“C’est notre mouvement! Si vous n’êtes pas d’accord, vous sortez !”

À Boulogne-sur-Mer, la mobilisation lycéenne précède de plusieurs semaines celle des étudiants qui ne rejoindront le mouvement que sur la pointe des pieds. Une lutte riche d’enseignements qui mit aux prises les lycéens et l’encadrement syndical de l’éducation nationale.

     L’ Université du Littoral, de création récente, éclatée en trois pôles localisés à Calais, Dunkerque et Boulogne-sur-mer ne compte qu’un faible nombre d’inscrits au regard de ses homologues lilloises. C’est l’archétype de ces petites facs de province, sans histoire de lutte et dont les étudiants demeuraient jusqu’ il y a peu indifférents à toute forme d’initiative collective.

    Cette fois, une minorité a franchi le pas, non sans heurts comme en témoigne ce prof après un vote sans surprise qui verra l’emporter le «non au blocage » : « J’ai assisté à des scènes ahurissantes, les étudiants mobilisés ont en face d’eux de chers collègues et leurs étudiants pro-C.P.E qui ne reculent pas devant les moyens, j’ai moi même été bousculé et attrapé au col par l’un d’eux, l’ambiance était très tendue »(1).

PROGRESSIVEMENT…

     Sur la côte, le C.P.E signe l’acte de naissance d’une contestation étudiante dont les lycéens demeureront le principal ressort Rapidement, les trois établissements de la ville sont bloqués sous l’œil d’abord, “bienveillant» de quelques enseignants actifs en 2003 contre la réforme des retraites. Les mêmes animent depuis quelques semaines un collectif essentiellement syndical contre les suppressions de postes dans le secondaire (2) et vont assurer un rôle de tampon avec l’administration dont profiteront dans les premiers temps les bloqueurs. Un rapprochement qui à mesure que le mouvement s’affirmera, s’accompagnera de la part des membres du S.N.E.S d’une volonté déclarée d’encadrement pour finalement verser dans le chantage et le dénigrement

     De son côté, l’union locale C.G.T qui assure le bordurage des cortèges ne semble pas goûter les initiatives prises à partir de la fin mars. Boudant le défilé hebdomadaire, une bonne cinquantaine d’étudiants et lycéens mènent des actions spontanées de blocage à la sortie de la gare de bus puis, sur les principaux axes de circulation du centre ville. Auparavant, ils s’étaient rendus sous les fenêtres du M.E.D.E.F pour y scander un: “À bas l’État, les flics et les patrons! ” repris jusque dans les colonnes du quotidien “La Voix du Nord”.

9359691 mAu pied des drapeaux CGT, les lycéens déroulent leur banderole sur les remparts de Boulogne « Nous n’arrêterons pas en si bon chemin », signe de leur détermination

      Ce jeu du “chat et de la souris” entamé avec la police, agace une C.G.T qui ne tarde pas à renâcler quand les lycéens entendent poursuivre leurs A.G. dans les locaux de la Bourse du Travail..

… VERS PLUS D’AUTONOMIE

     Dans son expression, la mobilisation rompt avec “l’apolitisme” benêt revendiqué par les étudiants des années 80, voire même par une partie de ceux de 1994 lors de la lutte contre le C.I.P.

     Aujourd’hui, on remarque ça et là des signes qui traduisent une approche volontairement politique/idéologique de ce qui se joue. Les textes militants sont bien accueillis et réclamés dans les manifestations (ci joint, un lien vers un tract de la Mouette), le contact avec les salariés de boîtes, pour certaines localement en lutte, se nouent plus naturellement qu’aux périodes antérieures, peut être parce que dans cette bagarre, ces jeunes se projettent en salariés. Les actions se multiplient, l’autonomie du mouvement se renforce attisant les tensions avec les appareils syndicaux d’enseignants

    Le point de rupture sera atteint après la participation de lycéens aux barrages mis en place par les ouvriers de l’usine “Continentale de Nutrition” bloquant le poumon économique de la ville: la zone industrielle de transformation des produits de la mer. La réaction du S.N.E.S et de la C.G.T est immédiate, présents à l’A.G lycéenne, ils dénoncent en vrac les manipulations de Sud-Éducation, des lycéens « fumistes » et pressent au soir du 28 mars chacun d’entre eux à retourner rapidement en cours… il n’en fallut pas plus pour que les lycéens rappellent à ces enseignants que : “C’est notre mouvement! Si vous n’êtes pas d’accord, vous sortez !”, ce qu’ils firent sur l’instant… Les limites étant posées, les actions reprirent de plus belle cette fois en toute liberté : occupation des voies de chemin de fer, blocage pour partie de la zone commerciale, péage gratuit sur l’A 16, relais en centre-ville…

Boulogne-sur-mer. Le 18/04/2006

 


Notes

(1)Un prof de l’université de droit-éco de Boulogne-sur-mer.

(2) Pour l’académie de Lille, 636 suppressions de postes sont annoncées dans le secondaire à la rentrée

Voir ce montage réalisé par les lycéens, signe de leur autonomie avancée

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