Mélenchon, Berger, Martinez … Bas les pattes !
Nous voulons gagner ? Alors, ne les laissons pas nous déposséder de notre lutte !
Rapidement, il nous faut faire autre chose, autrement et plus vite !
Sur tous les tons et à l’unanimité, la presse bourgeoise loue « l’unité syndicale ». Sans jamais en vérifier la véracité ni parvenir à en déchiffrer le contenu, elle célèbre la responsabilité dont feraient preuve les deux leaders intronisés, Berger et Martinez. Voyez donc : des cortèges syndicaux fournis comme on en avait pas vu depuis longtemps, une ambiance au mieux folklorique au pire soporifique, un taux de gréviste stable ou décroissant à chaque nouvelle date, une jeunesse largement absente et atone, une police discrètement répressive… tous les ingrédients sont réunis pour que la mise en spectacle de la contestation ravisse les chaines d’information en continu. Jusqu’à Mélenchon et ses insoumis qui en jouant les trouble-fêtes à l’Assemblée Nationale pimentent le scénario, assurant le succès et la pérennité de la pièce jusqu’au prochain et sans doute dernier acte …
Le piège de l’unité syndicale
Contrairement à ce qu’affirment les bureaucrates et les journalistes, « l’unité syndicale » n’existe pas. C’est au mieux une formule médiatique vide de sens et de contenu, au pire la dernière étape en date de l’intégration d’un syndicalisme ouvrier moribond. En réalité, l’idylle que vivent face caméra Martinez et Berger porte à l’écran le projet d’un syndicalisme rassemblé couvé par les fractions les plus intégrationnistes de la CGT, à quelques semaines de son 53°congrès.
Bien que recentrées l’une comme l’autre, mais chacune au regard de son histoire particulière, la CGT se confronte toujours en interne à des difficultés plus saillantes que sa rivale. Les dernières lois sur la représentativité et le dialogue social ont circonscrit le cadre des rapports qu’entretiennent désormais les partenaires sociaux ; et à ce petit jeu, la CFDT bénéficie d’une bonne longueur d’avance. Déboussolée, la CGT est tiraillée entre d’un côté, ceux de ses membres qui actent les nouvelles règles, et aspirent à mener à son terme le processus de normalisation dont les centrales de la CES sont devenues le modèle ; et de l’autre, les secteurs attachés à une histoire se référant encore à la lutte des classes, mais où les repères politiques ont vacillé.
Par ailleurs, le projet du syndicalisme rassemblé n’entend laisser personne au bord de la route et les manoeuvres d’appareils ont déjà commencé aux échelons intermédiaires et supérieurs entre la CGT, la FSU et Solidaires. Nous reviendrons quand il sera utile sur cet autre volet du dossier.
Mais, c’est quoi le syndicalisme rassemblé ?
C’est très simple, c’est un syndicalisme d’appareil, vertical et hiérarchique, qui recherche et soutire sa légitimité auprès des institutions de la bourgeoisie et de son Etat. C’est le syndicalisme de Laurent Berger et vers lequel lorgne Philippe Martinez avec envie. Dans les faits, c’est un syndicalisme qui substitue à la lutte des classes sur le terrain le lobbying auprès des patrons, des politiciens et de l’Etat. C’est un syndicalisme de collaboration de classe et de service, recroquevillé à l’échelle de l’entreprise, effrayé par la grève, incapable de gagner quoi que ce soit en dehors de marchandages à la petite semaine, à coups de primes et d’accords pourris, dans l’entre soi des bureaux de la direction. Pour mémoire et à une autre échelle, en 2003, la CFDT ratifiait la casse des retraites avec la droite au gouvernement. En 2016, main dans la main avec le Parti Socialiste, elle validait la Loi travail de El Khomri et Macron. C’est un syndicalisme qui prospère à la fois sur la perte de confiance des travailleurs en leur propre force et sur la dépolitisation/droitisation d’une part grandissante de la société.
C’est ce syndicalisme rassemblé qui depuis le début de la contestation écrit la partition de ce qui risque de s’inscrire comme une nouvelle défaite sociale d’ampleur, si nous ne reprenons pas la barre en mains au plus tôt. Depuis le début, la stratégie des deux porte-paroles s’est limitée à vouloir faire entendre raison aux députés de l’assemblée nationale sur « l’article 7 ». Ils regrettent qu’on n’ait pas laissés ces derniers mener leurs débats dans le respect des règles de la bienséance parlementaire. Cette chanson, Martinez et Berger sont allés l’entonner jusque sur les plateaux des chaînes télévisées, propriétés du grand patronat français et de son Etat … Nous n’avons pas entendu le filet de voix de la FSU, mais il y a fort à parier qu’il serinait le même refrain.
Nous devons donc nous inquiéter, quand ce même Laurent Berger annonce que : « Le 7 mars ne sera pas la prolongation du bordel de l’Assemblée, dans les rues (…), c’est la poursuite du mouvement syndical orchestré depuis la première manifestation, le 19 janvier dernier. » Après les députés, seraient-ce les sénateurs que le démocrate Berger entend convaincre avant de rentrer au bureau ?
