes (le salaire minimum des Égyptiens est de 120 euros; plus de la moitié des jeunes “vit” avec environ deux dollars par jour). De nombreux petits porteurs se sont rendus dans les banques, incités par les médias, pour acheter les certificats d’investissement. Les 6 milliards d’euros nécessaires ont été trouvés en dix jours. La propagande patriotique, la main de fer du pouvoir militaire et l’absence d’information ne permet pas de dire si quelque type de résistance a pu se produire.

Un petit rappel historique est ici nécessaire : démarré sous Moubarak, le chantier n’a évidemment pas échappé à la “Révolution” et quelques 6 000 ouvriers se mirent en grève dans les arsenaux de Port-Saïd, à l’entrée nord du canal de Suez, ainsi que chez plusieurs sociétés privées travaillant sur cet axe stratégique du commerce mondial, pour de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire, ainsi que la démission du directeur opérationnel du canal. La grève coûtera environ 200 millions d’euros au gouvernement en manque à gagner – si la circulation est toujours ouverte sur le canal, (4) une autorité militaire spéciale est en charge de sa sécurité (ainsi que de l’oléoduc Sumed) – et l’Asie comme l’Occident commencent à s’inquiéter des conséquences sur le trafic et le prix des hydrocarbures. Des navires US seront même envoyés sur zone.

Aujourd’hui, l’opération de doublement du canal de Suez est donc vouée à conforter le pouvoir d’Al Sissi, à générer du profit et à renforcer ses liens militaires et économiques avec l’Occident. Le tout sur fond de paternalisme et de sentiment nationaliste, prétextes à élimination de toute forme d’opposition – amalgame oblige – avec le soutien bienveillant et les intérêts bien compris des États et compagnies occidentaux.

Rien ne vaut le béton et les dollars pour camoufler une “instabilité politique” mâtinée de totalitarisme.

Mon canal au Panama

L’élargissement du canal de Panama repose logiquement sur des considérations du même ordre : une nécessité d’augmenter le passage du Pacifique à l’Atlantique pour répondre aux besoins des pays producteurs asiatiques de faire circuler leurs porte-conteneurs et supertankers, dont le gigantisme ne cesse de croître. (5) les travaux démarrent donc en 2007 et devaient s’achever en 2014. Le 23 avril 2014. Le syndicat de la construction, Suntracs, réclame des augmentations de salaires de 20%, considérées comme excessives par les entrepreneurs.

Mais, à la différence de l’Égypte, la situation politique du Panama reste sûre puisque finlandisée par les États-Unis. (6) Les travailleurs du chantier panaméen moins soumis au “patriotisme”, ont, dès 2012 obtenu par la grève une augmentation de 12 (pour le personnel non qualifiés) à 15% (pour les OQ) et obtenu le paiement d’arriérés de salaires ainsi que des heures sup’ (7), ce qui avait représenté selon l’Autorité du canal de Panama un surcoût de 35 millions de dollars.

Aussi, le chantier panaméen est assujetti au jeu des intérêts multiples propre aux accords entre groupes capitalistes.

Si une partie des retards est comme de juste imputée aux grévistes, les économies classiques propres au BTP ont pesé : Une partie du retard accusé est due à une querelle sur la qualité du ciment que le consortium prévoyait d’utiliser, de mauvaise qualité (pour la construction d’écluses) selon l’autorité du canal. C’est un conflit financier entre l’ACP et le consortium chargé des travaux, Groupe Unis pour le canal (GUPC) (8), qui avait ralenti puis arrêté le chantier pendant deux semaines, tant que le surcoût estimé à 1,2 milliards d’euros ne lui serait pas alloués.

Une fois encore, la lutte interne entre entités capitalistes aura généré chaos économique et attaques contre les salariés. Démontrant pour le coup les motivations à se lancer dans de grands projets aux bénéfices matériel et politique à sens unique.

 

Nicaragua, Nicaragüita (9)

Le Nicaragua rêve éveillé de son canal depuis l’arrivée des conquistadors afin d’éviter le Cap Horn. Nous n’entrerons pas dans sa longue et tumultueuse histoire, (10) mais le projet actuel n’est pas le simple fruit d’une volonté de concurrence avec le canal de Panama, même si celle-ci est réelle.

Les options politiques actuelles du président Ortega , ouvertement débarrassé de son passé révolutionnaire marxiste-léniniste – un de ses candidat a à la vice-présidence était un ex Contras – cherchent à donner une image plus présentable de son parti ( le Fsln : Front sandiniste de libération nationale), allant jusqu’à s’allier aux chrétiens les plus radicaux.

Ortega, d’abord opposé au projet s’est plié à la “réal-économie”, le Nicaragua étant l’un des pays les plus pauvres du monde. Mais l’antagonisme avec les États-Unis demeure; le projet de construction du Grand canal du Nicaragua n’a fait l’objet d’aucun appel d’offres international. Le gouvernement nicaraguayen se tourne alors vers l’encore prometteuse République populaire de Chine, et la gestion du projet est confiée pour une centaine d’années au consortium “Hong Kong Nicaragua Development Group”, dirigé par un multimilliardaire chinois – personne ne sait qui est derrière ce consortium chinois, qui sont les investisseurs publics ou privés, et même si ce projet est viable -. L’accord, comme le stipule le site de HKND “accorde les droits exclusifs au Groupe HKND pour planifier, concevoir, construire et ensuite pour exploiter et gérer le Grand Canal du Nicaragua et d’autres projets connexes, y compris les ports, une zone de libre-échange, un aéroport international et d’autres projets d’infrastructures”. Le projet est estimé à 50 milliards de dollars. HKND qui investira cette somme a obtenu du gouvernement nicaraguayen une concession de 50 ans, renouvelable une fois. Ça c’est du PPP ! (ndla)

Concernant l’exploitation du canal, le contrat stipule également que HKND versera 10 millions de dollars par an pendant dix ans à l’État et lui cédera 1 % des revenus du canal, mais que HKND conservera le droit de vendre sa participation du Canal à qui elle l’entend. – et donc à quelqu’ennemi héréditaire -; les tarifs de passage seront à la discrétion du concessionnaire.

Par ailleurs, Le chantier menace de déplacer 30 000 paysans et indigènes ramas et nahuas qui vivent sur le tracé.

C’est pourquoi cet énorme chantier, censé faire la fortune du pays et le bonheur du peuple, soulève de très vives réactions et de nombreux mouvements de contestation. Une cinquantaine depuis l’ouverture du chantier. Celle du 13 juin dernier à Juigalpa, une ville du centre du pays, aurait rassemblé plus de 15 000 participants (chiffre non confirmé par les autorités) pour exiger l’arrêt immédiat des travaux, accusant le président Ortega de “vendre la patrie”, de détruire l’environnement, et demandant le départ des Chinois impliqués dans ce projet. (11)

La durée du mandat étant généralement de cinq ans en Chine et Li Jinping ayant été élu en 2013, on ne sait s’il paradera à l’ouverture du canal nicaraguayen en 2020…

 

We dig a port, cavamos un puerto… Nous aussi, creusons un port !

