Champagne !
« Champagne ! » s’est écrié l’armateur de la SNCF lors du baptême du dernier bateau de SeaFrance avant qu’une bouteille lancée par une marraine people de circonstance ne vienne se fracasser sur l’acier de la coque. Et vogue la galère, la mise en exploitation d’un ferry tournant 24 heures sur 24 entre Calais et Douvres pour la plus grande gloire du trafic maritime transmanche et du service public de transport républicain, laïc et obligatoire.
Jusqu’à la mise en service du Tunnel sous la Manche exploité également par la SNCF, dès lors l’entreprise se concurrence elle-même et se désengage de l’activité ferries. La suppression du Duty Free, le passage à l’euro et une ou deux bulles financières ou pétrolières ont justifié un premier plan social en 2010 puis le désastre actuel. Lorsque des marins du syndicat majoritaire interviennent avec leur projet de société coopérative ils se mettent en travers du projet de monopoly sur le détroit : réintroduire Louis Dreyfus Armateur sur le marché du car ferry. Ce projet de scop au moment où certains vont jusqu’à dire que les bateaux et équipement ne valent rien. C’est aux travailleurs eux même de prendre les décisions qui les engagent. L’idée de la scop apparaît à nos yeux extérieurs peut-être comme la moins pire des solutions envisagées dans le cadre de cette liquidation. Non pas car elle serait une panacée en terme de tentative de “produire autrement”, d’ailleurs il ne semble pas que ce soit l’objectif que poursuivent ses protagonistes mais il a permis avant tout de maintenir une relative unité des travailleurs en leur offrant une perspective collective. C’est d’abord cette dimension là, celle de garder autant que faire se peut un “collectif de lutte” qui à l’heure actuelle nous semble primordial. Trop souvent en de pareilles circonstances le “sauve qui peut”, la résignation et l’éparpillement livrent les individu-es à l’isolement et accroît d’autant leur vulnérabilité.
Alors Champagne ?
Oui, mais… Made in France
Cette boisson pétillante est devenue au siècle des Lumières la boisson symbole de la légéreté, de la gaieté et de la fête. Comme la France était puissante à l’époque des guerres en dentelles, des petits marquis et des grands financiers ! Pas de soucis la révolution industrielle qui s’amorçait en Angleterre ne posait pas de soucis de localisation on produisait français, on consommait français – ou parfois Antillais – les productions coloniales assurées par l’esclavage des noirs d’Afrique étaient estampillées « made in France ». Un made in France dont on nous rebat les oreilles. Il n’y aurait plus d’industries en France. Les mêmes qui rêvaient d’usines sans ouvriers nous refont le coup du produire français. Ce patronat nationaliste est applaudi par les partis de gauche dont certains maires attachés à la défense du prolétariat national n’hésitaient pas à envoyer des bulldozers pour détruire les foyers d’immigrés sur leur territoire. Peu importe l’exploitation, le vol des bénéfice de cette formidable productivité pourvu qu’il soit le produit de la sueur nationale. Tout est bon pour défendre notre pré carré hexagonal. Un certain Colbert en son temps en avait rêvé, le patronat social chrétien associé au front de gauche va le réaliser. Le champagne, fruit de la vigne française n’a pas fini de couler. 2011 fut une année record en matière de ventes.
Que faire de la bouteille ?
En cette période électorale, il convient de la garder soigneusement. Les projets, les pseudo débats qui envahissent les médias unanimes à nous appeler aux urnes ne sont qu’une pollution pour nous appeler à renoncer à notre droit à la parole. Il s’agit bel et bien de confier au sens propre du terme nos voix à un homme, une femme qui parlera à notre place. Rares sont parmi ces candidats ceux qui remettent en cause la propriété des moyens de production. Quand bien même certains nous le proposeraient nous n’en avons que faire. C’est aux travailleurs eux mêmes de s’occuper de leurs affaires. Récupérons plutôt les bouteilles que les gogos soulés par leur victoire présidentielle ne manqueront pas de vider pour en faire un cocktail avant que ce fameux champagne ne vire au vinaigre