Pour ceux qui l’auront vécu in vivo, c’est à dire hors micro trottoir « pour ou contre » des quotidiens, la bagarre contre le CPE aura donné un éclairage riche d’enseignements sur sa jeunesse, qu’on aurait pu croire irrémédiablement atone.
Une manif, vue des remparts
Tout d’abord le mouvement a été de fait initié par les lycéen-nes qui n’auront jamais cessé de le porter. Et ce n’est pas un hasard au regard de la situation socio-économique dévastée de la région. Une poignée d’étudiants ont du ramer pour embringuer la fac dans un combat qui, a priori, semblait extérieur, tant dans son contenu que par ses enjeux, à leurs pairs. De rares profs auront de leur côté tenté de convaincre les élèves de la nécessité de descendre, au moins, dans la rue.
Certes l’université de la Côte d’Opale n’a pas d’Histoire, ni apparemment d’histoires, et il aura fallu une amplification nationale et dans la durée pour que ça bouge enfin.
Lors de la première AG à la fac Saint Louis, les échanges lycéens/ étudiants ont été révélateurs. Sur la question du blocage, l’argument majeur des étudiants : « les examens en fin d’année » aurait du tomber face à l’évidence que le bac est aussi un examen important pour les lycéens qui prônaient et mettaient en œuvre dans leurs bahuts le blocage afin de justement devenir étudiant… Le pas aura été franchi par des étudiants en économie qui avaient annoncé la couleur : » Nous, on s’en fout, de toute façon on sera vos patrons «
L’opposition à la lutte de ces derniers sera avérée quand, lors d’une AG ultérieure, au moment du vote pour le blocage, ils sont allés chercher leurs copains en cours afin de voter contre le blocage de la fac .
Néanmoins, il serait malhonnête de faire l’impasse sur l’engagement réel et solidaire des étudiants qui se sont mobilisés sur le fond du problème, du moins dans son expression générale « CDI pas CPE « .
Rappelons qu’une trentaine de lycéens-nes et étudiant-es aura été présente dans la rue pour le tractage, la discussion avec les gens, le sit-in, le « cache-cache banane bleue » avec les flics presque quotidiennement entre deux journées de mobilisation nationale.
Redisons le, les lycéens boulonnais ont fait montre d’une coriacité remarquable. Il est enfin, et surtout, une dimension qu’il sera bon à l’avenir de prendre en compte : la maturation politique de ceux-ci, ou au moins de quelques-un-es qui auront au jour le jour consacré leur énergie, leur temps et leur volonté à la construction d’un mouvement auto-organisé, qui renouvelle ses modes d’action, essaie de taper au plus juste et se devait d’être à la mesure de l’échelon national.
L’encadrement des manifs par la CGT (et la police) n’aura pas toujours réussi à garder une dimension « raisonnable » aux actions. Ainsi, le blocage du rond-point Leclerq aura été plus ample et solide qu’attendu. Les tentatives du “syndicaliste paternel” de service pour limiter l’action se sont arrêtées devant l’évidence de la pleine possession par les lycées et étudiants de leur mouvement.
En dehors des manifs nationales, les travailleurs, en activité ou non, ont surtout brillé par leur soutien moral à l’exception notable du blocage de Capécure (de façon bien plus symbolique qu’efficace au regard de la lutte pour les retraites) où les travailleurs de la Continentale-Nutrition rejoins par une partie des manifestants du matin. De leur côté, les cheminots apportèrent leur assistance à l’occasion de l’occupation des voies de chemin de fer.
En dernier recours, devant les faits, le SNES notamment, affirmera que les jeunes étaient “manipulés !”. Quel mépris! On notera que ces circonstances ont tout de même amené les CRS, démontrant par là même le choix judicieux des modes d’actions. Le rallye vers l’ANPE aura apporté le sens de l’humour indispensable aux luttes qui durent.
Au final, si les premiers cortèges ont été folklos, marrants, partiellement alcoolisés, le sérieux de l’engagement forge bon nombre de futurs travailleurs à l’envie de défendre « son bout de gras « . Les heures de cours perdues se rattrapent, les moments passés ensemble auront offert d’autres enseignements majeurs : la nécessité du débat, l’indéfectible solidarité face aux provocations, les choix stratégiques et tactiques, l’appropriation du mouvement.
Aujourd’hui dans le Boulonnais on est un peu plus nombreux à le savoir : seule la lutte paie !
Boulogne-sur-mer. Septembre 2006.
Notes:
1) Cette première avait été l’occasion pour la Mairie PS de venir faire sa propre promotion sur fond de violon au » futurs électeurs « .
2) Au final 435 pour ; 799 contre (option soutenue par l’administration).