Il suffit de regarder une mappemonde et d’être un consommateur un minimum informé pour comprendre que les enjeux colossaux du trafic maritime sont primordiaux pour la France, qu’on sait portée sur les “Grands projets”. Pour le coup c’est à quelque 4200 miles à l’ouest que l’hexagone se jette à l’eau pour sauter dans le train des grands canaux : à la Guadeloupe évidemment ! Et de s’agiter dès février 2014…

En effet, l’ouverture proche du canal de Panama élargi et, plus hypothétique, de celui du Nicaragua ont déjà ébranlé la machinerie du BTP à la Jamaïque et à Cuba.

À la Jamaïque, c’est au consortium CMA CGM et Terminal link (12) qu’ a été confié le chantier d’élargissement du terminal conteneur de Kingston. La concession, d’une durée de 30 ans, va voir le nouveau gestionnaire investir pour développer les capacités du terminal. En plus des infrastructures et de l’outillage, d’importants travaux de dragage sont prévus dans le chenal d’accès au port de Kingston et dans le bassin bordant le KCT (Kingston containers terminal).

À Cuba, la fin de l’embargo et la promesse de reprise des échanges avec les USA suffisent à entreprendre la construction d’un “Méga Hub” à 45 km à l’ouest de La Havane. L’aménagement de ce port est le fruit d’une collaboration entre le Brésil (groupe Odebrecht ) et Cuba. Si le gouvernement castriste dénie tout concours implicite des États-Unis , “ en 2009 déjà, dans une des notes confidentielles dévoilées par Wikileaks, le chargé d’affaires américain à Brasilia transmettait à Washington l’insistance des Brésiliens à voir reprendre ces relations interrompues il y a cinquante ans. « Leur projet d’aider Cuba à construire un port en eaux profondes à Mariel n’a de sens que si Cuba et les États-Unis développent une relation commerciale. »”. C’était donc forcément par voie de mer que Cuba devait réintégrer le marché mondial en “s’adaptant” comme il se doit : pour attirer les investissements étrangers , la zone franche est dotée de règles spécifiques, avec une loi spécialement adoptée pour les faciliter, des me­sures spécifiques en matière d’imposition ou encore de réglementation du travail. (13)

Et il est à prévoir une ruée sur l’eau dans toute la caraïbe, dès lors qu’un port en eaux profondes est avéré dragable et les plates-formes extensibles (les ports mexicains de Lázaro Cárdenas et Manzanillo ou encore Cartagena en Colombie par exemple)…

La France, donc, se dotera de son hub à Jarry en Guadeloupe – tout en concédant l’aménagement de la Pointe aux Grives en Martinique ! (14) -. Là encore les travaux dragage se font jour et nuit, 7 jours sur 7. Les “gens de mer” et au premier rang les pêcheurs locaux sont entrés d’emblée en contestation. Leur crainte première : la pollution générée par les 7 millions de mètres cubes à draguer dont seuls 630 000 m³ doivent être réutilisés en remblai, tout le reste devant être « clapé », autrement dit rejeté en mer à 10 kilomètres de la côte (15). À peine consultés – “c’est en catimini et en plein carnaval (février mars 2013) que l’État a lancé une consultation publique autour du projet de grand port de Guadeloupe” – les pêcheurs ne se considèrent en rien représentés : “Le fameux comité de pilotage (qui ne s’est jamais réuni) ne regroupe quasiment que des structures contrôlées par les services de l’État qui ne représentent guère les intérêts des travailleurs, ni ceux du Peuple ni ceux de la Guadeloupe”.(16) Les pêcheurs dénoncent une volonté de faire de la Guadeloupe une zone franche sans droit des travailleurs, sans production locale ; une véritable colonie de consommation. Ils craignent donc leur disparition pure et simple ! Seules promesses annoncées pour l’heure : dédommagements et attention accrues sur les risques sanitaires et environnementaux. Avec ça…

 

Environronnement…

C’est un grand classique des grands projets : exploitation de la main d’œuvre plus ou moins dure selon le degré de résistance des travailleurs et du “Droits-de-l’Hommisme” des États ainsi que de leurs partenaires privés, déplacements de population, répression des opposants… Et toujours beaucoup d’argent pour fluidifier les relations.

Côté écologique : pollution, menaces d’extinction d’espèces, destructions de sites, au mieux artificialisation des biotopes… En l’occurrence mangroves, massifs coralliens et plaines herbacées marines seront au mieux “observées” voir déplacées (!), sans compter les dérèglements biologiques irréversibles que les espèces intrusives favorisent par la mise en communication de deux mers ou océans. S’ajoute le problème irrémédiable de la salinisation de la principale source d’eau douce d’Amérique latine : le lac Cocibolca.

Soyons rassurés : la course au gigantisme des profits et des structures qui les permettent seront à coup sûr tempérés par la COP21 autant que le nucléaire lors du Grenelle de l’environnement.

Et les mêmes novateurs éclairés paraderont en costard sous les flash au gré des inaugurations jusqu’en 2020. Et ils mettront une doudoune pour l’ouverture du passage du Nord-Ouest. Ça viendra vite.

 

GCA La Mouette enragée

Boulogne sur Mer, le 14 septembre 2015

 

 

Notes :