Leur démocratie n’est pas la nôtre !
Précisons d’emblée qu’à l’inverse de Berger et Martinez, la posture adoptée par les députés LFI au parlement ne nous choque aucunement ; ni même que le ministre Dussopt se soit trouvé caricaturé ou taxé d’assassin. Quelle farce que tout cela … Ce qui nous révolte, c’est d’entendre certains entretenir l’illusion que la classe ouvrière aurait encore quelque chose à attendre des politiciens ; hormis bien sûr, comme l’affirmait Malatesta, « si la masse ne l’impose par son agitation ! » Et dans ce cas, pourquoi s’arrêterait-elle en si bon chemin ? Car c’est de cela dont il est question : La Question Sociale et Démocratique ! Et c’est justement de cela dont ne veut pas entendre parler monsieur Berger, pas plus que monsieur Martinez d’ailleurs, qui escompte seulement de ne pas avoir à le confesser.
Dans la partie qui se joue, JL Mélenchon n’est pas plus un allié des travailleurs en lutte que ne le sont les leaders syndicaux. Sa « révolution citoyenne » n’est qu’une figure de style propre à rhabiller le vieux programme social-démocrate dont il ne s’est jamais départi. On ne mord pas la main qui vous a nourrie, quand bien même on ramène une femme de chambre et un cheminot sur les bancs de l’hémicycle. On en a vu d’autres et sous d’autres étiquettes, bien avant ces deux là …
Tout le pouvoir à la base !
Que va-t-il se passer à partir du 7 mars ? Rien, strictement rien de décisif, si l’ensemble des travailleurs mobilisés depuis le départ continue de s’en remettre aux ordres envoyés depuis Paris. A la base, certains l’ont compris et c’est vers eux qu’il faut se tourner et avec eux qu’il nous faut agir en priorité. Déterminés et convaincus nous sommes nombreux, et nous saurons nous reconnaître quand l’heure viendra.
Quelques signaux nous ont été envoyés depuis les dernières grèves sauvages des contrôleurs de la Sncf et des contrôleurs aériens. Dans ces deux cas précis, le caractère corporatiste de l’action n’est ni à ignorer, ni à négliger. Pour autant, ces grèves ont déjoué le cadre contraignant imposé par la réglementation et ont mis en difficulté le gouvernement ; elles indiquent la voie à emprunter. Surtout, elles ont pris le contre-pied des bureaucraties qui, d’abord soucieuses de « rester populaires auprès de l’opinion publique », s’étaient rétractées à la veille des départs en vacances. Imaginez un peu : les médias bourgeois avaient crié au scandale et désigné les coupables à la vindicte…
Et puis alors ? Nous n’allons pas jouer les effarouchés ! Combien de temps encore, allons nous les laisser nous intimider ? Leur capacité à nous nuire n’a d’égale que notre silence à leur égard. Combattre pied à pied la poignée de nantis : Bouygues, Bolloré … qui depuis ses plateaux de télévision façonne à sa guise l’état d’esprit de la population, fait partie intégrante de l’équation que nous devons résoudre.
Mais surtout, la base capable d’emmener une dynamique efficace ne se limite pas aux seuls syndiqués, loin de là. Elle compte autant de non-syndiqués aussi conscients de leurs intérêts, et parfois même plus, que ceux qui le sont (1). On retrouve parmi ceux là quantité de désabusés des manigances d’appareils. L’enjeu sera de jouer l’élargissement tout en restant ferme sur la forme autant que sur le fond. Pour y parvenir, il nous faut reprendre confiance en notre force collective qui en réalité est énorme. Le répertoire du mouvement ouvrier historique doit nous y aider : grève reconduite en assemblée générale décisionnelle, occupation, blocage, sabotage, solidarité …
Nous ne pouvons compter que sur nous mêmes, on en débat, on s’organise !
Boulogne-sur-mer, le 22/02/2023.
- On en revient toujours aux Gilets Jaunes… N’oublions pas qu’en 2003, à Boulogne-sur-mer, les acteurs de la lutte, celles et ceux qui animaient l’assemblée générale et reconduisaient quotidiennement la grève et les actions, étaient majoritairement des salariés non-syndiqués. Il en était de même à bien des endroits sur le territoire ! Pendant ce temps, nombre de syndiqués étaient repartis au boulot, ce qui avait donné du grain à moudre aux adeptes de la thèse de « la trahison » des syndicats. Comme si les syndicats avaient quelque chose ou quelqu’un à trahir … Reprendre cette thèse prouve seulement qu’on n’a rien compris à la fonction d’un syndicat. En quelques textes, devenus depuis des classiques, E.Malatesta énonce clairement ce qu’on est en droit d’attendre, et rien de plus, du syndicalisme. Nous invitons à relire ou à découvrir ces articles qui sont plus que jamais d’actualité.