Presse locale et lobby policier « Tu me tiens, je te tiens… »

Presse locale et lobby policier

« Tu me tiens, je te tiens… »

A des degrés divers, et pour des raisons évidentes(1), la proximité de la presse et des médias avec l’institution policière est un fait établi de longue date. Les projecteurs aujourd’hui braqués sur les plateaux-télé et les colonnes des magazines du magnat Bolloré ne doivent pas nous aveugler car ce partenariat se pratique avec un zèle comparable au sein du service public de l’information, si cher au coeur de la gauche.

Le « journalisme de préfecture » ne relève pas que de la formule. Une coupure de presse locale nous le rappelle en ouvrant ses colonnes au rassemblement organisé il y a quelques jours devant le commissariat de Boulogne-sur-mer par le syndicat de police Alliance, en soutien à leur collègue accusé du meurtre de Nahel Merzouk par le parquet de Nanterre.

L’article en question est en soi un modèle du genre. L’euphémisation y tutoie à chaque ligne la duplicité. Un jeune homme désarmé n’a pas été abattu, il « a été neutralisé par un tir de policier lors d’un contrôle routier »(2), la révolte sociale qui s’en est suivie, spontanée, radicale, incontrôlable s’y trouve ravalée à des « heurts de contestation »(3)… La pondération déontologique du journaliste réduite à un numéro d’équilibriste renvoie chacun à ses responsabilités : « la scène filmée montre que le policier tire à bout portant », mais Nahel « conduisait une voiture sans être titulaire du permis. » Tout comme la députée d’extrême droite Christine Engrand arrêtée sur l’A16 en septembre 2024, lors d’un contrôle routier, sans qu’on lui ai pour autant logé une balle en plein thorax. Etonnant, non ?

Quant à Alliance, ce lobby corporatiste auprès des groupes politiques les plus réactionnaires dont le secrétaire général clamait en avoir « Marre des raclures, des nuisibles, des jeunes d’origine étrangère »(4), malgré la langue embrouillée de son délégué retranscrite dans les colonnes du journal, son intention demeure manifeste: « Ça fait partie de l’appréhension des collègues, à réfléchir (!), peut-être trop réfléchir (!) avant de faire une action de feu, qui est toujours légitimée… »

55 morts en 2024, le pire bilan policier depuis plus de 50 ans

Les sites Désarmons-les et Anti-média(5) ont établi une comptabilité et une cartographie du nombre de personnes décédées au fil du temps entre les mains de la Police Nationale et Républicaine. Il ressort de cet état des lieux une augmentation ininterrompue depuis vingt-cinq ans du nombre des victimes. L’année 2024 enregistre un record avec 55 morts, soit plus d’un par semaine. Il faut remonter à l’année 1967 en Guadeloupe, quand les gendarmes on tué entre 80 et 200 ouvriers lors de grèves consécutives à une agression raciste pour atteindre et dépasser cette performance…

Il apparaît évident que le travail établi par Désarmons-les et Anti-média, avec les limites qui sont les leurs(6), n’a aucune chance d’être entrepris par quelque média bourgeois que ce soit, raison suffisante pour s’en instruire et les soutenir.

Boulogne-sur-mer, le 15/03/2025

  1. Affirmer que la presse et les médias de masse sont aux mains de ceux qui détiennent le pouvoir économique et… politique, est incontestablement un poncif. A l’époque des flux et des réseaux, où l’image tourne en boucle sur elle-même, le journaliste pastiche, il n’informe pas.
  2. Affaire Nahel : rassemblement au commissariat. In : La semaine dans le boulonnais, 12 mars 2025.
  3. Dont il faut évidemment trouver l’explication dans l’incurie éducative des parents en milieu populaire, comme s’est plu à le marteler à l’époque des faits la clique Maconiste.
  4. https://www.mediapart.fr/journal/france/040724/marre-des-raclures-des-nuisibles-des-jeunes-d-origine-etrangere-le-patron-d-alliance-police-assume-sa-prox
  5. https://desarmons.net ; https://antidotmedia.noblogs.org
  6. « Ce chiffre de 55 morts par an, constaté dans des articles de presse, sous réserve d’autres cas passés sous les radars… ». Ibidem.
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