  1. Voir l’article de l’université de Laval sur les risques sociaux et environnementaux dans l’Arctique : http://archives.contact.ulaval.ca/articles/passage-ouvert-contestation-184.html
  2. lire intégralement l’article de Séverinne Evanno sur http://orientxxi.info/magazine/egypte-canal-de-suez-encore-un,0727
  3. Le canal n’a été fermé qu’à deux reprises : en 1956-57 et en entre 1967 et 1975.
  4. Le nouveau canal de Suez, principale voie de transit pour le commerce maritime mondial pourrait bientôt rapporter 13,2 milliards de dollars de droit de passage. L’estimation des autorités égyptiennes se base sur l’augmentation attendue du trafic sur le canal.
  5. L’élargissement du canal de Panama permettra le passage de navires transportant jusqu’à 12 000 conteneurs, soit le double de la charge actuelle. Parallèlement, déjà saturé, le passage augmenterait de 3% par an jusqu’en 2025.
  6. Les États-Unis ont mené la construction du canal de Panama, sur lequel ils se sont arrogés une concession léonine à partir de son inauguration en 1914 jusqu’à sa rétrocession en 1999. Un accord leur permet encore aujourd’hui d’intervenir si la neutralité de la voie est menacée. Pour rappel, l’intervention militaire US en 1989 pour destituer l’ancien agent de la CIA Norirga alors au pouvoir et devenant encombrant. Détail notable : “Le 29 décembre 1989 l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, par 75 voix contre 20 et 40 abstentions, une résolution condamnant l’intervention militaire des États-Unis au Panama. Sept jours plus tôt, le 22 décembre 1989, l’Organisation des États américains (OEA) a, elle aussi, condamné  l’opération « Just Cause ». Par une autre résolution, l’OAE a condamné la violation de l’immunité diplomatique des locaux de l’ambassade de Nicaragua à Panama-City. Cependant, il n’y a eu aucune résolution à caractère contraignant. Plusieurs jours d’âpres débats au Conseil de sécurité des Nations unis n’ont abouti à rien : la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont utilisé leur droit de veto en estimant que 35 000 soldats américains déployés dans la zone du canal du Panama.” Source : http://fr.sputniknews.com/french.ruvr.ru/radio_broadcast/54259610/64183725/
  7. «Les travaux sont totalement paralysés, tant du côté Pacifique que du côté Atlantique», a déclaré à l’AFP Saul Mendez, secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du secteur de la construction admet ( Si,si!) le site http://www.batiactu.com le 1è janvier 2O12.
  8. Le consortium international (GUPC) conduit par le géant du BTP espagnol Sacyr, également composé de la firme italienne Impregilo, de la belge Jan de Nul et de la panaméenne Constructora Urbana. Source : http://geopolis.francetvinfo.fr/panama-lelargissement-du-canal-centenaire-subit-des-retards-34597
  9. Nicaragua, Nicaragüita est certainement la chanson la plus connue du Nicaragua. créée par Carlos Arturo Mejía Godoy, membre de la première période sandiniste, après l’insurrection de 1979. Elle est un hymne à la liberté datant de cette période et, parallèlement, fait référence au Diriangen, un chef indien qui a lutté contre les conquistadores espagnols.
  10. Sommaire historique (politique intérieure récente) : Anastasio Somoza est l’homme fort du Nicaragua sur lequel il règne de façon autoritaire de 1936 à 1956. Ses fils Luis et Anastasio lui succèdent avant que les rebelles du Front sandiniste de libération (FSL), qui dénoncent la corruption du régime, ne s’emparent du pouvoir à la fin des années 1970. L’adoption d’un modèle de développement socialiste, en pleine crise économique, s’avère difficile. De plus, le sandiniste Daniel Ortega, qui est élu à la présidence, doit composer avec une guérilla armée qui reçoit l’appui des États-Unis. Des négociations permettront d’apaiser les tensions et, éventuellement, de mettre fin au conflit. La victoire de l’opposition dirigée par une femme, Violeta Chamorro, lors des élections de 1990, précède un virage vers le libéralisme économique qui ne suffit toutefois pas à résoudre tous les problèmes du pays. Malgré une plus grande stabilité politique, le Nicaragua demeure un des pays les plus pauvres des Amériques, une situation avec laquelle Ortega, qui n’adhère plus au marxisme, doit composer à son retour au pouvoir, en 2006.

Source : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMHistoriquePays?codePays=NIC

  1. Infos largement puisées dans : http://www.rfi.fr/hebdo/20150626-nicaragua-grand-canal-chinois-amerique-centrale-social-environnemen
  2. le Groupe CMA CGM possède deux opérateurs portuaires : Terminal Link et CMA Terminals, formé de CMA CGM (60%) et Terminal Link (40%), société détenue à 51% par l’armateur français et à 49% par China Merchant Holdings International. CMA CGM fournit son expertise dans les terminaux pour un service optimum, Terminal Link, est un opérateur portuaire qui grandit grâce à une stratégie de développement consistant à : Fournir des terminaux avec un service de haute qualité pour chaque compagnie de transport maritime ; Optimiser la valeur financière et la profitabilité de chaque terminal ; Maintenir un portefeuille client diversifié.
  3. Détail dans http://www.meretmarine.com/fr/content/cma-cgm-fait-de-kingston-son-hub-dans-les-caraibes
  4. Jean-Rémy Villageois estime que le Grand Port maritime de La Martinique et celui de la Guadeloupe ont tout intérêt à établir des relations de coopération. « On ne sera plus en attitude d’observation l’un vis-à-vis de l’autre », décrit-il. Il indique qu’en attendant que le décret de création d’un conseil interportuaire, soit publié, les partenaires peuvent commencer à travailler. http://www.lantenne.com/Deux-des-trois-volets-de-la-reforme-en-place-enMartinique_a8683.html Réaction de Ségolène Royal : « C’est quand même curieux, cet argent engagé en même temps sur les deux ports, ces dégâts environnementaux… Les transporteurs risquent de faire jouer la concurrence. Et l’a-t-elle accepté de cofinancer deux fois ? », ( Sur la première tranche de travaux de Jarry évaluée à 87,7 millions d’euros, jusqu’en 2016, l’Europe apporte 18,7 millions.
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/07/en-guadeloupe-conteneurs-contre-pecheurs_4589299_3244.html#XZz92T4E4q3saw0q.99
  5. Source : http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/07/en-guadeloupe-conteneurs-contre-pecheurs_4589299_3244.html
  6. Lire le courrier adressé à François Hollande par le LKP le 9 février 2015 sur http://ugtg.org/article_2188.html

 

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Troisième mort en huit mois sur le site sidérurgique d’Arcélor Dunkerque

Troisième mort en huit mois sur le site sidérurgique d’Arcélor Dunkerque

 

Décidément, rien ne change. Depuis sa création, plusieurs dizaines de travailleurs ont trouvé la mort sur le site sidérurgique de Dunkerque. Au cours de ces huit derniers mois, trois ouvriers ont encore perdu la vie à leur poste de travail. Le premier a été percuté par une chargeuse, le second écrasé par un wagon, le dernier a chuté le 13 juillet dans une coulée de fonte liquide. Cette énumération funèbre dément à elle seule la politique d’affichage de la direction de l’usine qui n’a jamais cessé d’affirmer qu’entre ses murs “la sécurité demeure centrale”.
Les restructurations engagées au tournant des années 80, ont fait du site Dunkerquois une usine compétitive selon les critères de la profitabilité capitaliste avec trois fois moins de salariés qu’il y en avait à l’époque(1). Les camarades du Syndicat de Lutte des Travailleurs d’Usinor-Dunkerque (2) expliquaient à cette période que les conséquences de cette politique étaient de deux ordres : “une multiplication d’accidents graves liés à la productivité et un autre aspect qui entre en ligne de compte dans le nombre d’accidents graves, c’est une certaine politique de la direction d’Usinor qui est de ne tenir aucun compte des mises en garde qui sont faites sur les problèmes de sécurité (3) … » Une réalité jamais démentie jusqu’à aujourd’hui puisque quelques semaines avant le dernier accident mortel en date, un intérimaire (4) avait déjà fait une chute tombant à côté d’une coulée du haut-fourneau nº 2. Le danger avait été identifié et avait fait l’objet d’un signalement après une enquête du CHSCT sans qu’aucune suite ne soit donnée.
Dernièrement des “records de production” ont été atteint à Dunkerque et la direction ambitionne déjà de réaliser une nouvelle performance en produisant 7 millions de tonnes d’acier à l’horizon de 2018. Pour parvenir à leurs fins les dirigeants successifs du site se sont appliqués tout au long de ces années à imposer aux salariés de nouvelles techniques de management toujours plus dissolvantes. Depuis les premiers “cercles de qualité” jusqu’à l’actuelle “implication de l’individu, le rendant responsable de sa sécurité et de celle des autres”, on réalise le terrain que la patronat n’a cessé de gagner en parvenant à imposer son idéologie à mesure qu’il supprimait toujours plus de travail vivant. La riposte syndicale est d’ailleurs assez éloquente, un membre de la CGT avouait dans la presse régionale : “ On se sent un peu impuissant”

Boulogne sur mer, le 20/07/2015.

