Dans le Boulonnais, comme ailleurs, une précarité stigmatisée !
D’après les chiffres, en France, 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 956 euros mensuels. Dans le secteur privé ce sont des milliers de licenciements quotidiens et dans la fonction publique, l’Etat applique sa politique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, et instaure parfaitement sa logique de rentabilité.
A la lecture des derniers chiffres publiés par l’Insee, l’idée désastreuse que l’on se faisait de la situation précaire du coin, devient soudainement plus que réaliste aux yeux de tous. Sur environ 20 000 foyers boulonnais, en 2008, on estimait à 8500 le nombre d’allocataires de minima sociaux (RSA anciennement RMI, ou l’AAH l’allocation pour adulte handicapé), et 25,4% de part d’allocataires dont les revenus dépendent à plus de 75% d’aides de la Caf. Le pourcentage de foyers fiscaux non imposables, toujours en 2008, était de 59,7%, supérieur à ceux de la région ou du département. Et seulement 52,8% de population active. Des chiffres qui, depuis, restent en constante augmentation.
Autant dire que Boulogne est davantage connue pour avoir vu grandir le footballeur Ribéry que pour son économie florissante.
La majorité des Boulonnais sous le seuil de pauvreté sont des travailleurs pauvres, les jeunes, les familles monoparentales, les retraités … et s’efforcent de survivre avec les aides sociales.
Et, s’il s’agissait de faire un classement des villes les plus pauvres de France, nous serions classés seizième à Boulogne. Le grand vainqueur dans le top 10 est la ville de Denain (Nord) avec notamment le plus faible revenu fiscal de référence moyen (6 724 euros par an) suivie de Roubaix. C’est dans ce top 10 que l’on retrouve les villes du Nord-Pas-de-Calais, Maubeuge, Calais, Tourcoing, Grande-Synthe, Lens, et le reste dans le top 20, autant dire que l’on décroche le gros lot en matière de pauvreté.
Et des charges qui font froid dans le dos
Puis, en cette période d’hiver, on nous annonce une augmentation faramineuse de la facture d’électricité. En plus de cette précarité croissante qui touche à grande échelle notre région, on peut également aborder le sujet de la précarisation énergétique, puisque pour se chauffer, il faut de plus en plus de revenus suffisants. Sans négliger que les personnes touchées sont généralement les plus mal logées et n’ont pas forcément tout le confort d’une isolation thermique et d’une installation électrique de première fraîcheur. On peut s’apercevoir que dans ces logements le taux d’humidité est particulièrement élevé (voire invivable) et qu’il est très difficile de chauffer les pièces. Ainsi, la facture est perçue telle «une décharge électrique» psychologique… On se retrouve avec des factures impayées, des coupures, des problèmes de santé et de logement, un moral fragilisé etc… Avec cette nouvelle promesse d’inflation des tarifs jusqu’en 2016, on est obligé de se poser des questions existentielles sur le devenir des personnes précaires ou au bord de la précarité.
Pauvre, coupable, et responsable !
A ce sujet, retour sur un épisode consternant, selon Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes (mais également en mission commandée comme les autres), «l’assistanat», plus précisément le cumul des aides sociales, le RSA, le chômage, serait «le cancer de la société française». Une chasse aux pauvres qui a encore trouvé écho avec cette idée «d’enfin mettre au
boulot ces profiteurs de RSA en faisant travailler gratuitement des personnes en recherche d’emploi», programme déjà en place et dissimulé au maximum. Ainsi, de nouveau un vaste plan de propagande est posé sur la table : demander à chacun-e de choisir le camp des honnêtes travailleurs contre celui des affreux cumulards! Et au passage, prendre à témoin l’opinion publique en lui donnant des éléments mensongers pour l’orienter dans le sens voulu. Comment pouvons-nous tolérer de tels propos sans broncher et être systématiquement suspectés d’être des profiteurs, sachant que dans la région une partie de la population survit par les aides sociales? Une région qui subit davantage les licenciements, connaît les fermetures d’usines, où dorénavant les contrats, notamment les plus précaires, ne sont pas renouvelés, et n’offre même plus de boulot dans le secteur de la pêche, qui était le pôle économique le plus attractif dans l’agglomération boulonnaise depuis longtemps. La cause principale se résume aux quotas de pêche revus à la baisse et imposés par l’U.E. Et avec leur prétexte traditionnel de la «crise», nous subissons de plein fouet les conséquences de la désindustrialisation. On essaie de rassurer les jeunes et moins jeunes, qualifiés ou non, en exposant des annonces publicitaires, ou à coup de mails ou de textos de Pôle emploi, dans le but de passer un entretien chez Armatis, par exemple… Avec toute cette mascarade politico-médiatique, ou alors leur indifférence absolue envers les demandeurs d’emploi, cela fait bien longtemps que l’espoir ne fait plus vivre dans cette région.
Précarité, grande machine à casser, à exclure, à fliquer!
