Vers un renouveau de la contestation enseignante ?
Si la journée du 13 janvier est annoncée d’emblée comme une succès on ne saurait la considérer qu’en regard de la période et du passif qu’accusent depuis trop longtemps les travailleurs du secteur en matière de contestation et de mobilisation.
Avec une quinzaine d’écoles élémentaires fermées dans l’agglomération boulonnaise ce jeudi, la journée de grève s’avère plus suivie qu’à l’accoutumée. A dix heures le matin, tournant le dos à la sous-préfecture, les représentants syndicaux se félicitent le micro à la main de cette «journée historique».
Le rassemblement a réuni une grosse centaine de personnes : des enseignants et du personnel titulaire, mais aussi des travailleurs précaires du secteur comme les AESH, AED, des parents d’élèves, des lycéens et des syndicalistes d’autres industries.
Certes, on peut se réjouir d’observer les salariés de l’éducation retrouver des réflexes élémentaires de résistance qui leur ont particulièrement fait défaut ces derniers temps. Reconnaissons également que des mobilisations offensives ont ponctuellement vu le jour comme en atteste la répression qui s’est abattue çà et là à l’encontre de militants syndicaux ou de simples professeurs en lutte dans leurs établissements respectifs. Mais à l’échelle nationale, l’atonie a gagné la profession depuis longtemps ; depuis 2003 affirment certains, arguant que les enseignants ne se seraient toujours pas remis de cette défaite …
Dans les faits, comme n’importe quel autre secteur de la production ou de la reproduction celui de l’éducation est aujourd’hui un environnement morcelé, travaillé en interne par de multiples divisions et contradictions que l’offensive managériale et les attaques structurelles de ces dernières décennies ont profondément déstabilisé. L’individualisme et le repli sur soi s’y sont développés comme partout ailleurs. Bref, l’école est à l’image du reste de cette société.
Cette journée annonce-t-elle un tournant et un renouveau de la contestation ?
Les temps à venir nous le diront. Sans se bercer d’illusions, il était intéressant d’observer que les prises de paroles n’ont fait qu’une part relative à la «question sanitaire». C’est une remise en question plus globale de l’école, de sa fonction comme de son fonctionnement qu’on a entendu à plusieurs reprises. Un professeur de lycée a déploré lors de son intervention ne plus pouvoir enseigner, contraint qu’il était de littéralement maltraiter ses élèves. Non pas en regard de la situation sanitaire actuelle, mais sous la pression des dernières «réformes» imposées à la profession sans plus de discussion. Quelques minutes plus tard, un lycéen confirmait ses dires avouant que la pression était devenue insupportable et le poussait, lui et ses camarades, à en venir à détester les professeurs ! La guerre de tous contre tous, voilà le crédo de l’école capitaliste dans sa dernière mouture libérale-autoritaire.
La personne de Jean Michel Blanquer ou l’école capitaliste ?
C’était inévitable, c’est d’abord et avant tout sur la personne du ministre que s’est déversé ce matin et dans la rue tout le ressentiment accumulé depuis trop longtemps. Un défoulement comme en a essuyé dans d’autres circonstances la personne d’E.Macron. Pourtant, cette fois encore, ce serait une grave erreur de s’imaginer que l’autoritarisme et les pitreries qui singularisent le personnage aient quoi que ce soit à voir avec le cap que s’est donné l’Etat en matière d’éducation.
Le malaise est profond, mais il ne doit pas nous aveugler. L’école n’est pas «le sanctuaire» que la propagande d’Etat nous vante quand il y a le feu au lac, elle ne l’a jamais été et elle ne le sera jamais. Elle s’adapte aux conditions actuelles de la production capitaliste et de la reproduction sociale. L’école du «service public» est une école au service du capital, rien de moins, rien de plus. C’est à partir de cette évidence qu’il nous faut au plus vite reprendre la réflexion.
Boulogne sur mer, le 13/01/2022