 

Notes :

(1) En trente ans, l’effectif de l’usine est passé de 10 000 salariés à un peu plus de 3 000 aujourd’hui.
(2) http://lamouetteenragee.over-blog.com/article-au-pays-d-usinor-la-projection-et-le-debat-autour-de-l-experience-du-syndicat-de-lutte-des-travai-86223870.html
(3) http://lamouetteenragee.over-blog.com/article-projection-debat-au-pays-d-usinor-le-23-septembre-a-20h30-84086093.html
(4) Aujourd’hui 15 % des travailleurs d’Arcélor Dunkerque sont des intérimaires ou des salariés précaires.

 

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Fin de partie pour la Scop Seafrance ? Mythe et limites d’une expérience coopérative

Fin de partie pour la Scop Seafrance ? Mythe et limites d’une expérience coopérative

 

C’est une fois encore la concurrence acharnée pour le contrôle du marché Transmanche qui a motivé la non reconduction du contrat initialement passé entre le groupe Eurotunnel et la Scop Seafrance. Cette fois, par un renversement d’alliance Jacques Gounon a rompu les engagements qui liaient son groupe à la coopérative en louant ses navires au concurrent d’hier, la compagnie danoise DFDS.

Qui pensait sérieusement que l’union nouée entre le Syndicat Maritime Nord, exclu de la CFDT et le groupe Eurotunnel résisterait aux échéances fixées par l’accord ? En août 2013, convaincus du contraire nous écrivions : “ Lors de ces derniers mois, les marins de Seafrance ont démontré une réelle détermination dans la lutte, tant à l’encontre de leur ancienne direction que contre l’appareil de la CFDT. Ils ont par ailleurs résisté sans fléchir à l’une des pires campagnes de dénigrement orchestrée par les médias à l’encontre de travailleurs en lutte. Nous aimerions imaginer qu’ils pourront à l’avenir se consacrer exclusivement à l’élaboration de nouvelles manières de penser et vivre leur activité. En réalité, nous croyons qu’à terme ils seront appelés à reprendre le chemin de la lutte, tout comme leurs camarades des autres compagnies condamnés, comme eux, à subir la guerre que se livrent sur la Manche les patrons du secteur …”(1). Force est de reconnaître que deux ans plus tard, le conflit est de nouveau à l’ordre du jour.

Le trafic Transmanche à l’heure de la métropolisation.

Pour le patron d’Eurotunnel, ce serait la guérilla juridique que lui mènent de concert l’autorité britannique de la concurrence (CMA), et son rival DFDS qui le contraint à jeter l’éponge. Accusé de position dominante sur le marché Transmanche, il s’est vu interdire l’accès du port de Douvres à ses navires. Depuis, la cour d’appel de Londres a annulé cette décision et les ferries de la compagnie My Ferry Link circulent à nouveau. Il est avéré que le groupe franco-anglais a acquis une position dominante sur le marché mais c’est pour lui la condition indispensable afin de rester maître du jeu et de redistribuer les cartes au gré de la conjoncture. Un rang à tenir qui peut occasionnellement se payer de quelques escarmouche en justice.
En réalité, la raison de la rupture est d’un autre ordre. Elle repose sur les intérêts qui opposent le groupe Eurotunnel à la région Nord-Pas-de-Calais et depuis peu à la Scop Seafrance. Sur la Côte d’Opale, comme partout ailleurs sur le territoire, affleurent de grands projets d’aménagement portés, ici, par les initiateurs d’un “Pôle de Métropolisation du Littoral”. A sa tête on retrouve le Conseil régional aux mains du Parti Socialiste qui travaille à fusionner les deux ports de Boulogne-sur-mer et Calais au sein d’une seule entité pilotée par une société anonyme dans le cadre d’une délégation de service public. Tablant sur une croissance de 40 % du trafic Transmanche pour les quinze ans à venir, un plan de grands travaux prépare une extension assez spectaculaire de l’actuel port de Calais(2) afin de doubler sa capacité. Ironie de l’histoire, le groupe Eurotunnel, qui, de “grand projet” qu’il fut baptisé en son temps, se voit aujourd’hui disputé son titre et sa place et décide à son tour de saisir les tribunaux pour dénoncer une entreprise menaçante et par trop subventionnée … Au milieu de cet imbroglio juridico-financier, Jacques Gounon se devait d’envoyer des signaux rassurants à ses actionnaires au moment où, de son côté,  la direction de la Scop  rendait public ses projets pour l’avenir.

Du syndicalisme à un patronat sous label coopératif

Le mariage d’intérêt célébré entre les ex de la CFDT et Eurotunnel offrait l’avantage aux marins de sauvegarder pour un temps leurs emplois ainsi qu’un cadre collectif de lutte, ce qui, avouons – le, n’est pas rien dans une région comme le Calaisis. Elle avait par contre le défaut de placer la scop dans la position inconfortable d’un sous-traitant assujetti au desiderata du groupe ferroviaire sur un marché très concurrentiel. Et contrairement à ce que certains pensent encore, le coopérativisme ne préserve en rien des rapports marchands et sociaux qu’impose la logique capitaliste. S’imaginant sans doute s’émanciper de cette tutelle, le promoteur puis président du conseil de surveillance de la Scop, Didier Capelle, caressait depuis peu le projet de bâtir une société d’économie mixte (SEM) adossée à certaines collectivités locales qui auraient reçu le soutient et l’engagement financier de la région pour le rachat des trois ferries sur lesquels naviguaient les anciens de Seafrance. Une solution qui mettait au mieux Eurotunnel devant l’obligation d’accepter d’être actionnaire minoritaire, au pire de revendre ses parts. Se rêvant sans doute à la tête de sa propre entreprise, l’ex patron du Syndicat Maritime Nord informa le PDG d’Eurotunnel de son dessein, non sans avoir préalablement révoqué de la scop l’un de ses proches. La réaction de Jacques Gounon fut immédiate et sans appel, il loua les bateaux à une société concurrente et la coopérative se retrouva placée en redressement judiciaire.