La chasse au mauvais allocataire est en marche ! Alors prenons-nous en au bénéficiaire du RSA (qui remplace le RMI depuis 2009), le profiteur professionnel par excellence! 418 euros pour une personne seule, c’est une aubaine, l’extase, le nirvana! 598 euros si on a un enfant à charge, quelle chance! L’euphorie la plus totale ! On remplace le RMI par un programme qui impose encore plus d’obligations. En effet, pour avoir du RSA, il faut être inscrit à Pôle Emploi, et donc se plier aux mêmes règles que les chômeurs avec le risque de radiation des listes au bout de deux refus et donc une suspension des allocations. Revenu(s) à zéro. Les personnes ne se trouvant pas en capacité de travailler, et n’étant pas disposées pour diverses raisons à accepter une offre d’emploi « raisonnable » ne pourront plus toucher de revenu minimum, et c’est la seule alternative proposée par l’Etat.
Et jamais les parents pauvres n’ont été autant montrés du doigt, stigmatisés, ou culpabilisés. Suppression des allocs en cas d’absentéisme, contrats de responsabilité parentale, mise en avant de cas de maltraitance ou de délaissement d’enfants pour en tirer des généralités, comme d’habitude, il s’agit de rendre les pauvres responsables de leurs problèmes. Pour enfoncer le clou, ces coups portés aux prolétaires s’accompagnent de méthodes de contrôle social outrancières. On assiste à une véritable criminalisation des pauvres à la recherche de la moindre fraude, notamment avec le fichier unique qui regroupe nos informations personnelles pour toutes les administrations « payeuses » telles que Pôle Emploi, impôts, CAF, URSAFF… De plus en plus d’agents sont habilités à s’introduire chez les gens et vérifier leur train de vie. Ne laissez pas traîner un objet de valeur ou ils ne vous lâcheront plus!
Ensuite vient le RSA « activité » qui est un complément de revenu pour les bas salaires, mais loin d’être une solution, le RSA ne combat même pas l’exclusion : il l’institutionnalise. C’est une escroquerie. Les bénéficiaires en ont établi un triste bilan au bout de quelques mois. Le supplément de revenu étant inclus dans chaque déclaration, ils se sont vus perdre toutes sortes de prestations, comme par exemple la CMU, la prime pour l’emploi des impôts (calculée selon les heures travaillées dans la déclaration annuelle), la prime de retour à l’emploi, des allocations
spécifiques auxquelles ils pouvaient prétendre avant qu’on ne leur impose le RSA, les allocations logement revues à la baisse, etc … Finalement, la moyenne de perte financière est estimée à 200 euros mensuels. Bienvenue dans le monde de pauvreté durable !
Qui sont réellement les profiteurs ?
L’Etat stigmatise de façon délectable « les fraudeurs sociaux », qui, par ailleurs, n’essaient simplement que de trouver des solutions de survie financière dans un système qui ne profite qu’à la classe bourgeoise. On préfère traquer le prolétaire plutôt que le vrai voleur : le nanti, le conformiste, le donneur de leçons, le ploutocrate, le patron…
De plus, on estime ainsi que près d’un tiers des personnes qui devraient toucher le RSA n’en bénéficient pas, par défaut d’information, parce qu’ils ont renoncé à le demander face à la complexité de la procédure, ou tout simplement par crainte d’être stigmatisé en tant qu’ « assisté »…
Mais les chiffres sont clairs, la « fraude » aux prestations sociales est estimée, selon le ministère du travail, entre 540 et 808 millions d’euros par an sur 60 milliards de prestations globales versées. Quant à la fraude fiscale sous toutes ses formes, elle s’élèverait à une moyenne de 40 à 50 milliards d’euros en France par an, c’est-à-dire 2 à 2,5 % du PIB, information provenant de la Commission Européenne.
En conclusion, déficits et dettes, les termes à la mode, sont le fruit des petits cadeaux que s’octroie l’oligarchie, le camp de l’Etat.
Souriez ! Vous êtes radiés !
La situation des chômeurs, s’est encore dégradée avec la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC dans le «Pôle emploi». Au-delà des menaces et des radiations massives, les chômeurs sont aussi traités comme des fraudeurs en puissance et se retrouvent infantilisés avec des avertissements à la moindre incartade, au moindre rdv raté ou retard, à un coup de fil auquel ils n’auraient pas répondu. Les chômeurs sont de plus en plus isolés, ils n’ont plus d’occasion de se rencontrer. Les agents ne donnent quasiment plus de rendez-vous, tout se passe sur internet et leur fameuse plate-forme téléphonique, ce qui déshumanise complètement la relation au chômeur, engendrant l’exclusion, tragique pour certains.
Avec le manque d’organisation et de défense collective, les chômeurs sont abandonnés à leur sort. Trop rarement en contact avec des collectifs, des associations ou des syndicats, ils se retrouvent pour la plupart en manque d’informations concernant leurs droits, acculés au désarroi et à l’isolement.
