DRAKA Calais : une grève partie de la base et qui dure …

DRAKA Calais : une grève partie de la base et qui dure …

Depuis trois semaines, la grève à l’ usine Draka de Calais touche un secteur dit “de pointe” et en expansion(1), celui de la fabrication des câbles de fibre optique. Cette lutte se caractérise autant par sa durée : plus de trois semaines de grève, que par la volonté et l’unité affirmée de la base qui a poussé les représentations syndicales à passer à la vitesse supérieure. Nous avons rencontré quelques travailleurs du site, deux syndiqués à la CGT et à la CFDT et un ouvrier non syndiqué avec lesquels, une heure durant, nous avons discuté des raisons et des modalités de leur grève.

“Au départ, on a lancé les débrayages dans le cadre des NAO(2), mais ce sont les gars qui nous ont poussé à enclencher la grève que l’on reconduit chaque jour depuis le 12 avril (…) ici tout le monde en a marre …” La grève chez Draka est partie de la base et se reconduit collectivement sur le piquet où la rotation des équipes correspond à celle des postes de travail. Les grilles de l’usine sont bloquées, la production à l’arrêt et rien ne sort ni ne rentre du site depuis trois semaines. La direction a saisi le tribunal de Boulogne-sur-mer qui a demandé la levée du blocage. Pour le moment, les ouvriers n’ont pas accepté. On nous explique qu’auparavant l’entreprise assurait elle même la livraison de la marchandise mais que ce n’est plus le cas aujourd’hui; les patrons ont externalisé le transport et demeurent ainsi gagnant sur ce segment de la masse salariale aussi bien en temps normal que dans le cadre d’une lutte …

Les raisons de la grève

L’usine de Calais auparavant propriété d’Alcatel est désormais passée sous le contrôle du groupe italien Prysmian (3). Cent seize personnes y fabriquent de la fibre optique terrestre. La production regroupe les deux tiers des effectifs, le tiers restant se compose de l’encadrement qui ne soutient pas le mouvement. “ C’est à nous, la production, que l’on demande systématiquement de faire des efforts. On n‘a pas touché de participation aux bénéfices depuis des années par contre les cadres reçoivent des bonus en plus de leurs 2 % d’augmentation annuelle “(…)

“Pourtant les patrons font des bénéfices; ils ont gagné 15 millions d’euros l’année dernière, on a donc réclamé 3 % d’augmentation et 1000 euros de prime.Ils nous ont proposé 1,6 % et une prime de 0,6 % pour certains d’entre nous seulement… Mais ce n’est pas tout, ils nous reprennent 4 jours de RTT dans l’année et veulent réorganiser les postes. La direction souhaite passer certains d’entre nous en 3×8 et d’autres en 5×8; les effets sur notre santé sont importants d’autant que la moyenne d’âge dans la boîte tourne autour de 45 ans. Il n’y a pas eu d’embauche depuis plus de 10 ans et les départs en retraite ne sont pas remplacés. Ils réorganisent la production pour nous faire supporter la charge de travail supplémentaire… »

Quelles sont les réelles intentions de la direction ?

Depuis le début de la grève, les patrons n’ont pas remis les pieds à l’usine : “ …Ils ont peur qu’on les séquestre…” plaisante un ouvrier. Pourtant, l’arrêt de la production devrait peser dans le rapport de force et le manque à gagner inciter la direction à relancer les machines. Le passage des cadres sur les piquets faisant porter la responsabilité de la situation aux ouvriers est classique mais les insinuations sur la “fermeture de l’usine” laisse planer le doute sur les réelles intentions de la direction. “Oui, ils perdent du fric mais ils ne bougent pas pour autant; on ne voit personne et ils ne répondent pas. On ne peut s’empêcher de penser à une fermeture d’autant qu’ils évoquent toujours le site de production en Espagne où les coûts sont moins chers…”

“On se sent isolés, on lutte seuls …”

“Au départ c’est le site de Douvrin qui est parti en grève trois jours consécutifs, c’est une usine importante qui compte plus de trois cents personnes. Malheureusement au moment où l’on a arrêté le travail, ils ont repris… Si les deux sites étaient à l’arrêt en même temps on aurait plus de force… Ici on se sent isolé, on lutte seuls et on ne voit personne. Les boîtes d’à côté : ASN, Eurotunnel, Brampton, Nexans, P &O sont venues nous soutenir et ont organisé une collecte… On s’est adressé à la Mairie(4)qui n’a pas répondu. De son côté Philippe Blet(5)nous a fait savoir qu’il n’avait pas d’argent… Pourtant, pour financer le projet “Calais Nord” et les J.O(6)ça ils en ont du fric ! On n’a pas vu non plus les Unions Locales se bouger beaucoup, deux ou trois personnes sont passées et c’est tout …

De toute manière on ne rentrera pas comme ça, on a perdu un mois de salaire et pour l’ambiance à venir dans la boîte ce n’est pas possible…

Boulogne-sur-mer le 05/05/2012.

Notes : 

(1)Daniel Percheron, président socialiste du Conseil Régional annonçait dernièrement la programmation d’un plan de câblage du territoire qui s’achèverait en 2025.

(2)N.A.O : Négociations Annuelles Obligatoires.

(3) Prysmian ex société Pirelli a été constitué en 2005 par le groupe Goldman Sachs

(4)La Mairie de Calais anciennement tenue par le PCF est passée aux mais de l’UMP aux dernières municipales.

(5)Philippe Blet est le premier adjoint membre du PS de la maire UMP de la ville de Calais, il est par ailleurs président de la communauté d’agglomération.

(6) La communauté d’agglomération du Calaisis a investi 300 000 euros dans l’accueil des prochains Jeux Olympiques qui se dérouleront à Londres cet été.

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