Hiérarchie et lutte de Scop

Il n’en fallut pas d’avantage pour que les divisions hiérarchiques s’exacerbent et mettent à leur tour en crise la coopérative Seafrance. Une fraction des salariés, c’est à dire la totalité des cadres, les commandants et les officiers s’est alors rangée auprès du directoire de la scop proche du patron d’Eurotunnel. Sous la tutelle du syndicat FO ils ont décidé de créer une nouvelle Scop afin de solliciter la bienveillance de Jacques Gounon après qu’il ait déclaré poursuivre une activité de transport maritime avec un seul navire au lieu de trois. Cette scission de l’encadrement d’avec la base des marins démontre, s’il le fallait encore, que non seulement la hiérarchie perdure au sein d’une Scop, mais qu’en cas de difficulté, une lutte sans fard s’y déclare entre les différents échelons de la main d’oeuvre comme dans n’importe quelle autre entreprise capitaliste.

Et maintenant ?
Au delà des démêlées juridiques sur le devenir fortement compromis de la scop, deux questions essentielles se posent dorénavant aux marins. La première, dans l’hypothèse probable où la coopérative disparaît, la loi prévoit que les sociétaires perdent la totalité de leur apport initial, soit dans le cas présent plusieurs milliers d’euros qui provenaient des indemnités de licenciement versées après la disparitions de la filiale de la SNCF. Hors, Eurotunnel avoue avoir engrangé des profits dans cette affaire, le groupe compte-t-il en restituer une partie aux salariés ? Il est permis d’en douter. Par ailleurs, se révèle au travers de cet exemple de la scop Seafrance toute l’ambiguïté du statut de sociétaire, qui entremêle les conditions du salariat à une forme de participation et d’association au capital qui entretient la fable d’un capitalisme différent, plus équitable.
Le deuxième point, concerne la disparition du registre sous lequel travaillent encore les marins de la scop, celui du pavillon français. Celui-ci disparaîtra de la surface de la Manche si la faillite de la coopérative est actée. Ce qui signifie dans le cas où ces marins se retrouvent à embarquer pour une des compagnies de ferries concurrentes de devoir accepter des conditions de travail, de navigation et de rémunération autrement plus défavorables. La défense des conventions de travail afférentes à ce registre est un des points cruciaux de la partie qui se joue actuellement. C’est un des leviers qu’il s’agirait d’actionner auprès des marins des autres compagnies, en réclamant son application à l’ensemble des navires qui circulent entre la France et l’Angleterre, dans un premier temps. C’est cette solidarité affirmée dans le cadre de la lutte qui pourrait ouvrir des brèches dans le front uni qui veut la peau de la scop. Dans le cas contraire, la défense du pavillon français apparaîtra comme un combat d’arrière garde aux relents corporatistes et patriotards assez nauséabonds.
Pour le moment les marins se réunissent régulièrement en assemblée générale sur le Rodin afin de préparer les actions : entrave au débarquement de navires du concurrents DFDS, blocage du port, de l’autoroute A 16 et enfin du Tunnel sous la Manche. Ils ont reçu le soutien d’une partie du personnel de la CCI Côte d’Opale qui s’est également mis en grève. A suivre …

 

Boulogne-sur-mer, le 27/06/2015.


Encadré : La nature du contrat établi entre la Scop et Eurotunnel.

La scop Seafrance emploie 600 salariés dont 370 travaillent en CDI sur trois navires et 106 à quai du côté français, les autre embauchent en CDD, enfin quelques dizaines sont des travailleurs britanniques. Concrètement le donneur d’ordre achetait les traversées à la Scop, il encaissait le chiffre d’affaire du transports, du fret et des véhicules de tourisme tandis que la Scop recevait le bénéfice des ventes à bord. Mais au final, c’était Eurotunnel qui garantissait l’équilibre financier de ce marchandage. Selon les critères de gestion capitaliste, l’entreprise apparaissait rentable avec un chiffre d’affaire en hausse de 25 % et un équilibre financier proche d’être atteint avant les délais établis.


(1) in : “La scop : tentative de réappropriation collective ou nouvelles formes de dépossession des travailleurs. Seafrance/My Ferry Link”https://lamouetteenragee.noblogs.org/post/2013/08/16/la-scop-tentative-de-reappropriation-collective-ou-nouvelles-formes-de-depossession-des-travailleurs-seafrancemy-ferrylink/

Sur le début de la lutte également consulter : https://lamouetteenragee.noblogs.org/post/2012/02/15/la-liquidation-de-sea-france-ou-le-grand-bal-des-faux-culs/
(2) Calais est actuellement le premier port français et le deuxième port européen de voyageurs. Il accueille chaque année plus de 10 millions de passagers. Pour une présentation du projet “Calais Port 2015” : http://www.nordpasdecalais.fr/upload/docs/application/pdf/2014-07/a5_port_francais.pdf

 

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Maltraitance dans la sous-traitance

Maltraitance dans la sous-traitance

 

Depuis les années 2000, les luttes se multiplient dans le secteur de la sous-traitance. Les sociétés privées chargées de la propreté pour les passeurs d’ordres – qu’ils soient privés ou publics – ont des pratiques des plus contestables en termes de respect des conditions de travail. En 2002, la lutte des femmes de ménages travaillant pour le groupe Accor avait fait grand bruit. Un documentaire en avait même été tiré (1) et plus récemment, la lutte à la gare d’Austerlitz. Aujourd’hui ce sont les personnels d’entretien intervenant à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) qui nous intéressent. Les années passent, mais les pratiques restent les mêmes.
Onet malhonnêtes » ! (2)

Comme pour les précédents combats, le problème vient de la sous-traitance en tant que telle. En 2013, le marché du ménage dans la grande bibliothèque est ré-ouvert à la concurrence mais les budgets restent stables alors que les tarifs des entreprises de nettoyage augmentent. Même si les responsables affirment que la note technique attribuée aux concurrents lors de l‘analyse des offres pèse autant que la note financière, nous ne sommes pas dupes. En ces temps de « rigueur budgétaire », c’est le moins disant qui remporte le marché. Et c’est comme ça que l’équipe affectée à la BNF par l’entreprise Onet est passée de 63 personnes à 44; en gardant bien sûr les mêmes surfaces à entretenir. L’expérience d’une employée est édifiante à ce sujet (3): elle travaille sur 12 étages, 6 jours par semaine et ce pendant 5h00 d’affilées. S’ajoutent à cela les remplacements à l’interne. Tout ça pour un salaire de 850€ par mois! On ne s’étonnera pas dans ces conditions de l’augmentation de la fatigue à la fois physique et nerveuse et de la multiplication des accidents du travail ;

Les travailleurs ont alerté leur société depuis bien longtemps, ainsi que la direction de la BNF. Les premiers ne réagissent pas, évidemment. Les seconds ne s’en mêlent pas car ils ne sont pas les employeurs directs. Cette allégation est exacte sur le papier mais ils sont bien responsables de cette situation de par le fait qu’ils ont fait le choix il y a des années de l’externalisation. Les grévistes ne s’y trompent d’ailleurs pas. Au-delà des revendications de base: passage de certaines personnes en CDI, 13ème mois, augmentation des heures supplémentaires pour pouvoir faire leur travail; ils demandent surtout la ré-internalisation du ménage à la BNF. Ils sont en cela soutenu par le syndicat SUD Culture BNF qui, à l’inverse d’autres, ne fait pas de différences entre les salariés travaillant à la BNF – qu’ils soient employés directement par celle-ci ou non, ils ont les mêmes droits.