2012, aucune illusion pour le travailleur avec ou sans emploi
Chômage, pauvreté, exclusion, répression, harcèlement au travail (pour celui qui en a), voilà ce qu’est une société dans laquelle on nous oblige à vivre.
Et soyons clairs : l’objectif du salarié est de gagner plus en travaillant moins, celui du patron est de faire travailler ses salariés au maximum en les payant au minimum. Le seul moyen dont disposent les travailleurs et les chômeurs pour améliorer leurs conditions de vie, c’est d’user de leur pouvoir de nuisance : s’arrêter de travailler, bloquer la machine économique par les occupations, les blocages des flux…
Finalement, le RSA est une aubaine pour l’Etat et le patronat qui se voient offrir des petits boulots conventionnés. Le recours aux contrats précaires se normalise. Peu importe le sigle, CDD, CAE, CUI, des salaires misérables, des conditions de travail lamentables, une pression hiérarchique, aucune perspective d’avenir, de l’exploitation légale et du foutage de gueule à volonté ! Les employeurs sont encouragés à développer des postes à bas salaire et à temps partiel, le tout dans un marché du travail nettement plus flexible. L’employeur patron y gagne au détriment du principal concerné, l’exploité. Un employeur engageant une personne avec ce genre de dispositif se voit exonéré pendant deux ans de cotisations sociales, alors pourquoi s’en priver ? Et de gauche comme de droite, toujours cette méthode : diviser pour mieux régner, en restant dans cette logique : l’exploitation de l’homme par l’homme, dans les mêmes inégalités économiques et sociales, et fausser les réflexions sur les situations précaires et de souffrances de la population. Un système qui attise de plus en plus de haine dans l’esprit d’un peuple manipulé, manoeuvré, berné.
Et cette précarisation générale profite intégralement au patronat qui bénéficie ainsi d’une main d’oeuvre à moindre coût. Le taux de chômage reste élevé en maintenant artificiellement un marché du travail avec une demande d’emplois supérieure à l’offre, ce qui garantit une » paix sociale » sous haute vigilance du pouvoir politique. Ainsi les besoins les plus fondamentaux de la population, tels que la santé, l’éducation, la communication, l’énergie et les transports, se retrouvent aux mains d’investisseurs privés seulement motivés par le profit. La démonstration est faite à ceux qui en doutaient encore : le pouvoir politique est le bastion du capitalisme.
Lutter par nos propres moyens
La casse des services publics, l’accélération des politiques libérales se répercutent directement sous forme d’une attaque généralisée sur tous les aspects sociaux : logement, retraites, chômage et tous les aspects économiques qui déterminent nos conditions de vie… La précarité se décline et se renforce aussi autour d’oppressions spécifiques (origine, sexe …). Que l’on soit travailleur avec ou sans-papiers, que l’on soit avec ou sans travail, c’est tous ensemble « puisque ensemble tout devient possible » que l’on pourra faire plier l’Etat, qui encadre légalement l’exploitation, et le patronat, qui concentre les richesses créées par les prolétaires entre les mains de la bourgeoisie.
Témoignage d’une jeune boulonnaise qui évoque la réalité de son quotidien, semblable à celui de la jeune génération, diplômés ou non :
J’ai 24 ans, mon ami 28, nous vivons en concubinage. Je sors de 3 ans de formation à Lille dans le but d’obtenir officiellement le statut d’éducatrice spécialisée pour jeunes enfants, ceci après
l’obtention du BAC. J’ai acquis de l’expérience lors de divers stages et de bénévolat, mais malgré cela, lorsque je passe un entretien pour un travail dans ma branche, on me rétorque systématiquement que le fait de m’engager leur coûterait bien plus qu’une personne s’étant arrêtée au CAP petite enfance. Et pourtant je n’évoque jamais la question d’un salaire minimum lors de l’entretien. Tout ce que je veux, c’est un revenu. Je n’ai pas encore l’âge de toucher du RSA « socle » (anciennement RMI, accordé à partir de 25 ans, avant ça on te laisse galérer sans revenu, et en toute légalité…).
Actuellement, le seul emploi que je peux exercer est un contrat journalier, 2h/semaine, payé au smic. Mon ami a un CDI dans une entreprise industrielle mais seulement à mi-temps. Et vue notre situation sociale, aucun complément de revenu ne lui est accordé. Les aides sociales sont quasi-inexistantes pour un jeune couple tel que le notre et sans enfant. Les factures mensuelles et le loyer nous bouffent une grosse partie de nos ressources. Nous pouvons rarement accéder à nos loisirs, comme les sorties culturelles ou les concerts et nous sommes régulièrement contraints d’annuler les invitations, ne serait-ce que pour aller boire un verre, les sorties entre amis en général. Cette situation nous ramène constamment à la réalité du quotidien, construit autour de l’isolement, de l’exclusion. L’insécurité financière et sociale nous frustre et nous empêche clairement de nous projeter dans l’avenir. Nous vivons de débrouille, de troc et de black, c’est ce qui nous permet de tenir, mais le moral et la santé en sont très affectés