Nouvelle marche de nuit des Gilets Jaunes
L’ordre républicain règne à Boulogne-sur-mer
Avons-nous vécu ce vendredi 5 avril le crépuscule de la mobilisation ? Sans l’affirmer, reconnaissons que nous n’étions pas les seuls à nous interroger. Au sein de chacun des groupes réunis sur la place Dalton, on discutait, on s’observait, on se jaugeait. Avec sa centaine de participants, cette marche de nuit parviendrait-elle à s’élancer, enfin ?
En attendant que la détermination l’emporte, nous en avons profité pour discuter avec quelques personnes venues de l’extérieur. Des dunkerquois, des gens de Béthune, de Lille … Chacune évaluant l’état de la mobilisation dans sa ville et relatant les dernières expériences vécues à Paris, Bruxelles et ailleurs… C’était un concentré des épisodes précédents. Néanmoins, la joie d’avoir partagé des moments rares et collectifs était tempérée par l’évidente décrue que nous constations de visu en ce début de soirée. Les Gilets jaunes de Boulogne-sur-mer étaient pourtant présents, du moins le noyau dur.
« De l’audace, toujours de l’audace ! »
Pour l’occasion, nous avions amené avec nous quelques exemplaires du journal des camarades Gilets Jaunes de Toulouse. Ce numéro 2 de « Jaune, le journal pour gagner* » contient notamment un article qui a retenu notre attention. Il énonce « des proposition concrètes pour aller plus loin en Gilet Jaune », au nombre desquelles figurent :
– la recension des secteurs en lutte et la discussion de ce que l’on pourrait faire ensemble
– la constitution de Défenses Collectives face à la répression.
– la mise en contact et le partage de pratiques qui marchent.
A un moment où le mouvement est sans doute à la croisée des chemins, ces propositions devraient pouvoir être discutées collectivement afin, peut-être, de retrouver un nouveau souffle.
Nous fûmes agréablement surpris en constant que pour cette deuxième diffusion locale, le journal n’était plus accueilli avec étonnement ou circonspection. Plusieurs personnes le connaissaient et d’autres nous en ont réclamé. Dans tous les cas, il était le bienvenu. Preuve en est que l’information circule en dehors des prétendus « réseaux sociaux ». L’écrit et le papier doivent continuer à occuper toute leur place dans les luttes mais pour cela, il faut sans doute réfléchir à se départir de certaines pratiques trop routinières. Le journal « Jaune » est une réussite et un exemple de ce qu’il est possible et nécessaire de réaliser.
l’ordre républicain règne à Boulogne-sur-mer
La bourgeoisie qui depuis novembre en a plein la bouche de son « Etat de droit » et de sa « démocratie » nous a démontré une fois encore ce qu’on est en droit d’attendre d’elle lorsqu’on ne se résigne plus à courber l’échine sous le joug de sa violence sociale.
Une compagnie de CRS s’était postée à l’endroit même du lieu de rassemblement. Quelques-uns de ses membres toisaient les manifestants, le fusil d’assaut en main. Sur les trottoirs des alentours d’autres policiers veillaient. Aux carrefours, des motards bloquaient l’ accès aux rues environnantes. L’ordre avait été donné de ne pas autoriser la déambulation nocturne et de déjouer toute tentative de s’y soustraire.
« La rue, elle est à nous ! »
« Cette manifestation est interdite ! Montez sur le trottoir !
– Qui l’a interdite ?
– Je ne sais pas, je ne suis pas responsable, montez sur le trottoir, là vous foutez la merde ! »
Bravant l’interdiction, le cortège se mit enfin en branle et nous donna quelques occasions d’apprécier l’éloquence finement ciselée de cette police républicaine. Déjouant le dispositif, prenant les voitures de la maréchaussée à rebrousse-poil, les slogans résonnèrent dans la nuit : « Police partout, justice nulle part », « anti, anti, anti-capitaliste ! » et même un étonnant « Révolution, Révolution, Révolution… ». Il y eut aussi une Marseillaise entonnée à un moment, mais cette fois, pas de drapeau tricolore agité au vent ; le « bleu-blanc-rouge » resta l’apanage des uniformes qui bientôt réussirent à nous marquer à la culotte.
Le trop faible nombre des manifestants rendit bientôt l’occupation des boulevards impossible. La police fila de nouveau le cortège et parvint à l’immobiliser. S’ensuivit quelques échanges surréalistes. L’un des membres des forces de l’ordre prenant la posture du maître d’école irascible s’égosillait par derrière une haie en ordonnant de répondre : « Qui a parlé, là ? Hein ? Qui a dit quelque chose ? »
Et maintenant ?
Prenons un peu de recul. Une nouvelle crise mondiale couve actuellement sous les cendres de la précédente. Tôt ou tard elle plongera dans un abîme de pauvreté des millions de personnes déjà acculées à la difficulté. Les actuelles mobilisations en Algérie ne sont qu’une illustration particulière et localisée de cette récession mondiale qui frappe l’ensemble des territoires où le capitalisme a étendu son emprise. Le mouvement des Gilets Jaunes avec ses limites et ses contradictions a fait la démonstration que le pouvoir de la bourgeoisie pour inflexible qu’il apparaisse n’est pas si invulnérable qu’il le prétend. Les convulsions à venir apporteront leur lot de nouvelles luttes entre les classes. L’un des défis à relever et non des moindres pour le prolétariat, sera de parvenir à combiner ses forces par-delà les frontières. Les oripeaux tricolores, même pour la bourgeoisie, ne sont plus en vérité que l’expression d’un folklore suranné. Le Jaune a symbolisé la tentative de renouveler les modalités de la lutte face aux obstacles propres à la période, à son tour il disparaîtra le moment venu. La lutte continue, il revient aux prolétaires et à eux seuls d’en fixer les modalités à venir, d’en tracer les nouveaux chemins.
Boulogne-sur-mer, le 06/04/2019
* « Jaune-Le journal pour gagner » à retrouver sur le site : https://jaune.noblogs.org