La grève commencée le 9 avril s’est arrêtée le 21 sur décision des personnels. 42 des 44 employés d’Onet étaient en grève. Afin de cacher au mieux ce mouvement, la direction de l’entreprise a envoyé des cadres nettoyer les halls et les toilettes (!), quant à la BNF elle a demandé à son personnel de recharger en rouleau de PQ les WC (!) (4). L’indifférence par rapport à ce mouvement était d’ailleurs assez générale parmi les publics fréquentant l’établissement. Alors qu’ils croisaient chaque jour les grévistes les étudiants travaillant dans les locaux de la BNF n’avaient cure de la lutte qui se menait à quelques mètres de leur table de travail et de leurs manuels.
Néanmoins cette lutte ne fut pas totalement vaine. Les employés ont réussi à arracher quelques avancées : paiement de 3 jours de grèves (!), embauche de 3 salariés en CDI, attribution de 100h supplémentaires et engagement de la BNF de mettre en place une charte sociale avec son « partenaire » pour maintenir les droits des salariés.
Cette lutte est bien une dénonciation de plus de la sous-traitance qui permet à nombre de donneurs d’ordres de se dédouaner des conditions de travail imposées aux salariés sous prétexte qu’ils ne sont pas les employeurs directs. La ré-internalisation de ces services ne résoudra certes pas tous les problèmes mais permettra peut-être à ces travailleurs exploités de mieux faire entendre leurs revendications.

(1) Remue ménage dans la sous-traitance un film d’Ivora Cusack
(2) Un des slogans des personnels en grève sur le site Tolbiac
(3) Témoignage d’une employée à lire sur le site de Streetpress ici: http://www.streetpress.com/sujet/1429270313-greve-bnf-agents-entretiens-onet
(4) écoutez à ce propos l’émission de sons en lutte ici : http://www.sonsenluttes.net/spip.php?article816

 

 

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Après les scrupules, c’est la mémoire qui flanche : Boulogne sur Mer vs Waterloo

Après les scrupules, c’est la mémoire qui flanche : Boulogne sur Mer vs Waterloo

 

En 2000, déjà, un Collectif Anti Impérialiste dénonçait le rendez-vous affligeant de milliers de spectateurs passifs des reconstitutions de batailles napoléoniennes. Assez maladroitement habillées de l’alibi d’une rencontre entre l’Histoire et l’économie (définition locale du tourisme), ces soudardes frasques sont toujours liées à l’idolâtrie pathologique pour les associations et à la rentabilisation du territoire pour les institutions et les marchands. C’est oublier un peu vite que les “grands hommes” sont parfois d’assez petits messieurs et que le prestige des uniformes ne peut masquer des réalités sociales qui résonnent, elles aussi, furieusement aujourd’hui.

Ainsi, outre la tendance bonapartiste révélée par les congrès des partis en besoin de pouvoir , dans une époque aussi trouble que le XIXéme siècle enfanté dans la douleur, l’absence d’une petite comémo de Waterloo se fait cruellement sentir.

Petite piqûre de rappel : cliquer ici

PS : pour les royalistes qui ont raté le camp du drap d’or, il y a les 500 ans de Marignan à la rentrée (14 et 15 septembre)

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Retour sur le procès dit « de la mutuelle des fraudeurs »

Retour sur le procès dit « de la mutuelle des fraudeurs »

 

TGI de Lille, le 2 juin 2015. Procès dit « de la mutuelle des fraudeurs » mise en accusation par Transpole, filiale de Keolis, elle-même filiale de la SNCF, assurant la délégation de service public pour les transports en commun de la métropole lilloise.

Retour sur le procès dit « de la mutuelle des fraudeurs »

Nous assistons d’abord à la condamnation d’un homme originaire de l’est de l’Europe. Il se défend seul pour des actes qu’il a déjà reconnu face à la police : une effraction, suivie de vol de boissons et de barres chocolatés. La puissance judiciaire le réduit aux larmes et au regret. Elle sera sans compassion pour lui. Les parties civiles demandent une indemnisation à hauteur du préjudice, 1045 euros, mais le Procureur de la République, qui a le dernier mot dans le déroulé du procès, requiert dix-huit mois d’incarcération. Il écope de douze mois de prison fermes. Menotté, il demande le droit d’embrasser sa mère. Le juge leur octroie une accolade. L’ambiance est toujours aussi rance dans les tribunaux de France. Nous savons pourquoi nous détestons cette justice.

La salle d’audience est pleine de personnes venues en soutien aux deux personnes inculpées de la mutuelle, qui, une fois n’est pas coutume, ont eu le droit de rester debout au fond. Le juge, qu’on a auparavant aperçu arriver avec Le Figaro sous le bras, détaille les charges qui pèsent sur elles, au nom d’une loi sur la presse datant de… 1881 : l’incitation à la commission d’un délit par voie de presse – numérique ici, en l’occurrence, par le biais d’un blog. On leur reproche une « incitation à la fraude à l’encontre de Transpole ». La fraude n’est évidemment pas un délit, mais elle l’est presque devenue avec la création récente d’un « délit d’habitude » pour les fraudeurs récidivistes. C’est du moins, l’argument de l’avocate de l’entreprise qui accuse donc ces deux membres de la mutuelle d’avoir propager des idées encourageant « le vol régulier » de Transpole.

La première étape du procès, consiste à évaluer la solvabilité des prévenus. L’un gagne 650 euros par mois, l’autre touche presque le SMIC. On sent d’emblée que l’intérêt du tribunal ne va pas le moins du monde aux fonctions qu’occupent les accusés dans leur travail, mais plutôt à la somme éventuelle qu’il pourra leur soutirer par la suite. On interroge ensuite les camarades sur la dite mutuelle des fraudeurs. Le juge tente de savoir si ces deux là sont « les chefs de l’organisation ». Il est toujours difficile pour une institution hiérarchique verticale d’appréhender l’autogestion. Le juge essaie de pointer leur responsabilité individuelle, quand tous les deux se réclament d’une lutte collective, dont l’objet est à la fois d’éviter que des personnes s’endettent auprès de Transpole, mais aussi de militer pour la gratuité des transports et dénoncer l’acharnement tarifaire à l’encontre des pauvres « qui n’ont pas besoin de se déplacer », comme l’a souligné l’avocate de Transpole lors d’une précédente audience. Une entraide, spontanée, politique, attaquée et traitée comme une association de malfaiteurs… Transpole cherche surtout des moyens de résorber son déficit, qui se chiffre en dizaines de millions d’euros, en appliquant des tarifs qui augmentent chaque année et en multipliant les procès à ceux et celles qui ne peuvent pas endurer le prix de des tickets ou des abonnements.

