A plusieurs reprises la comité local des chômeurs C.G.T. se trouva à l’initiative de diverses actions et autres manifestations de rues : barrage filtrant devant les ASSEDIC à St Martin-Boulogne, action à la C.A.F. Boulevard Clocheville, rencontres avec des responsables de la C.C.I. et du C.C.A.S. Pour avoir assisté ou participé de son côté à ces initiatives comme à d’autres en d’autres lieux, la Mouette saisit ici l’occasion de tirer quelques enseignements.
Aux dires du directeur de l’antenne locale de l’ ANPE, Boulogne-sur-mer compterait 17 % de demandeurs d’emplois (1). Si on ajoute à ces chiffes les non-inscrits sous tous profils, nous arrivons plus sérieusement à un taux supérieur à 20 %. On peut donc s’interroger sur le pourquoi d’une si faible mobilisation locale en plein mouvement de chômeurs. Face à l’ absence complète de mouvement comme à Calais ou à Dunkerque, on peut se féliciter de l’initiative syndicale mais l’occasion permettait pourtant de multiplier les initiatives et de lancer le débat dans bien des directions. C’est ce que nous ferons publiquement le 13 juin à partir de 15 heures dans la salle du C.C.A.S. de Boulogne-sur-Mer.
Les acteurs de la mobilisation
Soulignons d’abord l’ absence de l’ADEFOR. Il est vrai, que cette association largement subventionnée, ressemble par trop à une amicale de dames patronnesses pour tenter de faire bouger un temps soit peu les choses. Proche de la C.F.D.T. elle assume son rôle de pompier social, affirmant avec une certaine candeur aux copines de la Mouette de passage dans ses locaux qu’ A.C. ! (Agir contre le chômage) “est une organisation politique, des durs… »
Du côté de la C.G.T., c’est un peu différent. On a eu l’occasion de rencontrer des gens sympathiques et intéressants à la base (2). Mais il est clair que la stratégie du syndicat reste dans la forme comme sur le fond, celle d’une structure verticale qui compte nombre de relais au gouvernement. On s’interroge encore sur la réelle prise en charge du mouvement par les chômeurs eux-mêmes, quand ceux-ci se retrouvent à distribuer la propagande gouvernementale de leur syndicat sur les 35 heures… D’autre part, s’inviter au C.C.A.S. ou a la C.C.I., quand le jour même on ouvre sur la ville une nouvelle antenne ASSEDIC, c’est stratégiquement très fort… Pour l’anecdote, quelques membres de la Mouette y ont attendu à l’intérieur et à l’extérieur de l’édifice durant une partie de la matinée une très hypothétique arrivée de renforts (3).
Sur le fond des revendications, localement, rien de très original n’est apparu, comme ailleurs, l’accent a été mis sur le retour à l’emploi, la hausse des minima-sociaux, la prime de 3000 francs et les fameuses pour ne pas dire fumeuses 35 heures.
En ce qui nous concerne
Pour l’occasion, la Mouette et la Confédération Nationale du Travail (4) avaient décidé d’un commun accord de faire entendre un autre son de cloche. Nous avons essayé de prendre contact avec des chômeurs/euses au moment où le conflit était le plus médiatisé. Les réactions étaient timides, mais lorsque les gens se décident à parler, il apparaît clairement que la coupe est pleine. A plusieurs reprises, nous avons distribué nos tracts devantl’A.N.P.E.ou sur le marché de la place Vignon. Ils le furent également à Dunkerque et Berck par les camarades de la CNT. Il est toutefois difficile de bousculer les habitudes et l’isolement avec un discours qui ne fait sens que lorsqu’il est partagé avec une communauté en lutte.
Tract diffusé par la Mouette et la CNT
Il nous est aussi apparu important de pointer le danger qui existe à séparer des conditions qui ne sont que celles qu’impose le système lui-même, de désamorcer le discours, qui depuis quelques années maintenant, présente aux yeux de l’opinion ceux qui se vendent à un patron comme des nantis. Pour nous, l’exploitation au travail comme la misère vécue par celles et ceux qui se raccrochent aux minima-sociaux n’est qu’une et même conséquence de l’exploitation capitaliste. Dans ce cas, l’alternative ne se situe pas dans un retour à l’emploi définitivement hors propos mais dans la remise en question du travail salarié lui-même. Ce qui ne signifie aucunement la fin de toute activité de production mais sa redéfinition et son partage en fonction des besoins définis par la collectivité elle même.
Et maintenant
A l’heure où nous tapons ces lignes, nous préparons un forum public qui se tiendra le samedi 13 juin dans la salle du C.C.A.S. de Boulogne-sur-mer. La Mouette Enragée, l’Organisation Communiste Libertaire, la Confédération Nationale du Travail/Côte d’Opale, la Fédération anarchiste/Côte d’Opale appellent au titre du collectif “Vivre Autrement” à venir débattre du mouvement des chômeurs avec une intervention du comité des privés d’emploi de la CNT de Béthune, de la criminalisation du mouvement social avec l’intervention d’un occupant d’une antenne ASSEDIC de Lille victime de la répression. Et enfin, du travail salarié et de sa remise en question par un camarade de l’OCL.
Boulogne-sur-mer. Juin 1998.
Notes
(1) Cette personne que nous avons rencontré personnellement l’année dernière ne semblait pas des plus précis sur le nombre réel de chômeurs que compte la ville.
(2) Pour ce qui est des « chefs » c’est une autre histoire… Ne t’inquiète pas Daniel, on ne te volera pas ton fond de commerce, on n’en veut pas. Et il ne faut pas toujours croire ce que l’on raconte sur les méchants manipulateurs anarchistes …
(3) Bien sûr que c’est aux chômeurs/euses de déterminer les modalités de l’action, mais dans le cas présent, était-ce véritablement le cas ?
(4) La C.N.T. est une organisation syndicale qui se réclame du syndicalisme révolutionnaire et de 1’ anarchosyndicalisme. Elle se considère en France comme l’héritière de la C.G.T.S.R. ou de la C.N.T. espagnole. Elle est maintenant présente sur Boulogne et ses environs.