Retour sur le procès dit « de la mutuelle des fraudeurs »

Le juge aimerait que ce procès soit dissuasif pour les accusés qui dénoncent « un procès politique au service de Transpole » et de sa chasse aux pauvres. On sent la pression politique, médiatique et des entreprises de transport sur la justice, quand le juge s’inquiète soudainement pour la SNCF : « Vous n’avez pas les moyens suffisants pour faire ça avec la SNCF tout de même ? » Car la fraude régulière, c’est le nouveau cauchemar pour la filière, plus avare que jamais, et à qui il faut toujours plus de fric. Les tribunaux sont là pour leur permettre d’en obtenir une partie. Rapidement, le procès tourne à la tribune pour nos camarades, qui déploient leurs arguments, mettent en avant la solidarité de leur engagement et la dimension collective des choix, des actions, des textes, des publications, de la mutuelle des fraudeurs. Voyant que leur discours ne va pas plier sous son poids, le juge fait le tour de ses assesseurs.

Les tentatives de questions tournent vite court. Surtout quand on tente d’expliquer aux accusés que leur action semble inutile et déconnectée de la réalité, puisque la reconnaissance « d’un état de grande nécessité » existe dans la justice française, et chez Transpole. Pas de bol, nos camarades ont assistés aux procès qui ont eu lieu à la rentrée pour les premiers « fraudeurs d’habitude » : amendes sévères, prison avec sursis, prison ferme. Voilà ce que leur a valut leur « état de grande nécessité » manifeste pendant leurs procès. Fin de ce débat. Le Procureur intervient alors pour poser une question sur les inscriptions à la mutuelle : « Quels justificatifs demandez-vous ? » Il reste muet quand les accusés répondent « la confiance ». C’est un sentiment qu’un Procureur ne doit pas éprouver souvent envers une autre personne que pour lui-même. « C’est un monde de rêve », croit ironiser le juge pour reprendre la main. « C’est un monde de justice sociale », concluent nos camarades. Fin de la ronde. La parole est donnée à l’avocate de Transpole.

Saisissant l’idée au vol, elle ose, au milieu des soupirs et des souffles estomaqués de la salle, tenter de démontrer que son employeur fait, lui-aussi, dans la justice sociale « avec sa politique tarifaire ». Elle lance, carrément : « Vous n’avez pas le monopole de la justice sociale ». Il fallait le faire. La dernière campagne d’affiche de Transpole est pourtant d’un autre ton. Elle dit : « Fraudeur, tu vas prendre cher ». Et, à ce jour, personne n’a encore pu trouver le « service social » de Transpole… On vous passe son couplet sur les millions d’euros de perte que représenterait la fraude… Keolis n’a réalisé qu’un bénéfice à peine au-dessus de cinq milliards en 2013. Les actionnaires ont déjà dû tout se partager… Ridicule, l’avocate de Transpole plaide également « pour le mécontentement de ceux qui participent ». Ce qui veut dire, « ceux qui paient leurs tickets »… Elle demande finalement 2000 euros de dommages et intérêts et 1500 euros pour ses frais d’avocat. Le Procureur, tout en reconnaissant aux accusés le droit de militer pour les transports gratuits « Pourquoi pas, après tout, pourquoi pas ?! », doit concéder que l’audience ressemble plus à une tribune donnée par Transpole à deux membres de la mutuelle des fraudeurs, qu’à un procès. Mais bien sûr, « c’est inadmissible » d’inciter à commettre « des infractions ». Il ne suit pas l’avocate. Il demande 1000 euros par tête, et qu’une des scellée de la perquisition effectuée à leur domicile au moment des gardes à vue ne leur soit pas rendu : un pot contenant 800 euros, que souhaitent récupérer nos camarades.

Délibéré le 1er juillet !

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Rassemblement en soutien aux inculpés de la mutuelle des fraudeurs + Presse libre en procès

Rassemblement en soutien aux inculpés de la mutuelle des fraudeurs + Presse libre en procès

Le 17 avril 2014, deux membres de la mutuelle des fraudeurs se font perquisitionnés puis placés en garde à vue prolongée pour délit de presse, on leur reproche de s’occuper du blog de la mutuelle et d’inciter par ce biais à la fraude.

Pour rappel la mutuelle des fraudeurs, c’est un collectif qui existe depuis septembre 2009 à Lille. Elle lutte pour les transports gratuits et permet à ceux qui n’ont pas les moyens de se faire rembourser leurs amendes.

Lors de la perquisition, leurs ordinateurs ainsi que plus de 800 euros en liquide sont saisis. C’est Transpole qui attaque, son nouveau créneau : la chasse aux fraudeurs, la chasse aux pauvres… Transpole en profite le jour même de l’arrestation pour sortir un communiqué de presse sur son nouveau projet de caméra intelligente qui leur permettra de repérer les « flux » de fraudeurs.

Leur procès a lieu ce mardi 2 juin à 14h, un rassemblement est organisé à 13h30 jusqu’à la sortie des camarades.

Soyons nombreux pour faire pression sur la justice et obtenir la relaxe.

 Rassemblement en soutien aux inculpés de la mutuelle des fraudeurs + Presse libre en procès

Ce procès est à mettre en lien avec d’autres affaires en cours, comme celle de ce militant toulousain qui a été arrêté et mis en procès pour avoir publié un article sur un site militant. Voir :

https://iaata.info/Arrete-ton-char-lis-et-ecoute-les-medias-libres-731.html

1 1 74 09 99 192.168.0.1 en procès pour lire et soutenir la presse libre

Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Je risque 5 ans de prison et 40 000 euros d’amende parce que je suis lecteur et solidaire de la presse libre…

Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Parce que ce sont des traces numériques que le grand filet de la surveillance a relevées, des traces d’appareils électroniques.

Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Parce que je suis un parmi d’autre, des femmes et des hommes, qui ont plus à craindre qu’à espérer de l’action de l’Etat.

Je suis celui qui « faisait l’apologie de la violence »[1], qui rédige le « vade-mecum du parfait casseur »[2]. Pour les 755 000 lecteurs et lectrices de la Dépêche je serai toujours « un homme de 40 ans, qui avait incité sur un site internet à commettre davantage de casse… »[3]. Et ce au mépris d’un certain nombre de règles légales, la présomption d’innocence par exemple. Mais combien cela me coûterait-il de porter plainte ? Pour quel résultat au final ? Est-ce que cette justice qui m’attaque est capable de me défendre ? J’en doute.

Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. La police est venue me chercher à 6h30 du matin. J’ai passé 10 heures dans une geôle qui sentait l’urine, ils ont menacé de venir chercher mon fils au lycée, de m’inculper pour apologie de terrorisme… Parce que je lis et que je soutiens la presse libre.

Presse libre parce que libérée des intérêts marchands. Presse libre parce que diverse et déterminée, ancrée localement au plus près des luttes. Une presse qui ne me dit pas quoi penser mais qui me donne à voir, à comprendre, en prenant clairement position.

L’espace médiatique est la grande scène où se situent les scènes principales de la vie collective ; elle les compose et elle les reflète.[4]

Sans ces sites internet, ces radios libres, ces journaux il y a tout un tas de choses que je n’aurais sans doute jamais sues. Quelques exemples : Bilal Nzohabonayo tué par la police et qui a été présenté tout d’abord comme djiadiste, c’est grâce au travail du site le Rotative.info que la version policière sera démentie; les circonstances réelles de la mort de Rémi Fraisse sont révélées dans leur intégralité par Reporterre avant que cela soit admis officiellement ; la grève de Radio France en février qui annonçait la plus longue grève de la radio publique de son histoire a été relayée sur Canal Sud et d’une manière générale, ce sont des medias libres qui relaient les paroles des personnes qui luttent. La richesse et la diversité de cette presse est incommensurable. Si je n’ai plus la presse libre je deviens à moitié aveugle. Mon monde n’est plus exprimé que par des artistes et des journalistes, des économistes et des experts, avec qui j’ai, socialement, peu de chose à voir. Cette presse là, ne me donne pas de prise sur le monde qui m’entoure. Au contraire, cette information me le rend distancié, flou, parce que sans correspondance avec ma vie et mes préoccupations. Comme si ce que je vivais n’avait pas de consistance collective. Le monde semble vivre à mille lieux de mon expérience concrète, du chômage, de la précarité, de l’injustice que je constate autour de moi.

À la façon des lunettes, les journaux fabriquent des non-vu à partir duquel le monde est vu[5].

Ces derniers mois ont eu lieu de nombreuses manifestations à Toulouse. Systématiquement la presse locale et nationale a titré sur les « violences », le verre brisé, les courses poursuites. Ça manquait cruellement de certains détails. J’ai vu 500 policiers pour 300 manifestant.e.s, j’ai vu la violence et le mépris vis à vis de tout ce qui ne portait pas d’uniforme. J’ai vu des hommes cagoulés, armés, bloquer des rues. J’ai vu des citadin.ne.s gazé.e.s sans distinction. J’ai vu les condamnations judiciaires pleuvoir sur des personnes arrêtées au hasard. J’ai vu les entorses à la procédure. J’ai vu la violence du maintien de l’ordre.

Je n’ai rien lu de tout cela dans la presse dominante[6]. Il n’y a que la presse libre qui s’en est fait le relais.. Ce seulement là que j’ai perçu que je n’étais pas seul à être scandalisé et en colère. Au bout de ces mois d’occupation policière et de procès expéditif, comme si cela ne suffisait pas, je me retrouve moi aussi pris dans la machine judiciaire.

Je sais que mon cas n’est pas isolé. Je sais que beaucoup, qui comme moi, luttent pour un monde débarrassé de l’exploitation et des dominations, connaissent la prison, les vexations, les mutilations… Je sais que beaucoup, parcequ’ilelles sont au mauvais endroit au mauvais moment, parce qu’ilelles ont la mauvaise couleur de peau, le mauvais passeport, parce qu’ilelles sont pauvres, connaissent aussi la prison, les vexations, les mutilations…

Je sais que ce système repose sur une part non négligeable de violence légale. Je le sais parce que je le vis, mais aussi parce que je peux connaître des cas semblables, savoir ce que beaucoup vivent. Parce que je lis la presse libre.

Est-il donc absolument impossible d’opposer aux puissances de l’élimination l’organisation des éliminés ?[7]

Ces sites, ces radios, ces journaux sont une organisation concrète des éliminé.e.s, des exploité.e.s, des dominé.e.s, des opprimé.e.s. Et c’est pour ça qu’on les attaque, qu’on veut les faire taire.

Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Je risque 5 ans de prison et 40 000 euros d’amende pour faire taire la solidarité et la presse libre !

Quelques exemples de presse libre :

Rebellyon, Paris-Luttes.info, Brest-Info, Renverse.ch, la Rotative, Reims médias libres,IAATA ; Rennes Info, le Jura libertaire, « Article 11 », Soyons sauvages, Espoir Chiapas, Collectif Bon pied bon oeil, Atelier médias libres, « Courant Alternatif », Primitivi, « Jef Klak », le Numéro Zéro, La Brique, « La Lettre à Lulu », Révolte numérique, Radio Zinzine, zad.nadir.org, Contre-faits, l’Actu des luttes (FPP), Journal Résister (Nancy), Revue Lutopik, L’Envolée pour en finir avec toutes les prisons, Lundi Matin, Radio Canut, Lignes de force, Demain le Grand Soir, Archyves, Revue « Z », Le Canard sauvage, Indymedia Nantes, Hors Sol Confusionnisme.info, Mille Babords, « La Gazette de Gouzy », « le Monde libertaire », Regarde à Vue, radio Canal Sud, La Horde, radio La Locale (Ariège), le collectif de Infoaut,…

Notes

[1] La dépêche du vendredi 8 mai 2015 page 21

[2] 20 minutess.fr en ligne le 07 mai 2015

[3] La dépêche op.cit.

[4] Georges Balandier, Le pouvoir sur scènes, Paris, Fayard, 2006, p. 163.

[5] Patrick Champagne, Faire l’opinion : le nouveau jeu politique, Paris, les Éd. de Minuit, coll. « Le Sens commun », 1990, p. 244

[6]Avec quelques exceptions notables le plus souvent des tribunes ou des blogs périphériques (le monde, médiapart)… Finalement des points de vue qui ne rentre pas dans la catégorie « information ».

[7] B. Brecht Théorie de la radio 1932 La radio appareil de communication. Discours sur la fonction de la radio

 Rassemblement en soutien aux inculpés de la mutuelle des fraudeurs + Presse libre en procès
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Brochure disponible sur la lutte à la Redoute

Brochure disponible sur la lutte à la Redoute

 

Voilà plus d’un an que la lutte à la Redoute s’est achevée par l’amère trahison de la CFDT qui a signé un plan de licenciements de 1 178 personnes d’ici 2018 alors même que le rapport de force s’était ancré dans l’entreprise grâce à l’action des Redoutables. Un an après, les départs en pré-retraite et les « départs volontaires » ont commencé en attendant les licenciements secs. En parallèle, les conditions de travail se dégradent, on demande de faire tout aussi vite avec moins de personnes tandis que la direction construit un nouveau centre logistique ultra-moderne qui n’a rien a envié aux conditions de travail chez Amazon par exemple.

Brochure disponible sur la lutte à la Redoute

Dans cette brochure, nous vous proposons une compilation des textes écrits pendant et après la lutte des Redoutables. C’est l’occasion de se replonger dans ce combat qui a permis l’expression d’une certaine autonomie et une certaine radicalité chez les ouvrier-es. Cette brochure est là également pour tenter de faire un bilan de ce que sont devenues la plupart des grèves d’entreprises aujourd’hui et d’affirmer que dans cette période de débâcle sociale généralisée, seule la lutte paie !

Pour vous procurer la brochure au format papier, elle est disponible gratuitement : au Kawa, (105 Rue Faidherbe à Boulogne-sur-Mer) ou au Havane (37 grande rue toujours à Boulogne). Sinon, vous pouvez la commander contre frais de port à l’adresse postale de la Mouette Enragée.

Brochure à télécharger ici

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